portrait

P-A Anglade | Un self-made-Macron-man à Bruxelles

À trente ans, il est bien parti pour devenir le député de En Marche! pour le Benelux même si ce n’est pas lui qui vous vendra la peau des vieux partis avant de les avoir tués.

Pourquoi lui? Depuis que Macron est au zénith, la question sonne en boucle aux oreilles de Pieyre-Alexandre Anglade. Tout ce que le petit monde des Français de Bruxelles compte de (social-)centristes aux dents longues lui tourne autour pour la lui susurrer.

À trente ans à peine, il est à la tête de En Marche! pour l’ensemble du Benelux. Et il s’attend à être désigné cette semaine pour briguer au nom du mouvement l’unique siège de député pour la circonscription aux législatives du mois prochain. Ça l’enverrait selon toute vraisemblance sur les bancs de l’Assemblée nationale en lieu et place du socialiste Philip Cordery, si l’on se hasarde à transposer les résultats de la présidentielle: dans le Benelux, Macron l’avait emporté haut la main dès le premier tour – loin devant François Fillon. Pieyre-Alexandre Anglade, que nous rencontrons dans un bar de la place du Luxembourg à Bruxelles, esquisse une imperceptible moue: laissons la peau de l’ours à sa place.

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Le profil
  • Né en 1986, il a passé son enfance à Ville-d’Avray, dans la banlieue verte de Paris, élevé par sa mère, éditrice et journaliste.
  • Après un parcours scolaire semé d’embûches, il a étudié l’Histoire à la Sorbonne et fait un Erasmus à Glasgow (Écosse).
  • Il a suivi une maîtrise en affaires européennes à Sciences Po Strasbourg.
  • Il a été assistant parlementaire de la centriste française Nathalie Griesbeck (ALDE) pendant cinq ans.
  • Il dirige le bureau d’un des vice-présidents du Parlement européen, le centriste tchèque Pavel Telicka.
  • En Belgique depuis sept ans, il vit à Ixelles avec sa compagne.

Pourquoi lui? Pour son flair et son audace, pardi! En février 2016, deux mois avant qu’Emmanuel Macron ne se décide à lancer son mouvement, ce jeune homme lui envoyait une lettre prophétique. "Monsieur le Ministre, en tant qu’observateur du monde politique […] je souhaite aujourd’hui attirer votre attention sur mes réflexions concernant la situation politique de notre pays", entamait-il avant de se présenter. Il a moins de trente ans, il est assistant parlementaire d’une éminence tchèque, et il a fait de l’Espace Léopold son poste d’observation. Et que voit-il? Que partout en Europe, des mouvements politiques alternatifs se sont affranchis des "vieilles lunes idéologiques" et ont prospéré sur les cendres des partis traditionnels. À l’image de Ciudadanos en Espagne, de To Potami en Grèce… Ou de ANO, le parti du vice-président tchèque du Parlement européen, Pacvel Telicka, pour qui Anglade travaille. "Je crois que l’heure est venue pour qu’en France, un mouvement [de ce type] voie le jour et que vous en portiez le projet […] Les autres pays l’ont fait, nous pouvons également réussir", écrit-il en proposant ses services. C’est ce qu’on appelle avoir du flair.

La réponse, en substance, du cabinet Macron: intéressant, on vous écrira. Mais c’est Anglade qui prend une nouvelle fois l’initiative deux mois plus tard, quand Emmanuel Macron lance son mouvement. On lui a alors donné rendez-vous à Paris, dans le premier QG de En Marche! Il fallait quelqu’un pour amorcer la machine en Belgique, ce sera donc Anglade.

De la cinquantaine de curieux qui s’étaient déplacés à sa première réunion bruxelloise, en juin dernier, il n’a pas revu grand monde. "Beaucoup étaient venus par intérêt politique, pour se placer. Des gens de cabinets de commissaires, de lobbies… Ils ont disparu parce que je leur ai expliqué qu’En Marche Bruxelles n’avait pas vocation à être le think tank des affaires européennes d’En Marche!" Une fois le malentendu dissipé, Anglade a accompagné l’incroyable expansion du mouvement. La "bulle", disaient les rabat-joie. "Des dizaines de personnes m’ont dit que c’était sympa ce qu’on faisait mais que ça ne mènerait à rien. Et quand Emmanuel Macron a annoncé sa candidature, juste avant la primaire "de la droite et du centre", d’autres m’ont dit qu’on était irresponsables, qu’on allait faire perdre Juppé…", se souvient-il.

Avant de s’engager pour Macron, Anglade n’avait jamais pris de carte. "J’ai toujours essayé de garder mes distances avec les partis parce que je ne m’y retrouvais pas: vous n’avez pas votre mot à dire. Si vous n’êtes pas militant pendant quinze ans, vous n’existez pas." Avec En Marche!, il a au contraire gravi les échelons à mesure qu’ils se construisaient. Une récompense pour y avoir toujours cru, assure-t-il. Cru que c’était pour 2017, que le pays ne pourrait pas attendre cinq ans de plus. Cru que Macron l’emporterait. Le nouveau président, il l’a rencontré deux fois. Très brièvement au printemps dernier puis plus longuement en octobre, où il lui a servi de guide dans les arcanes du Parlement. "Cette rencontre m’a prouvé que le personnage qu’il était publiquement est fidèle à ce qu’il est dans la réalité."

S’il est confirmé par la commission d’investiture de En Marche!, Anglade aura comme première tâche de faire un emprunt pour faire campagne – environ 35.000 euros – avant d’entrer dans l’arène. Pour prouver que ce que Macron a fait le week-end dernier, il est capable, à son échelle, de le répéter en juin.

Il joue au "cinq cinq"

Pieyre-Alexandre Anglade est féru de football. Il n’est plus en club, mais joue encore régulièrement au "cinq cinq". "Le minifoot comme vous appelez ça en Belgique…" Et pour la troisième mi-temps, il sort souvent au "Tigre", dans le quartier Flagey, à Ixelles.

Le "défi" belge

Plusieurs partis belges, et en particulier DéFI, entretiennent des "contacts soutenus" avec lui. Un mouvement du type d’En Marche! peut-il éclore chez nous? "Je peux comprendre l’opportunisme politique de surfer sur une vague, mais je pense que ça ne marchera. Il faut un leader neuf et si c’est pour maquiller les anciennes boutiques, ça ne prendra pas", tranche-t-il.

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