Publicité

Ce qu'il faut retenir de la réunion de l'Otan

©Photo News

Donald Trump enjoint ses alliés de payer leur dû, jetant le froid sur la réunion de l’Otan et la cérémonie d’inauguration du nouveau siège. L’Alliance a fait droit à sa requête d’intégrer la coalition contre Daech. Le président américain s’est abstenu de lever les ambiguïtés sur l’engagement des Etats-Unis à défendre l’Europe en cas d’agression. Il a refusé de rencontrer la presse européenne.

Sur le toit oblong du nouveau siège de l’Otan, des snipers veillent. Non loin, sur le tarmac de l’aéroport de Melsbroek, des hélicoptères Agusta sont prêts à décoller au moindre incident. Boulevard Léopold III, entre l’immeuble ultramoderne et l’ancien siège où sont basés un millier de journalistes, des combis de police patrouillent. Le dispositif, dissuasif, est déployé pour protéger le président des Etats-Unis, mais aussi plus d’une trentaine de chefs d’État et de gouvernements.

Donald Trump, le roi Philippe, le président français Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel, la Première ministre britannique Theresa May, le président turc Tayyip Erdogan… Tous ces acteurs, si souvent opposés sur la scène mondiale, avancent ensemble, presque main dans la main, vers deux reliques symbolisant leur union. Un pan du mur de Berlin, un débris de la tour nord du WTC. Autocrates et démocrates ne font plus qu’un. Et tandis qu’Angela Merkel remémore sa jeunesse derrière le bout de mur de la honte, on sent un courant de sympathie les traverser.

Publicité

"Je n’ai pas demandé le prix du nouveau siège, et je me refuse à le demander." Donald Trump Président des Etats-Unis

C’est compter sans le réveil brutal, sonné par Donald Trump. Dans un bref discours, le président des Etats-Unis enjoint les alliés à accroître leurs dépenses militaires. (Charles Michel en a profité pour confirmer son intention d'augmenter progressivement le budget belge de la Défense, mais sans s'engager à atteindre les 2% du PIB réclamés par Washington et par l'Otan.) L’ambiance se refroidit, malgré une touche d’humour finale de l’homme qui trouvait l’Otan "obsolète". "Je n’ai pas demandé le prix du nouveau siège, et je me refuse à le demander. En tout cas, il est magnifique", a-t-il conclu.

Quelques minutes plus tard, le président Trump réitérait avec force son injonction de payer lors d’un dîner de travail. "Je n’ai pas été surpris de ce que j’ai entendu", a confié le Premier ministre belge Charles Michel après la rencontre, "cet appel n’est pas nouveau, son prédécesseur l’avait déjà lancé, certes dans un style différent".

La réunion avait lieu dans une petite salle du nouveau siège, jugée plus intime que la "salle ovale" qui servira de lieu de travail. Cette pièce majestueuse est surplombée par une citation originale du premier site de l’Otan à Londres: "Animus in consulendo liber" (L’esprit libre dans la consultation). On n’en était pas là ce jeudi. Durant le déplacement, M. Trump n’a pas pu s’empêcher de bousculer sèchement le président du Montenegro Dusko Markovic afin de prendre sa place dans le cortège.

→ Visite exclusive d'une base américaine en terres belges: Les G.I.'s de Chièvres

Lutte contre le terrorisme

Une avancée, une seule, s’est produite lors de cette "réunion de travail". Les alliés ont décidé de faire entrer l’Otan dans la coalition contre l’État islamique. Une décision décrochée par le président Trump, alors que l’Allemagne et la France rechignaient depuis plusieurs mois à mêler l’Otan à la coalition après l’échec de la campagne libyenne. Donald Trump a insisté lourdement sur la lutte contre le terrorisme, évoquant à l’appui l’attentat de Manchester. "Ce fut une attaque vicieuse et barbare contre notre civilisation", a-t-il dit, "nous devons expurger ces ratés, tous ces ratés (sic), où qu’ils se trouvent dans le monde. Nous devons les chasser sans les laisser revenir". Il a aussi dénoncé "ces milliers de gens qui se dispersent dans nos pays", confondant terrorisme et migration. "L’Otan du futur devra se concentrer sur le terrorisme et la migration, mais aussi la Russie", a-t-il dit. La décision d’intégrer la coalition contre Daech va-t-elle servir cette vision? Cette concession des Européens a l’apparence d’un cadeau offert au président Trump.

Publicité

"L’entrée dans la coalition a deux avantages", explique une source de l’Otan, "sur le plan politique, elle démontre l’unité des alliés dans la lutte contre le terrorisme et elle amène l’Otan à la table pour prendre part à toute décision ultérieure de la coalition". L’Otan a mis des avions de surveillance à la disposition de la coalition. Mais elle n’a, à ce jour, aucun mot à dire.

Sur le plan pratique, "l’Otan va pouvoir accroître son niveau de participation sur le terrain à des missions d’entraînement et de formation des forces locales de sécurité en Irak", poursuit cette source. Ces forces ont besoin de formation dans plusieurs domaines comme le déminage, le soutien aux civils ou les soins médicaux. L’Otan va accroître la présence et les missions des avions de surveillance Awacs au-dessus de la Syrie et de l’Irak. "Ils vont faciliter le travail de la coalition en fournissant une vision très précise de l’espace aérien", ajoute cette source. "Mais ils ne participeront pas aux missions de ciblage, car c’est une activité de combat". Le ravitaillement en vol des avions sera, lui aussi, accru.

Un centre de renseignements contre le terrorisme ("Intelligence Fusion Center") sera mis sur pied au nouveau siège. Pas question, toutefois, d’envoyer des troupes de combat au sol. Actuellement, l’Otan dispose de 13.000 militaires sur le terrain en Afghanistan, chargés d’une mission de formation des forces afghanes dans la lutte contre le terrorisme ("Resolute Support"). Un millier d’hommes pourraient les rejoindre.

L’autre moment fort de la journée était l’inauguration du nouveau siège de l’Otan, déjà décrit dans nos colonnes. L’immeuble, qui évoque des doigts croisés en signe d’alliance, a coûté 1,1 milliard d’euros, dont 40 millions à charge de la Belgique.

L’installation de l’IT par le géant de la défense Lockheed Martin ayant pris du retard, le siège n’est pas encore prêt. "Le QG sera opérationnel quand le secrétaire général Jens Stoltenberg y sera transféré, ce qui prendra encore quelques mois", dit une source de l’Otan. Le déménagement des 4.050 agents de l’Otan devrait être terminé pour mars 2018. Le site, ultra-sécurisé, peut résister aux explosions malgré ses 72.000 m2 de vitres. Les délégations nationales seront installées dans les étages les plus élevés du siège. Le sous-sol comporte deux tunnels, des ordinateurs et un espace protégé.

Publicité
Messages sponsorisés