Des compteurs intelligents qui ne savent pas compter

L’information est plutôt inquiétante, alors que la Belgique s’apprête à remplacer progressivement les anciens compteurs électriques par des compteurs intelligents – des compteurs digitaux permettant ouverture et fermeture à distance, ou un suivi de la consommation quart d’heure par quart d’heure. Une étude menée par l’université de Twente, en collaboration avec l’Université des sciences appliquées d’Amsterdam, conclut que ces compteurs peuvent mesurer de façon tout à fait erronée la consommation d’électricité.

Neuf compteurs digitaux, représentatifs des compteurs intelligents déployés aux Pays-Bas, ont été testés en laboratoire sur une période de six mois. Ils ont été connectés via un tableau électrique à une série d’appareils: un chauffage électrique, des lampes basse consommation, des lampes LED et des dimmers. Et leurs mesures ont été comparées à celles d’un compteur classique.

Résultat: cinq des compteurs intelligents indiquaient une consommation beaucoup plus élevée que la quantité d’électricité réellement consommée — jusqu’à 582% supplémentaires. À l’inverse, deux des compteurs donnaient des mesures inférieures de 30% à la quantité d’électricité réellement consommée. Des résultats entièrement reproductibles, affirment les chercheurs.

Les plus grandes déviations ont été observées quand des dimmers combinés à des lampes économiques et des lampes LED étaient connectés au système. L’explication des chercheurs? L’utilisation de ces technologies modernes fait que l’électricité consommée n’a plus la forme d’une onde sinusoïdale classique, mais prend des formes erratiques. Les compteurs qui utilisent un capteur à boucle de Rogowski surestiment alors le courant consommé, tandis que ceux qui utilisent un capteur à effet Hall le sous-estiment.

"Les compteurs électriques que nous avons testés répondent à toutes les prescriptions légales et sont certifiés. Ces prescriptions, toutefois, n’ont pas suffisamment pris en considération les dispositifs de commutation modernes", commente le professeur Frank Leferink, un des trois auteurs de l’étude, sur le site de l’université de Twente.

Quid en Belgique?

Du côté des gestionnaires de réseau de distribution belges, on se montre quelque peu circonspect vis-à-vis de cette étude, même si elle émane d’une université renommée et qu’elle a été publiée dans une revue réputée. "Nos spécialistes doivent encore analyser l’étude en détail, explique Philippe Massart, directeur de la communication chez le Bruxellois Sibelga. Il est connu que les compteurs intelligents ont du mal à mesurer les LED, mais vu leur poids dans la consommation totale, cela ne peut conduire qu’à des déviations de quelques pourcents. Les scénarios testés sont peut-être extrêmes." Il ajoute que les compteurs testés utilisent des protocoles spécifiques aux Pays-Bas, qui ne sont pas utilisés en Belgique.

Ores, le principal gestionnaire de réseau wallon, qui a choisi de travailler avec le compteur français Linky, se dit convaincu que les exigences de spécifications élevées ainsi que les tests sévères que doit subir le matériel sont une garantie de conformité de la mesure. "Nous en avons cependant référé à Enedis, le concepteur du standard Linky, pour confirmer l’absence du problème évoqué par l’étude", précise Jean-Michel Brebant, porte-parole d’Ores.