Malgré des taux de croissance encourageants, l’Afrique subsaharienne ne parvient pas à remédier à une instabilité politique chronique.
" L’Afrique a suscité un net regain d’intérêt ces dix dernières années ", explique Louise Van Cauwenbergh, analyste pour cette région au sein du Groupe Credendo. " C’est le continent qui enregistre la plus forte croissance après l’Asie émergente, grâce au boom du prix des matières premières et aux investissements consentis pour développer les infrastructures. C’est cependant un continent hétérogène, où il est difficile de faire des généralisations. L’économie sud-africaine a perdu sa place de plus grande économie de la région au profit du Nigéria, mais fut la première à passer à une économie industrielle et de services au cours de la décennie écoulée. "
Des pays comme la Namibie et le Botswana sont stables depuis des années, remarque encore l’analyste. Mais pour l’Afrique subsaharienne dans son ensemble, 2015 n’entrera pas dans les livres d’histoire... " À une exception près, nous n’avons procédé qu’à des révisions à la baisse des notes cette année. Elles concernent dans la plupart des cas des pays exportateurs de matières premières. Ceux-ci souffrent de la baisse des cours et du ralentissement de la demande en Chine, un partenaire commercial important. Parmi les producteurs de pétrole, citons le Nigéria, l’Angola, le Gabon et le Congo-Brazzaville. La Mauritanie est un grand exportateur de minerai de fer, alors que le Mozambique est plutôt exportateur de charbon et d’aluminium. "
À une exception près, nous n’avons procédé qu’à des révisions à la baisse des notes pour l’Afrique subsaharienne cette année.
La Tanzanie doit la dégradation de son rating à un énorme scandale de corruption concernant des fonds de donateurs dans le secteur de l’énergie, alors que la Gambie a été victime de la crise de l’Ébola. Bien que le pays ait échappé à l’épidémie, le tourisme en a souffert. " Beaucoup, même. ", poursuit Louise Van Cauwenbergh, " Car en période normale, environ un cinquième du produit intérieur brut gambien provient du tourisme. " Autre élément qui n’a pas favorisé la Gambie : les investisseurs et donateurs s’en sont détournés ces dernières années, parce que le régime prend de plus en plus des allures dictatoriales.
Toutefois, il y a donc eu une amélioration de la note pour le risque politique moyen et long termes. Qui est l’heureux élu ? " La Côte d’Ivoire ", explique Louise Van Cauwenbergh. " Pendant des années, nous avons été “fermés” sur ce pays pour les transactions à long terme en raison de la guerre civile. Mais, depuis cette année, nous couvrons à nouveau les transactions à moyen et long termes grâce au retour d’une plus grande stabilité politique chez le premier producteur mondial de cacao. Il semble qu’Alassane Ouattara, le président actuel, se verra accorder un nouveau mandat en octobre, ce qui devrait déclencher un afflux d’investissements. Nous prévoyons donc une forte hausse des demandes d’assurances-crédits pour la Côte d’Ivoire en 2016. "
Transitions démocratiques
" L’Afrique présente de nombreux risques politiques ", reconnaît Louise Van Cauwenbergh. " Cependant, je décèle également plusieurs signaux prometteurs. Ces dernières années, nous avons assisté à plusieurs transitions démocratiques dans des pays où nous ne nous y attendions pas du tout, comme le Nigéria, le Sénégal et l’Éthiopie. "
La spécialiste de l’Afrique prévoit une reprise prudente de l’économie africaine l’an prochain, " même si celle-ci dépendra largement d’une stabilisation des cours des matières premières, bien entendu. " Elle constate en outre une tendance encourageante. " Ces dix dernières années, la croissance économique reposait surtout sur les exportations de matières premières. À présent, nous assistons peu à peu à un changement de locomotive. L’économie repose de plus en plus sur la consommation privée et la croissance démographique, alors que les investissements glissent davantage vers l’agriculture et l’infrastructure. "
L’infrastructure demeure d’ailleurs un important frein " interne " à la croissance. " Et pas uniquement dans les pays les plus pauvres. Même des pays plus riches comme l’Afrique du Sud, le Nigéria et le Ghana pâtissent de leurs lacunes en matière d’infrastructures, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en électricité. "
Tests
Ces signes prometteurs se manifestent cependant dans un contexte de grande incertitude politique. Plusieurs tests importants arrivent, rappelle Louise Van Cauwenbergh. " De nombreux chefs d’État ont l’intention de prolonger leur mandat démocratique au cours des années à venir. C’est le cas dans les deux Congo, au Niger, au Rwanda, au Bénin, en Ouganda et à Djibouti. Au Togo et au Burundi, c'est déjà chose faite. Pas au Burkina Faso, où le président a été déposé. Ce sont autant de foyers d’instabilité et on ne peut pas exclure une guerre civile, au Burundi par exemple. "
Il y a non seulement des risques politiques quand un régime autoritaire prend le pouvoir, mais aussi quand il le quitte
Il y a non seulement des risques politiques quand un régime autoritaire prend le pouvoir, mais aussi quand il le quitte. Louise Van Cauwenbergh prend l’exemple du Zimbabwe. " Lorsque le président Robert Mugabe mourra, on sera confronté à un vide du pouvoir dont les conséquences sont très incertaines. En Angola et au Cameroun, les présidents José Eduardo dos Santos et Paul Biya sont au pouvoir depuis plus de 30 ans. "
Un autre risque politique particulier pour les entreprises qui exportent vers des pays africains réside dans la disparition soudaine de l’aide des donateurs pour les pays qui en sont très dépendants, ou l'imposition de sanctions. Ici non plus, Louise Van Cauwenbergh ne doit pas réfléchir longtemps pour trouver des exemples. " À la suite de l’adoption d’une législation anti-homosexuels, de nombreux donateurs ont supprimé leur aide à l’Ouganda. Le Mali s’est vu infliger des sanctions internationales après le coup d’État de 2012. De telles actions touchent de plein fouet le secteur public, qui est subitement incapable d’honorer ses factures. "
Interventions d'orateurs renommés
- Pascal Lamy, ancien Directeur Général de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC)
- Jonathan Holslag, chercheur et professeur à la VUB
- Aziz Mebarek, fondateur-partenaire de AfricInvest
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