Les entreprises découvrent peu à peu le potentiel économique de l’Afrique. À raison, selon Louise Van Cauwenbergh, analyste chez Credendo. Pour autant, il convient de rester prudent. Le Nigéria, par exemple, présente de réelles opportunités, mais des risques sont à l’avenant. Le pays est en plein essor mais doit réduire sa dépendance vis-à-vis du pétrole.
Une bonne partie des pays africains affiche des performances économiques honorables depuis plusieurs années. C’est notamment le cas du Nigéria, un pays abritant 180 millions d’habitants qui possède d’importants gisements de pétrole.
" Un Africain sur cinq est nigérian. Le pays est également le plus grand producteur de pétrole du continent et la plus grande économie d’Afrique subsaharienne depuis 2014 ", explique Louise Van Cauwenbergh, analyste Credendo pour une grande partie de l’Afrique. " La décennie écoulée a vu l’éclosion d’une classe moyenne aisée et des secteurs comme le textile, les télécommunications, l’immobilier, la grande distribution et l’agriculture devenir des moteurs de croissance de plus en plus importants. Les investissements dans la construction et l’infrastructure ont énormément augmenté. Beaucoup d’emplois ont ainsi été créés. Ces évolutions se sont cependant concentrées dans le sud du pays, ce qui constitue l’une des sources de frustrations qui ont entraîné l’émergence du mouvement terroriste Boko Haram dans le nord musulman. "
Ralentissement de la croissance et alternance démocratique
Cela dit, les perspectives se sont quelque peu assombries. " La croissance plafonne avec la baisse des revenus des exportations consécutive à l’effondrement des cours internationaux du pétrole. L’État tire 60 % de ses recettes du pétrole et le Nigéria n’a pas constitué de matelas suffisamment épais pendant son boom économique. Conséquence : l’État est contraint d’économiser pour compenser le recul des recettes publiques. La croissance économique s’élevait encore à 6 % en 2014 ; cette année, elle ne dépassera pas 4 %. De nouvelles dettes seront contractées, mais avec une dette publique de seulement 11,9 % du PIB, l’État nigérien reste très solvable. "
En 2014, le Nigéria enregistrait encore une croissance économique de 6 % ; elle ne devrait pas dépasser 4 % cette année, et 4,3 % l’an prochain.
Le pays est confronté à des problèmes structurels. " La corruption fait rage au Nigéria. Ainsi, le marché noir du pétrole est énorme et l’exploitation des gisements occasionne une énorme pollution. Mais la population veut aller de l’avant. Le nouveau président élu en 2015 avait notamment axé sa campagne sur la lutte contre la corruption. Malgré le risque de polarisation, la transition historique à la tête de l’État s’est déroulée sans violence, un plus pour la stabilité politique. "
Contrôles des capitaux
Credendo a cependant relevé la note de risque du Nigéria pour les crédits à court terme l’an dernier. Sur une échelle de 1 à 7 – 7 représentant le risque plus élevé –, la note du pays est passée de 3 à 5. " Cette évolution s’explique par les fuites de devises qui ont placé la monnaie locale (le naira) sous pression. Après deux dévaluations, la banque centrale a décidé d’instaurer des contrôles de capitaux en juillet. Les importateurs nigérians de produits spécifiques ne reçoivent plus de devises pour payer leurs fournisseurs. "
" La nouvelle réalité des prix bas du pétrole maintient la pression. On peut désormais se demander si les autorités nigérianes opteront pour une monnaie plus flexible afin de préserver les réserves. Et si la diversification de l’économie ne s’accompagnera pas de mesures protectionnistes ", poursuit Louise Van Cauwenbergh. " Le Nigéria doit se réinventer. Il traverse une phase difficile, mais Credendo reste optimiste. Les perspectives sont un peu moins favorables, mais c’est le cas de tous les exportateurs de pétrole. "
Au final, le Nigéria offre de nombreuses opportunités d’exportation et d’investissement aux entreprises. En dehors du pétrole, l’agriculture et l’infrastructure offrent un potentiel réel. Le nouveau président Buhari a promis d’enfin réformer le cadre législatif du secteur pétrolier et de s’attaquer aux lacunes en matière d’infrastructure pour attirer davantage d’investisseurs étrangers. Le terrorisme de Boko Haram qui tient la population du nord du pays en otage depuis plus d’une décennie fera également l’objet d’une plus grande attention. Une nouvelle offensive militaire en collaboration avec les pays voisins pourrait marquer le début de cette reprise en main. "