Non sans raison, les entreprises se focalisent sur le respect des directives liées au coronavirus. Plus particulièrement encore dans une période de télétravail généralisé, il est crucial de mettre en place une approche globale de la prévention des accidents du travail. “De légères adaptations peuvent suffire”, estime Johan Olbrechts et Brigitte Bert (AXA).
Même en période de crise sanitaire, les organisations et les entreprises doivent continuer à investir suffisamment dans leur politique de prévention des accidents du travail. “L’instauration de la distanciation sociale et d’autres mesures sanitaires risque de la reléguer au second plan”, reconnaît Johan Olbrechts. En qualité de Manager Safety Advice Services chez AXA, il fait partie d’une équipe multidisciplinaire spécialisée dans la prévention et la protection.
Dans ce contexte, certaines entreprises pourraient être tentées de négliger des principes de base de la prévention des accidents du travail… Elles doivent au contraire passer au crible leur analyse des risques, et ce, sans se limiter au Covid-19 proprement dit. Par exemple, de nombreux véhicules d’entreprise sont désormais équipés d’écrans temporaires en plexiglas pour protéger les travailleurs de la propagation du virus. Or, ces écrans engendrent un nouveau danger.
Le gel désinfectant pour les mains se compose à 70% d’alcool: c’est un produit hautement inflammable qui génère de nouveaux risques.
“En cas d’accident, le plexiglas peut éclater”, indique Johan Olbrechts. “Les cloisons en polycarbonate sont plus sûres. À condition qu’elles soient placées de manière optimale et qu’elles n’entravent pas la vision du conducteur.” Cet aspect sera notamment évalué si le véhicule doit subir un contrôle technique.
Un autre exemple concret? La plupart des entreprises prévoient aujourd’hui du gel désinfectant pour les mains dans les bureaux… en ignorant parfois que ce gel se compose généralement à 70% d’alcool. “Il s’agit de produits hautement inflammables”, prévient Brigitte Bert, Safety Advisor, qui conseille les clients pour tout ce qui touche à la prévention des accidents du travail. “En cas d’usage imprudent, ils peuvent causer des brûlures voire des incendies. Notamment en cas de décharge d’électricité statique lorsqu’on n’a pas laissé suffisamment sécher le gel après s’être désinfecté les mains. Ou quand on en stocke de grandes quantités dans un local non protégé contre les incendies.”
Conserver les bonnes habitudes
Il ne faut pas non plus perdre ses bonnes habitudes en matière de sécurité. “Les travailleurs qui n’osent plus toucher la rampe d’un escalier par crainte d’être contaminés risquent davantage de trébucher et de tomber”, souligne Johan Olbrechts. “L’utilisation des rampes reste importante pour prévenir les accidents.”
Afin de mettre ce principe en conformité avec les prescriptions sanitaires, les employeurs peuvent proposer des gants à leurs collaborateurs ou désinfecter régulièrement les rampes. Pensez aussi aux portes coupe-feu maintenues ouvertes pour éviter la propagation du virus: “Le risque de propagation de l’incendie s’accroît lorsqu’il n’est plus possible de compartimenter un bâtiment”, alerte Brigitte Bert.
Heureusement, il existe une solution à ce problème: en cas d’alerte incendie, il est possible de fermer les portes à distance avec un appareil sans fil.
Télétravail
Plus d’un travailleur belge sur cinq avait adopté le télétravail avant la crise sanitaire. Ils sont désormais nettement plus nombreux. Pour assurer aux télétravailleurs un environnement de travail aussi sain et sûr qu’au bureau, les employeurs peuvent donner des conseils et éventuellement mettre des outils ergonomiques à leur disposition. Toutefois, c’est aux salariés qu’il reviendra de les exploiter.
“Les employeurs ne peuvent pas exercer la même surveillance sur leurs télétravailleurs que dans l’entreprise, ni analyser de manière aussi pointue les risques d’accident”, avance Brigitte Bert. Une analyse des accidents du travail chez AXA révèle que les chutes dans les escaliers représentaient près de 40% des accidents de télétravail entre 2015 et 2019.
Accident du travail ou accident privé?
Il faut également se rappeler que tous les accidents ne sont pas automatiquement des accidents du travail. Une charge de preuve minimale est requise, y compris dans le télétravail. “La définition de l’accident du travail reste d’application”, éclaire Brigitte Bert. “Seuls les accidents qui peuvent survenir à la fois sur le lieu de travail et au domicile du travailleur sont des accidents du travail potentiels. C’est le cas d’une chute dans les escaliers quand on se dirige vers la machine à café.”
Les salariés qui n’osent plus toucher la rampe de peur d’être contaminés risquent davantage de trébucher et de tomber dans les escaliers.
En revanche, le télétravailleur qui se blesse en faisant du jardinage ou du repassage pendant la pause de midi ne sera pas considéré comme victime d’un accident du travail. Tout simplement parce qu’il n’exerce pas ces activités sur son lieu de travail. “Il est important d’y sensibiliser ses télétravailleurs”, prolonge Brigitte Bert. “Par exemple à l’aide de toolboxes, de vidéos de prévention, de fiches ou d’une combinaison de ces outils.” Les travailleurs prendront ainsi conscience que leur environnement domestique comporte des risques, et se montreront plus attentifs.
Approche intégrée et bien-être au travail
Il est quoi qu’il en soit nécessaire de revoir périodiquement ses analyses de risques. Le Covid-19 fait figure de nouveau risque qui doit être repris dans les analyses existantes et qui dès lors les influencera. Il est en outre essentiel que les entreprises impliquent leur conseiller en prévention et le médecin du travail dans ce processus, et investissent davantage dans la sensibilisation des travailleurs. “Il serait dommage que des entreprises réduisent à néant tous les efforts qu’elles ont déployés ces dernières années en se focalisant presque exclusivement sur le respect des mesures sanitaires liées à l’épidémie”, juge Johan Olbrechts. “Une vision à 360° de la prévention demeure indispensable.”
Surtout en vue du redémarrage des entreprises, il est primordial, au-delà des mesures sanitaires, de réexaminer les dispositions de sécurité existantes et de les intégrer aux nouvelles mesures. Le guide générique de l’administration constitue dans ce cadre un outil intéressant: il comprend de nombreux conseils pratiques pour bien préparer le redémarrage. Sans oublier la cinquantaine de guides et protocoles sectoriels élaborés par les commissions paritaires à titre complémentaire.