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La consolidation fiscale dans les reprises

© /Hollandse Hoogte

Que peut faire une entreprise pour que les frais de financement liés à une acquisition soient mis à la charge de la société reprise?Une solution possible réside dans la fusion post-acquisition. Mais ce type de fusion n'est pas sans inconvénients. Werner Huygen, qui dirige le groupe transaction tax chez EY, évoque les difficultés, les nouvelles tendances et les initiatives législatives espérées.

Cette année 2007 va probablement battre tous les records en termes de fusions et de reprises. Fin avril, après un trimestre à peine, le cap des 2.000 milliards de dollars de reprises était déjà franchi, un chiffre à comparer aux 4.000 milliards de dollars de toute l'année 2006. Les entreprises belges n'échappent pas à cette fièvre de la fusion. Plus que jamais, elles étudient les dossiers de reprise au niveau national ou international, quand elles ne mettent pas elles-mêmes leurs activités en vente. En général, dans une reprise, c'est le vendeur qui a la main. Il décide quand, où et à qui il vendra. Il choisit de se défaire de toute sa société, ou d'un département. Enfin, il tranche quant aux modalités de la transaction: vente directe de l'actif et du passif (asset deal), ou cession des actions de la société. Du point de vue fiscal, cette dernière option est la plus intéressante, du moins pour le vendeur. Celui-ci peut compter, dans notre pays, sur une certaine souplesse dans l'exonération fiscale des plus-values réalisées lors du transfert d'actions. Pour l'acheteur, en revanche, l'acquisition des parts d'une société est fiscalement moins attrayante. Raison pour laquelle il préfère l'asset deal (voir encadré). Le principal inconvénient de l'acquisition d'actions est que l'acheteur ne peut pas amortir fiscalement le goodwill compris dans le prix convenu. L'acheteur ne peut pas davantage imputer ses frais de financement sur le résultat de l'entité cible (debt push down): il doit les prendre lui-même en charge. Une solutions existe cependant pour ce dernier problème: la fusion dite post-acquisition. Concrètement, la filiale (la cible) est absorbée par la maison mère (l'acheteur). Dans de rares cas, l'absorption s'effectue dans l'autre sens. Ce mode de fusion soulève deux problèmes fondamentaux. Le premier est juridique, l'autre fiscal.

INCERTITUDE JURIDIQUE

L'incertitude juridique résulte du fait que la législation belge impose des restrictions sévères à la société qui voudrait apporter une assistance financière à son repreneur. La loi lui interdit d'avancer des fonds, de consentir un prêt ou de constituer des garanties au bénéfice de l'acheteur pour l'aider à prendre plus facilement le contrôle de sa cible. Raison évidente de ces restrictions: le législateur belge voulait éviter que les entreprises convoitées épuisent leur propre capital en faveur du tiers qui vise leurs actions. Du fait de cette limitation, d'éminents juristes belges se montrent réticents face à une fusion intervenant peu après la reprise. Cela revient en effet indirectement à un transfert de moyens entre la cible et le repreneur. Les infractions sont d'ailleurs sévèrement sanctionnées. Toute la transaction peut être déclarée nulle, et les administrateurs risquent jusqu'à un an de prison. Ces entraves juridiques pourraient cependant bientôt disparaître.

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La Commission européenne a en effet constaté que l'interdiction d'une assistance financière au repreneur par la cible va trop loin et constitue trop souvent une entrave au financement des dossiers de re prise. Aussi la Commission a-telle décidé d'assouplir l'interdiction de l'assistance financière. Cela ne signifie pas pour autant que l'entité cible sera libre de prêter de l'argent au repreneur. Il faudra pour cela remplir une série de conditions, la principale étant que la cible elle-même devra posséder suffisamment de moyens. L'assistance financière s’exercera sous la responsabilité du conseil d'administration, qui devra veiller à ce que le crédit soit octroyé aux conditions du marché et avec l'autorisation préalable de l'assemblée générale. L'assouplissement de la règle figure dans une directive européenne du 6 septembre 2006. Les milieux juridiques et fiscaux belges espèrent qu'elle sera rapidement transposée dans la législation nationale.

LE PROBLÈME FISCAL

L'origine du problème fiscal réside dans le fait que les parties souhaitent que la fusion reste fiscalement neutre. Concrètement, une fusion fiscalement neutre a pour but de transférer l'actif et le passif de la cible dans le patrimoine du repreneur sans que les plus-values latentes soient imposées. Il s'agit ici des plus-values qui, sans figurer encore dans la comptabilité, seront mises en évidence par une aliénation des actifs. Jusqu'il y a peu, il fallait pour cela que la fusion réponde à des besoins légitimes, de caractère financiers et économiques, par exemple la conjugaison d'activités complémentaires, la réalisation de synergies ou une augmentation d'échelle. Si les faits démontraient qu'en cas de fusion post-acquisition, la dette de la maison mère avait été mise à la charge de la filiale, les sociétés concernées devaient présenter des motifs économiques très solides pour pouvoir prétendre à la neutralité fiscale.

Le Service des Décisions Anticipées (ou Commission des Rulings) a cependant récemment annoncé, par l'intermédiaire de Véronique Tai, membre du collège, qu'il était prêt à considérer différemment les fusions post-acquisition. Si les protagonistes peuvent établir qu'après la fusion, il existe un rapport raisonnable entre dettes et fonds propres, la Commision pourrait admettre que la fusion ne résulte pas de motivations fiscales. Cela sera même possible si la maison mère est un holding constitué spécialement pour acquérir les actions de la société reprise! En guise d'alternative, l'on pourra se baser sur le ratio consolidé au niveau du groupe ou sur le ratio considéré comme courant dans le secteur concerné.

La Commission des Rulings envisage parallèlement d'autres critères possibles, comme le "test du cash-flow" ou le "test des coûts-bénéfices". Le test du cash-flow doit établir si la charge des intérêts représente un pourcentage raisonnable du flux d'encaisse (ebitda). Quant au test des coûts-bénéfices, il quantifie les avantages et les inconvénients fiscaux générés par l'opération. Les avantages éventuels, comme l'optimisation d'une compensation de pertes ou de revenus définitivement taxés (déduction fiscale de dividendes reçus, déjà imposés), sont comparés aux éventuels désavantages, par exemple la disparition d'une partie des pertes reportées. Naturellement, les sociétés qui, à l’avenir, soumettront une demande de ruling à propos d'un projet de fusion postacquisition devront produire un plan d'affaires détaillé et une projection réaliste de leur situation financière sur cinq à dix ans. Même si aucun de ces tests ne donne un résultat concluant, la Commission des Rulings peut encore émettre un avis positif, lié à une recapitalisation.

LA CONSOLIDATION FISCALE

Malgré ces évolutions positives dans le contexte des fusions post-acquisitions, la Belgique ne ferait-elle pas mieux d'introduire tout de suite un régime de consolidation fiscale? Les Pays- Bas, la France, le Luxembourg, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Suède et nombre d'autres pays européens l’ont déjà fait. Dans la consolidation fiscale, les sociétés concernées sont traitées comme une seule entité fiscale en matière d'impôts directs. Lorsqu'elles rachètent des actions d'une société étrangère, les entreprises belges peuvent déjà faire appel à la consolidation fiscale locale.

Dans ce cas, l'entité belge constitue un holding local, doté d'un bon ratio de financement de la dette et du capital. Avec ces fonds, le holding local acquiert les parts de la cible. Les deux acteurs formalisent ensuite dans le pays concerné une consolidation fiscale locale: les chiffres du holding et ceux de la cible sont regroupés dans une seule déclaration fiscale. La fusion post-acquisition n'est alors plus nécessaire. Les pertes et bénéfices des sociétés consolidées se compensent mutuellement. Pour le repreneur, l'opération signifie qu'il peut imputer directement sur le résultat de l'entreprise rachetée les frais liés au financement de la reprise. Il y a quelques années, des textes de loi étaient déjà en préparation en vue de la consolidation fiscale.

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Mais le ministre des Finances, Didier Reynders (MR), en a différé l'introduction pour des raisons budgétaires. La priorité est allée à la déduction des intérêts notionnels. Bien des arguments, pourtant, plaident en faveur de la consolidation fiscale. Le mécanisme reflète parfaitement la neutralité fiscale par rapport à un groupe d'entreprises. Le système crée un espace économique plus libre, où les décisions de stratégie économique sont moins subordonnées à des considérations fiscales. La consolidation est d'autant plus urgente que l'intégration européenne progresse. Son absence entame la position concurrentielle des entreprises de notre pays. De plus, l'intérêt de la consolidation fiscale dépasse la problématique dite de "debt push down". Elle éliminerait par exemple bien des soucis concernant l'exactitude des prix facturés entre entreprises belges. D'ailleurs, dans le monde, le modèle belge de déconsolidation est unanimenent considéré comme dépassé. Notre pays, toutefois, ne s'oppose pas par principe à la consolidation fiscale: nous en voulons pour preuve la récente introduction de l'unité TVA, un premier pas dans la bonne direction.  

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