L’Internet of Energy offre un rôle majeur aux consommateurs. Ces derniers devraient disposer de davantage de choix selon Elia. Le gestionnaire de réseau organise un hackathon de trois jours à la mi-octobre afin de développer, avec des entreprises déjà bien implantées et des start-up, des applications innovantes et centrées sur le consommateur pour le système énergétique du futur.
“Nous aurons besoin de beaucoup plus de flexibilité”, estime James Matthys-Donnadieu, responsable du développement du marché de l’électricité chez Elia. “La production d’électricité solaire et éolienne est variable, alors que le réseau doit en permanence trouver un équilibre entre l’offre et la demande. C’est pourquoi nous devons veiller à ce que les consommateurs participent au maximum à une meilleure flexibilité grâce aux technologies intelligentes.” C’est la raison pour laquelle Elia mise sur la concurrence et l’innovation “derrière le compteur”. “Car si le consommateur adapte son comportement aux besoins du réseau électrique, ce sera positif non seulement pour la stabilité du système, mais aussi pour son budget.”
“Pour y parvenir, nous devons changer le modèle de marché actuel. Aujourd’hui, seule l’industrie peut participer à cette gestion de la demande. En plus des particuliers, l’industrie automobile et le secteur de la construction, qui sont en train de s’électrifier, ont également intérêt à y contribuer activement. L’entreprise de construction BESIX et le bancassureur KBC déclarent ouvertement voir de nombreuses possibilités de collaboration grâce aux innovations technologiques.
Elia a préparé une note stratégique sur un système énergétique centré sur le consommateur et propose deux changements au modèle de marché actuel. Quels sont-ils exactement?
James Matthys-Donnadieu: "Tout d’abord, nous souhaitons qu’il soit possible d’échanger de l’électricité entre consommateurs. Entre des blocs au sein d’un même quartier, mais aussi entre les clients de plusieurs fournisseurs et au niveau d’un plus grand réseau énergétique. Par exemple, si vous êtes invité un soir à un barbecue et que vous constatez que votre voiture électrique doit être rechargée, vous ne pourrez le faire que via le réseau de votre hôte, et donc à ses frais. Le nouveau système offrira beaucoup plus de flexibilité. Dès que vous brancherez votre voiture sur le réseau de votre hôte, un “transfert d’énergie” se fera automatiquement de son fournisseur vers le vôtre, ou éventuellement vers votre société de leasing. En outre, nous voulons que le consommateur final ait accès en temps réel au prix de l’électricité. Grâce à un signal de prix, il pourra optimiser sa consommation, ce qui profitera à la fois à sa facture énergétique et au réseau électrique. Nous souhaitons encourager les consommateurs à utiliser davantage d’électricité au moment des pics de production d’énergie verte, et à réduire leur consommation lorsqu’il y a peu de soleil ou de vent."
Quel rôle des sociétés comme BESIX et KBC, qui ne sont pas actives dans le secteur de l’énergie, peuvent-elles jouer dans ce nouveau système?
Bart Gentens (responsable Smart Building chez BESIX): "Nos clients sont de plus en plus exigeants, sur le plan du confort énergétique comme de la durabilité. D’un point de vue technique, nous sommes capables de gérer tout cela au niveau local, mais nous constatons qu’une part importante du potentiel n’est pas exploitée. Tous nos nouveaux bâtiments sont aujourd’hui équipés d’un digital twin, qui stocke l’ensemble des données par bâtiment. Grâce aux nouvelles technologies, nous pouvons interagir facilement et de manière très flexible avec nos clients. Par exemple, une voiture électrique pourra non seulement être rechargée dans nos bâtiments, mais aussi servir de temps à autre de source d’énergie. En fonction du prix de l’électricité en temps réel et de l’énergie disponible, les bâtiments décideront eux-mêmes de leur source d’approvisionnement en électricité. Néanmoins, nous nous heurtons encore à de trop nombreux obstacles techniques qui nous empêchent de profiter pleinement du potentiel offert par les bâtiments. C’est pourquoi nous voyons de nombreuses possibilités de nouvelles applications et technologies permettant d’abaisser ces barrières."
Freddy Van Bogget (Innovation Manager chez KBC): "Nous évoluons progressivement d’un système énergétique relativement simple vers un système particulièrement complexe, avec de nombreux acteurs et des applications centrées sur les données. Bien entendu, le consommateur ne s’intéresse pas à tout cela: il veut disposer d’un système convivial et entièrement automatique. Dans cet Internet of Energy, nous sommes bien positionnés en tant que bancassureur pour créer les bases administratives nécessaires. On parle de millions d’appareils qui seront reliés entre eux et qui réaliseront des dizaines de millions de transactions: le traitement de cet immense flux de transactions devra se faire de manière transparente et fiable, et KBC est prête à relever ce défi. La blockchain pourra y jouer un rôle majeur afin que chacun dans le système ait la garantie que ses paiements seront sécurisés."
En octobre, Elia organisera un hackathon dont l’objectif est de concevoir et de déployer de nouvelles applications sur mesure pour ce marché énergétique centré sur le consommateur. Avez-vous déjà quelques idées?
Matthys-Donnadieu: "Avec ce hackathon, nous souhaitons réunir autant d’acteurs que possible, qu’il s’agisse de sociétés bien implantées ou de start-up, afin de clarifier les besoins mais aussi les défis qui nous attendent. Nous espérons ainsi mieux comprendre où se situent les principaux obstacles. Concrètement, je pense par exemple à une application où un groupe d’amis pourrait investir dans des panneaux solaires, qui seraient installés sur le toit de l’un d’entre eux et dont la production serait ensuite partagée. Ce n’est pas encore possible pour le moment."
Gentens: "Autre exemple: imaginez qu’un club de football décide de placer des panneaux solaires sur le toit de sa tribune pour ensuite proposer l’énergie produite à ses supporters. Avec un tel système, nous pouvons faciliter la mise en place de communautés énergétiques à part entière."
Van Bogget: "Il en va de même dans les entreprises, qui pourraient former des communautés avec leurs collaborateurs ou leurs clients. De nombreux modèles inédits devraient voir le jour, à condition que la gestion administrative sous-jacente soit transparente et efficace."
Selon vous, à quel horizon ce nouveau système énergétique pourrait-il être largement adopté?
Matthys-Donnadieu: "Notre modèle n’est pas une révolution mais une évolution. Je pense que c’est surtout dans le domaine de la mobilité électrique que de nouvelles applications intéressantes verront très rapidement le jour. Le nouveau modèle de marché centré sur le consommateur que nous proposons devrait, si tout se passe comme prévu, être lancé d’ici 2024."