Les nouveaux acteurs numériques mettent les chaînes de télévision au pied du mur. Mais s’ils pèsent sur les objectifs des clients traditionnels d’EVS, ils présentent également un fort potentiel.
‘Transition’ est le mot-clé à la fois pour EVS et pour le secteur dans lequel le fabricant liégeois de serveurs vidéo est actif. Quelques mots d’abord sur la société EVS. Depuis qu’elle a remporté le titre d’Entreprise de l’Année® en 2000, le nombre de ses salariés a quintuplé et son chiffre d’affaires quadruplé. Durant cette période, EVS a également élargi ses activités. Presque exclusivement active dans le domaine de la régie mobile au début du siècle, elle fournit également de nombreuses chaînes de télévision et sociétés de production (notamment en enregistreurs numériques sur disque dur et en systèmes de montage vidéo). Ces dernières représentent désormais près de la moitié de son chiffre d’affaires.
“Sur le plan du contenu aussi, les évolutions ont été nombreuses au cours de cette période”, remarque Muriel De Lathouwer, CEO d’EVS. “Voici 15 ans, nous étions surtout spécialisés dans les événements sportifs en direct. Aujourd’hui, nous travaillons aussi pour les talk-shows, les programmes d’actualité et de divertissement, notamment pour RTL-TVI en Belgique, Sky News au Royaume-Uni, Canal+ en France ou encore Channel One en Russie.”
Vagues de croissance
EVS n’est toutefois pas seule à évoluer : tout le secteur est en pleine mutation. “Nous avons connu plusieurs vagues de croissance ces dix dernières années, tel le passage des images traditionnelles aux images haute définition et des cassettes aux systèmes numériques”, explique Muriel De Lathouwer. “Et ce n’est pas fini ! Le secteur connaîtra bientôt de nouveaux changements, en matière informatique, avec le passage aux images à ultra-haute définition (UHD et 4k), la transition à la technologie IP, ….”
Ceci dit, le tableau n’est pas parfait. EVS subit les conséquences des difficultés rencontrées par le marché télévisuel. Les prévisions des analystes, établies par Bloomberg, font état d’une marge bénéficiaire de 25 % en moyenne pour cette année. Honorable, mais très inférieure aux 40 % que l’entreprise a pu offrir à ses actionnaires pendant de nombreuses années. “Pourquoi ? Les grandes chaînes de télévision traversent elles-mêmes une période de transition depuis un an et demi déjà”, poursuit Muriel De Lathouwer.
“Elles ont été et sont encore confrontées à des mesures d’économies et à de nouveaux défis, dont la concurrence des opérateurs OTT comme Netflix, ainsi qu’à des incertitudes relatives aux évolutions technologiques.” Geoffroy d’Oultremont, Head Investor Relations chez EVS, entrevoit pourtant des opportunités dans cette petite révolution.
“Si ces services ne proposent pas de sport ou de talkshows en direct pour l’instant, la donne peut encore changer. Le cas échéant, ils deviendront peut-être nos clients, vu notre position de leader dans le secteur.” Les chiffres le confirment : EVS possède une part de marché de près de 90 % dans les cars de régie mobiles. “Si le secteur investit, c’est donc – toujours ou presque – dans nos produits”, se réjouit Muriel De Lathouwer. “Naturellement, nos concurrents aimeraient bien nous ravir quelques parts de marché. Pour protéger notre leadership, nous devons continuer à innover. Les technologies évoluent sans cesse, on ne peut contrer cette tendance. Il est donc essentiel de prendre les devants.”
Avenir rassurant
Tous les clients ne désirent pas pour autant ce qui se fait de mieux. “Notre philosophie a toujours été d’être pragmatique et de tenir compte des souhaits du client”, confirme Muriel De Lathouwer. “Celui-ci peut par exemple préférer une implémentation progressive des nouvelles technologies, à un bigbang où tout est d’emblée renouvelé. Nous ne pressons jamais nos clients. Il est plus important d’établir une relation à long terme.”
Les services de streaming ne proposent pas encore d’émissions en direct, mais s’ils le font un jour, nous devrions être un partenaire de choix.
L’avenir d’EVS a tout pour rassurer : son carnet de commandes est bien rempli (37 millions d’euros). Le fabricant de serveurs prévoit pour cette année un chiffre d’affaires de 100 à 115 millions d’euros. Les années paires, les ventes gonflent généralement de 10 % grâce aux grands événements sportifs. L’année 2016 sera notamment marquée par le Championnat d’Europe de football en France et les Jeux olympiques de Rio. Les événements sportifs sont cruciaux pour les chaînes de télévision traditionnelles, souligne Muriel De Lathouwer.
“Les enquêtes le prouvent : aux Etats-Unis, 40% des consommateurs qui ont résilié leur abonnement TV et seraient prêts à y souscrire à nouveau, le feraient pour les émissions sportives en direct. Cela explique pourquoi les chaînes de télévision continuent à investir dans notre niche.”
Long terme
La formation de Muriel De Lathouwer – elle est physicienne nucléaire – transparaît dans la rationalité de son analyse. “Je suis avant tout une femme d’affaires. Mais la formation de l’esprit, le côté analytique et structuré apportés par les études d’ingénieur sont un atout : le long terme m’intéresse plus que le court terme. Je constate que nous sommes leaders sur le marché, que nous innovons et que nos produits sont de qualité. A ce niveau, tout va donc bien.”
Cet accent sur le long terme pourra-t-il convaincre des actionnaires qui semblent privilégier le court terme, comme en témoignent les soubresauts de l’action ces derniers mois ? “Ces fluctuations font partie intégrante d’un parcours en Bourse”, nuance Geoffroy d’Oultremont. “Elles se reflètent à court terme sur notre industrie, mais ne perdons pas de vue que les moteurs de croissance à long terme sont toujours bien présents.”