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“Aujourd’hui, l’IA est encore le copilote”

Nicolas Goosse, Belfius, et Patrice Latinne, EY (© Frank Toussaint)

Les progrès de l’intelligence artificielle ouvrent de nouveaux horizons au monde des services financiers. Peut-être plus encore que dans d’autres secteurs, la clé du succès résidera dans la qualité des données et une approche définie avec précaution.

“En réalité, l’intelligence artificielle est utilisée dans les banques et les assurances depuis plusieurs années déjà”, précise d’emblée Patrice Latinne, partner Data & Analytics au sein d’EY. “Et même si les niveaux de maturité varient, tous les acteurs en Belgique exploitent aujourd’hui l’IA d’une façon ou d’une autre suivant la stratégie de leur entreprise et une feuille de route qui évolue avec les technologies, leurs ambitions et leurs priorités.” La robotisation de processus dans les fonctions back-office avait ouvert la voie.

“Les premiers outils que nous avons implémentés nous ont permis d’améliorer le cost to serve de nos fonctions opérationnelles”, indique Nicolas Goosse, Head of Artificial Intelligence chez Belfius. Il s’agissait alors de modèles algorithmiques automatisés autorisant un certain niveau de prédiction. Mais pas encore d’intelligence artificielle avancée, dont les modèles donnent aux machines la capacité de déduire des règles automatiquement ainsi que d’apprendre “par elles-mêmes”.

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Fraude

C’est dans l’évaluation des risques que les outils d’IA ont réellement commencé à s’imposer. Par exemple, ils sont utilisés pour prévenir le versement de dédommagements excessifs pour un assureur, ou anticiper d’éventuels défauts de remboursement de crédits pour une banque. Mais surtout, ils jouent un rôle crucial dans la détection de fraudes et la lutte contre les crimes financiers.

Grâce aux modèles d’IA, il est possible de déceler les comportements anormaux et de mieux lutter contre les crimes financiers.

Nicolas Goosse
Head of Artificial Intelligence chez Belfius

“En la matière, les banques évoluent dans un cadre réglementaire très strict”, note Nicolas Goosse. “Or, la créativité et les moyens des fraudeurs évoluent sans cesse. Grâce aux modèles d’IA, qui reposent sur le traitement en masse de données disponibles, il est possible de déceler les comportements anormaux et de mieux lutter contre ces phénomènes.”

Selon Patrice Latinne, au sein de plusieurs institutions, les modèles qui permettent d’affiner un “risque client” ne se nourrissent pas uniquement de ratios financiers et des caractéristiques intrinsèques de transactions anormales. De grands volumes de données externes publiques ou payantes sont analysées et synthétisées automatiquement par de l’IA puis intégrées. Cela concerne notamment les informations publiées par les médias financiers mais aussi des données de marché de plus en plus diverses.

Finesse de dialogue

Les services financiers ont progressivement découvert une autre utilité à l’IA : mieux comprendre le client et ses comportements grâce à la collecte de données et ainsi optimiser l’expérience qui lui est offerte. Les outils d’analyse de textes et de paroles issus des échanges avec les consommateurs ont ouvert la voie à l’implémentation des agents conversationnels, ou « chatbots », que l’on voit fleurir sur la plupart de sites web. Combinée à cette connaissance, l’IA générative va-t-elle accélérer les propositions proactives et individualisées de produits d’épargne, d’investissement ou d’assurances additionnels?

Patrice Latinne nuance ce point de vue: “Il est vrai que ChatGPT, et l’IA générative de manière plus générale, laisse entrevoir un potentiel immense et disruptif à de multiples niveaux stratégiques et opérationnels des services financiers. On imagine aujourd’hui sans peine que l’IA générative permettra, sans grandes connaissances techniques, d’aller beaucoup plus loin dans la mise en œuvre d’échanges à plus haute valeur ajoutée avec les clients. Il sera possible, dans n’importe quelle langue, de formuler des réponses variées et multimédias (texte, image, son, vidéo), au style de communication personnalisé.

Mais surtout, la technologie permettra d’automatiser un grand nombre de tâches en arrière-plan, le tout en quelques instants, alors même que la conversation est en cours. Rédiger un contrat, identifier la garantie applicable ou calculer la ristourne commerciale adéquate, tout en surveillant la satisfaction du client en lisant sur son visage et en écoutant le ton de sa voix… voilà qui simplifiera le travail du chargé de clientèle...

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Aujourd’hui tout cela est déjà techniquement possible. Pour autant, les services financiers entendent bien garder le contrôle. Pour le partner d’EY, la perspective la plus visible pour le client, dans laquelle Belfius et la plupart des acteurs du secteur se projettent actuellement, est plutôt celle de conseillers bancaires ou assurantiels “augmentés”, assistés par l’IA afin d’interagir plus vite avec le consommateur et de manière plus personnalisée.

Réputation

Le recours à ces nouvelles technologies au sein d’une banque ou d’une assurance est porteur de risques particuliers, estiment les deux experts. Le premier est lié à une information qui, produite de façon automatique par l’IA, aurait des conséquences sur une offre, une communication ou le traitement d’un dossier client. En cas d’information inexacte ou imprécise, le risque de heurter ou de léser le client est alors réel. Avec, à la clé, des effets potentiellement délétères sur la réputation de l’entreprise.

Avec la rapidité à laquelle l’IA générative se développe, les banques et assurances se demandent si ce cadre législatif arrivera à temps.

Patrice Latinne
partner Data & Analytics d’EY

“Les données historiques sur lesquelles les modèles de Machine Learning s’appuient peuvent comporter des biais”, confirme Nicolas Goosse. Voilà pourquoi, même si les équipes de R&D explorent ces nouveaux territoires, Belfius a formalisé un cadre d’utilisation de l’IA très strict incluant une composant éthique forte et demeure extrêmement prudente à cet égard. “Nous utilisons l’IA principalement en tant que copilote avec validation par un collaborateur entre le client et la machine, afin de contrôler le comportement de cette dernière et d’éviter tout risque pour nos clients.”

Contrôle

Patrice Latinne pointe quant à lui les risques inhérents au développement même des solutions . Le facteur humain se révèle donc déterminant. Il faut se poser les bonnes questions. Les data scientists et développeurs ont-ils bien intégré toutes les dimensions d’un problème en assemblant les modèles ? Ces dimensions se retrouvent-elles bien dans le code généré par ChatGPT sur base de leurs instructions en langage naturel?

Les sources de données sont-elles irréprochables et bien gérées? Avec les récentes prouesses de l’IA générative, un consommateur – employé ou client – sera-t-il en mesure de discerner qu’un contenu est en fait totalement généré par de l’IA? Tous les départements concernés d’une organisation, et notamment la fonction compliance, ont-ils été adéquatement impliqués? Autant de questions qui mettent en lumière la responsabilité portée par toute organisation, bancaire ou non, qui fournit un produit ou service impliquant l’intelligence artificielle d’aujourd’hui et de demain.

Des milliards de paramètres

De quoi pousser l’Union européenne à élaborer l’Artificial Intelligence Act (AI Act). Ce règlement, qui devrait être promulgué dans les prochains mois et entrer en vigueur en 2025, entend assurer que les systèmes d’IA mis sur le marché européen sont sûrs et respectent les droits fondamentaux des citoyens et les valeurs de l’UE. Illustrée par ChatGPT, l’émergence fulgurante de l’IA générative à laquelle on assiste ne rend-elle pas vaine une telle tentative d’encadrement légal?

Vous voulez en savoir plus sur le potentiel de l’IA pour votre entreprise? Écoutez “En clair, l’intelligence artificielle”: un podcast de L’Echo avec le soutien précieux d’EY.

“La logique de l’AI Act et ses lignes de conduite restent tout à fait pertinentes pour l’IA générative”, tempère Patrice Latinne. Avec la rapidité à laquelle l’IA générative se développe, les banques et assurances se demandent plutôt si ce cadre législatif arrivera à temps. Sera-t-il suffisamment à jour et respecté face à la pression compétitive de déployer rapidement de telles technologies. ».

L’enjeu est de taille, puisqu’il s’agit de maîtriser des systèmes très complexes, mais à la fois facile à utiliser, aux milliards de paramètres, où des modèles algorithmiques de départ sont pré-entraînés sur des volumes incommensurables de données, capables d’interagir très puissamment et automatiquement avec leur environnement.

Patrice Latinne conclut: “Aujourd’hui, dans les services financiers, l’automatisation des tâches peut se concevoir par exemple pour le remplissage de tableaux Excel, la lecture et la synthèse de documents, l’ajustement automatique de clauses dans un contrat. Demain, potentiellement, des solutions basées sur l’intelligence artificielle feront interagir les systèmes de gestion de la société entre eux et avec ses collaborateurs pour gagner en productivité et générer plus de valeur. Tant la qualité des données que la gouvernance et les processus de de contrôle sont donc absolument cruciaux.”

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