Afin de préserver l'industrie manufacturière dans notre pays, les entreprises du secteur doivent s'adapter – à plus forte raison dans un contexte de recours de plus en plus massif à l'intelligence artificielle. “Les entreprises doivent aborder cette question de manière stratégique et globale, et non comme un simple exercice visant une réduction des coûts”, estime Bart Deckers chez EY. “Leur approche doit être personnalisée, sécurisée et durable, et intégrer suffisamment la question des talents.”
À en croire l'actualité, l'industrie manufacturière belge ne semble pas avoir le vent en poupe – pensez à la faillite du constructeur d'autobus Van Hool et aux licenciements chez Barry Callebaut.
“Cette tendance s'est amorcée il y a un certain temps déjà”, souligne Bart Deckers, Partner chez EY et expert au sein de la division Strategy & Transactions.
“Le marché évolue très rapidement. L'inflation déraille, ce qui entraîne une hausse des coûts salariaux. Les coûts énergétiques augmentent eux aussi, et nous sommes confrontés à des mesures protectionnistes, tensions géopolitiques obligent. Les chaînes d'approvisionnement sont perturbées par le coût élevé des matières premières et leur faible accessibilité. Enfin, nous devons nous adapter au changement climatique, ce qui se traduit par des normes environnementales strictes et des attentes plus élevées de la part des clients.”
Des marges supérieures
Bart Deckers juge néanmoins que notre pays a encore du potentiel, même si une transformation est nécessaire. “Selon notre rapport CEO Outlook de janvier, 98% des chefs d'entreprise interrogés déclarent s'adapter aux défis géopolitiques. Ils sont 95% à affirmer qu'ils maintiendront voire accroîtront le rythme de la transformation. Très souvent, ils s'appuient sur les nouvelles technologies pour y parvenir, l'intelligence artificielle (IA) en tête."
L'industrie 5.0 se concentre sur les processus de production de haute technologie, collaboratifs et flexibles.
"On parle d'industrie 5.0 lorsqu'on s'intéresse aux processus de production collaboratifs et flexibles, à une nette évolution vers des produits personnalisés et à la durabilité au sens large du terme.”
“Nous avons récemment intégré l'IA chez un fournisseur international de solutions d'automatisation”, illustre l’expert d’EY. “Grâce à l'analyse des données en temps réel, l'entreprise a désormais la capacité de mieux prévoir les intervalles de maintenance, et ainsi de réduire le nombre d'interventions non planifiées."
"En outre, une meilleure maintenance permet d'allonger la durée de vie de certains équipements, ce qui diminue les coûts d'exploitation. Dans le même temps, l'efficacité augmente. D’une manière générale, on peut affirmer que la nouvelle génération d'entreprises manufacturières se tourne vers des solutions qui permettent de dégager des marges plus confortables.”
Approche européenne
Selon Bart Deckers, l'industrie 5.0 a également besoin d'un cadre différent. “On peut citer ici la cybersécurité, nécessaire pour sécuriser les données et les processus sensibles. Les implications sont majeures pour votre personnel: il faut former vos employés autrement et, bien sûr, les recruter différemment. Chez un acteur industriel de premier plan, nous avons conçu une feuille de route pour son personnel, qui aligne les talents sur les avancées technologiques. Nous avons analysé l'impact sur la structure organisationnelle, sur les fonctions individuelles et surtout sur les compétences requises."
"Puis nous avons élaboré un plan stratégique afin d’orienter les effectifs en conséquence, notamment en identifiant les changements nécessaires dans les tâches ainsi que les lacunes en matière de sécurité, mais aussi en formulant des actions de recrutement et de formation continue. Dans ce cas particulier, les mesures ont abouti à un plan solide pour la future organisation.”
La transformation vers une industrie 5.0 exige une approche européenne unifiée, conclut Bart Deckers. “L'Industrial Deal est un cadre comprenant une douzaine d'initiatives s'inscrivant dans l'agenda stratégique européen des cinq prochaines années. Elles touchent notamment à l'énergie, aux infrastructures, aux matières premières, à la circularité, à l'innovation technologique, au financement et à la réglementation."
"Voici peu, je suis moi-même intervenu lors d'une conférence de la Commission européenne, avec des représentants de l'industrie et des institutions européennes, qui avait pour but de renforcer la compétitivité du secteur manufacturier européen et de promouvoir la collaboration.”