“Face au protectionnisme américain, aux nouvelles règles fiscales et à la législation sur la durabilité, de nombreuses entreprises revoient la structure de leur chaîne d'approvisionnement pour répondre aux nouveaux défis géopolitiques.” “L’automatisation des systèmes douaniers aide les entreprises à gérer ces adaptations.” La réélection de Donald Trump souligne une fois de plus l'impact considérable de la géopolitique sur les entreprises à l'échelle mondiale. “Il est crucial que les CEO belges suivent de près ces évolutions et anticipent leurs conséquences”, prévient Philippe Lesage, Partner Global Trade chez EY.
“Donald Trump devrait renforcer ses mesures protectionnistes avec des droits d'importation élevés sur les produits européens et chinois afin de défendre le marché intérieur américain. L'Union européenne, quant à elle, a récemment introduit des mesures commerciales sur plusieurs produits chinois, qui pourraient être complétées par des protections supplémentaires contre les produits américains. Le risque d'une guerre commerciale est de plus en plus prégnant. Pour en minimiser les conséquences néfastes, les entreprises doivent élaborer une planification rigoureuse de leur chaîne d'approvisionnement.”
Un bel exemple est celui d’un fabricant américain de motos, qui a délocalisé une partie de sa production en Thaïlande pour pouvoir revendiquer l'origine thaïlandaise de ses produits et éviter ainsi les droits d'importation européens accrus. Cette décision a été contestée par la Commission européenne, car elle était perçue comme motivée non par des facteurs économiques, mais par le souci d’échapper à des taxes supplémentaires. L'avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne semble néanmoins suivre l’entreprise américaine dans son raisonnement.
Pour gérer au mieux ces situations, une planification stratégique de l'origine, soutenue par des systèmes automatisés, peut aider les entreprises à optimiser leur chaîne d'approvisionnement.
“Les développements géopolitiques ont un impact majeur sur la chaîne d'approvisionnement des entreprises.”
Relocaliser pour une plus grande efficacité
L'automatisation propose également des solutions dans bien d'autres cas. “Depuis le début de la guerre en Ukraine, des sanctions complexes ont été imposées à la Russie”, illustre Philippe Lesage. “Si les produits pharmaceutiques comme les médicaments peuvent généralement être exportés vers la Russie, certains produits de luxe ne le peuvent pas. Pour les entreprises pétrolières, il n'est pas toujours évident de savoir ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. Chaque secteur doit veiller à ce qu'aucun partenaire commercial ne figure sur la liste des sanctions. Cette complexité fait que les solutions automatisées, capables d'examiner chaque transaction en détail, sont plus populaires que jamais.”
Beaucoup d’entreprises choisissent de réorganiser leur chaîne d'approvisionnement pour mieux répondre à des réglementations et des conditions économiques en constante évolution. “Prenez le Brexit: les entreprises dotées d’un centre de distribution au Royaume-Uni et d’un marché de débouché en Europe ont dû faire face à une double taxation douanière et à des droits d'importation potentiellement moins favorables. Elles ont dès lors recherché des emplacements alternatifs pour leurs centres de distribution. On peut citer un autre exemple avec le conflit au Moyen-Orient, où le transport maritime commercial sur la mer Rouge a diminué de 70%, entraînant un déplacement des routes commerciales.”
La pandémie a elle aussi révélé la vulnérabilité des chaînes d'approvisionnement mondiales. “Il existe une tendance à produire plus localement ou à organiser des sources alternatives d’approvisionnement afin de réduire la dépendance vis-à-vis d’une production extérieure. Des réglementations européennes comme le CBAM, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, encouragent cette évolution. Les entreprises devront bientôt payer des droits d'importation sur les produits générant des émissions ailleurs, ce qui les incite à s'approvisionner davantage au sein de l'UE.”
“Votre département fiscal doit suivre de très près les conséquences géopolitiques sur votre entreprise et adapter la stratégie fiscale et de prix de transfert en conséquence.”
Quand le département fiscal devient un partenaire stratégique
La complexité de la réglementation fiscale pose un autre défi immense à de nombreuses entreprises, notamment avec l'introduction de l'impôt minimum mondial et l'évolution des règles de prix de transfert. Les gouvernements, confrontés à des budgets sous pression, intensifient leurs contrôles grâce à la montée en puissance des données. Des obligations comme le reporting pays par pays et la Corporate Sustainability exigent davantage de transparence des entreprises.
Celles-ci doivent également s'adapter aux nouvelles tendances en matière de business et de consommation. “La numérisation croissante des processus commerciaux, l'émergence de la servitisation, où les ventes de produits sont combinées avec des services, ainsi que la tendance vers une économie circulaire et le changement de comportement des consommateurs, nécessitent une révision de la chaîne d'approvisionnement”, estime Jan Bode, Partner International Tax & Transfer Pricing chez EY.
“Il est essentiel que le département fiscal devienne un véritable partenaire stratégique. Il doit comprendre ces évolutions, connaître l'entreprise en profondeur et contribuer à booster la rentabilité de la chaîne d'approvisionnement. La stratégie en termes de fiscalité et de prix de transfert doit être adaptée à cette nouvelle réalité. Lors de modifications apportées au business model et au modèle de transfer pricing, il faut développer une stratégie de défense proactive qui offrira, autant que possible, de la certitude par le biais de rulings ou d'accords bilatéraux pour éviter de longues procédures.”
Les entreprises se prépareront au mieux à ces défis en définissant leur stratégie de supply chain et leur modèle opérationnel en collaboration avec leurs parties prenantes commerciales et le département fiscal.