L'intelligence artificielle fait irruption dans tous les secteurs – elle est même devenue incontournable en entreprise. La nouvelle répartition des tâches entre l'individu, la machine et l'algorithme exige des politiques RH adaptées, prévient Kathleen Silkens, Talent Lead People Consulting chez EY. “Mais rassurez-vous: l'humain sera toujours nécessaire.”
“Grâce à l'intelligence artificielle, les entreprises peuvent accroître leur efficacité et leur productivité, même s’il existe de fortes divergences entre les secteurs”, souligne Kathleen Silkens.
Le sentiment des utilisateurs varie lui aussi: comme pour toute nouvelle technologie, il y a des adeptes de la première heure – les early adopters – et d'autres plus réticents. L'enquête menée par EY auprès de 5.000 leaders dans neuf pays européens montre que l'Espagne, l'Italie et la Suisse sont les plus avancées en la matière.
Valeurs et normes
“Quoi qu'il en soit, il n'y aura jamais d'entreprise sans personnel”, rassure Kathleen Silkens. “Il faut d’abord une vision, puis vient le leadership, l'employeur. Reste que les employés doivent se rendre à l’évidence: à un moment donné, leur travail peut changer de contenu ou disparaître. En d'autres termes, l'IA sur le lieu de travail est une responsabilité partagée entre la direction et les employés.”
S'il est clair que les entreprises en transition recrutent des profils différents, il n'est pas inutile qu'elles examinent d'abord leur propre gestion des talents. “Elles doivent non seulement déterminer qui travaille dans leur organisation, mais aussi quelles sont les aptitudes et compétences de ces personnes. De quelles compétences disposez-vous déjà, et quelles autres faudrait-il développer? Auparavant, pour occuper un poste donné, il fallait être titulaire d'un certain diplôme ou posséder une expérience ad hoc. Avec l'avènement de l'IA, de nouvelles stratégies commerciales apparaissent. Et désormais, il faut avant tout se pencher sur les compétences.”
En tant qu'entreprise, il est crucial d'investir dans des programmes de formation qui permettent aux collaborateurs d'acquérir les compétences nécessaires.
EY mise déjà sur l'IA pour le recrutement, ajoute Kathleen Silkens. Un logiciel spécifique classe les profils adéquats sur LinkedIn à partir des CV en ligne.
“Les recruteurs ont ainsi davantage de temps à consacrer à des tâches plus stratégiques en apportant une vraie valeur ajoutée. L'IA peut également être intéressante pour mesurer la gestion des performances des employés ou élaborer des plans de formation sur mesure. Qui plus est, le lieu et le département où travaille un employé n'ont pas d'importance.”
“Évidemment, les logiciels ne peuvent évaluer les compétences émotionnelles. Les recruteurs et les responsables des ressources humaines doivent encore apprécier la personnalité du candidat et s'assurer qu'il s'intègre dans la culture de l'entreprise. Ses normes et ses valeurs correspondent-elles à celles de l’entreprise?”
Pensée critique
Souvent, cependant, il n'est pas nécessaire de recruter de nouveaux talents. “Les employés en place peuvent passer par l’upskilling ou le reskilling. Un comptable, par exemple, se demande comment accélérer les processus à l'aide de l'IA. S’il acquiert ces connaissances, c'est de l'upskilling."
"Son collègue, en revanche, peut parfaitement briguer un poste en ressources humaines ou avoir envie de se recycler pour devenir infirmier: c'est le reskilling. En tant qu'entreprise, il est crucial d'investir dans des programmes de formation afin que vos employés puissent acquérir les compétences nécessaires.”
Selon Kathleen Silkens, les grandes entreprises ont tout intérêt à instaurer une plateforme qui permette à l'offre et à la demande de converger, comme le fait EY elle-même. Elle est néanmoins convaincue qu'il y aura toujours de la place pour l'humain.
“Pensez à des qualités telles que le leadership, l'intelligence émotionnelle et la pensée critique. Je vais prendre l'exemple de mes propres enfants. Ils consultent une application météo sur leur smartphone le matin, qui annonce 20 °C et un grand soleil. Ils décident alors de porter des manches courtes. Une fois dehors, ils se retrouvent sous la pluie… Si nous ne restons pas attentifs à l’égard à l'IA, nous finirons tous sous la pluie un jour ou l’autre!”