Delirium durable: comment la brasserie Huyghe innove

Une visite à une brasserie n'est jamais complète sans une dégustation. Les temps changent, cependant, et il n'est que 11 heures du matin… C’est pourquoi le directeur Alain De Laet sert d'abord une Delirio, puis ouvre une bouteille de Paranoia Alcohol Free, une bière blonde trouble. Ces deux bières présentent un taux d'alcool de 0,3%, mais ne rappellent en rien les tristes bières sans alcool d'il y a quelques années.

Une innovation intéressante dans un segment de marché en croissance, et qui doit son succès aux nouvelles levures développées par le laboratoire de brassage de l'UGent et de la HOGent. La brasserie Huyghe brasse déjà trois bières de ce type et, après une acquisition, est désormais active sur le marché en expansion des sirops de fruits. Ainsi la brasserie de l'éléphant rose répond-elle à un marché en mutation où la consommation d'alcool n'est plus une évidence.

Le brassage durable comme choix stratégique

La durabilité est une priorité pour la brasserie Huyghe. Alain De Laet a formulé dès 2008 l'ambition d’en faire la brasserie la plus durable de Belgique. Et les résultats intermédiaires de 2024 sont impressionnants. La consommation d'eau par litre de bière a diminué de plus des deux tiers, tandis que la consommation d'électricité et les émissions de CO₂ par litre de bière ont également diminué de manière significative.

La quantité de déchets non recyclables a baissé de 89% sur la même période. Et 65% des eaux usées sont purifiées jusqu'à devenir de l'eau potable, une première en Belgique. Cependant, cette eau n'est pas utilisée pour confectionner de la bière, car la brasserie craint que le marché ne soit pas mûr pour de la bière composée à partir d'eaux usées.

La durabilité nécessite des investissements, souligne Alain De Laet. “Il faut être financièrement sain pour être durable. Au début, nos efforts en matière de durabilité ont surtout permis de réduire les coûts, mais nous avons dépassé cette phase. Il s'agit maintenant d'investissements qui rendent notre entreprise pérenne et attrayante pour la prochaine génération.”

Un beau métier difficile à quitter

Son fils Alexandre assure la continuité, avec pour objectif de succéder à son père dans quelques années en tant que représentant de la cinquième génération.

“Alexandre est un brillant ingénieur commercial, il suit actuellement une formation de Vlerick et j'apprends déjà beaucoup de lui. Il est mon premier conseiller! Je veux qu'il acquière d'abord de l'expérience dans une plus grande entreprise et qu'il apprenne ce que c'est de travailler pour un patron avant de nous rejoindre. C'est le plus beau métier du monde: je ne suis pas encore prêt à céder les rênes. Mais je donnerai certainement de l'espace à Alexandre en temps voulu, tout comme mon père l'a fait pour moi.”

Historiquement, la succession n'a pas toujours été évidente à la brasserie Huyghe. Albert Huyghe, le grand-père d'Alain, est resté trop longtemps aux commandes et a refusé d'investir, ce qui a mis la brasserie en difficulté. Son gendre, Jean De Laet, le père d'Alain, a sauvé la brasserie en rachetant les parts des membres de la famille et en investissant, en s'appuyant sur le succès international de l'emblématique Delirium Tremens.

Alain De Laet transmettra une brasserie financièrement saine et durable à la prochaine génération. Mais avant cela, il nourrit encore quelques objectifs ambitieux. Le premier est la construction d'un centre d'expérience interactif autour de la bière, un projet qui rencontre malheureusement de la résistance dans le quartier. Ensuite, il souhaite travailler sur l'intégration d’administrateurs externes.

“Je sais que cela reste un point faible. Ceci étant dit, j'ai déjà prouvé que je pouvais réaliser un chiffre d'affaires annuel de 50 millions d'euros sans administrateurs externes!”