Le temps où un gestionnaire de flotte se contentait de superviser des voitures et des cartes carburant est révolu. L'électrification, les solutions énergétiques intelligentes et la multimodalité sont désormais les mots-clés. Philippe Vangeel, directeur opérationnel d'EV Belgium, l’organisation de défense de la mobilité électrique, décrit la transformation de ce métier.
“Autrefois, la vie était simple”, sourit Philippe Vangeel. “Le gestionnaire de flotte – souvent une personne des ressources humaines dans les petites entreprises – cherchait une voiture dans le budget, gérait une carte carburant et disparaissait pendant quatre ans, jusqu'à la fin du leasing.”
De gestionnaire de voitures à stratège de l’énergie
Aujourd'hui, son rôle est bien plus complexe. Où et comment recharger les véhicules? À domicile? Au bureau? En déplacement? Ces questions exigent une stratégie mûrement réfléchie. “Pour une entreprise possédant 100 véhicules électriques, la différence de coût entre une recharge principalement à domicile et une recharge uniquement publique peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d'euros par an”, prévient Philippe Vangeel.
“Le fleet manager se transforme de plus en plus en stratège de l’énergie. Des panneaux solaires sur les sites de l'entreprise? Des contrats d'énergie dynamiques? Tout cela fait partie de ses responsabilités. Nous connaissons déjà des moments où les prix de l'énergie sont négatifs en raison d'un excès d'énergie solaire et éolienne. La technologie intelligente recèle de grandes opportunités dans ce cadre.”
Mobilité plutôt que véhicules
Le gestionnaire de flotte moderne ne pense plus en termes de voitures mais de solutions de mobilité complètes. Les sociétés de leasing proposent des forfaits incluant, outre une voiture, des abonnements aux transports en commun et aux vélos partagés. La pandémie a par ailleurs normalisé le télétravail, modifiant sensiblement les questions de mobilité.
Sans oublier le poids des différences générationnelles: “Pour les générations plus âgées, un permis de conduire à 18 ans signifiait la liberté totale”, rappelle Philippe Vangeel. “Pour les jeunes actuels, posséder une voiture n'est plus indispensable.”
“Le gestionnaire de flotte devient un stratège de l’énergie, avec la technologie intelligente comme bras droit.”
Moins de tracas, plus de stratégie
Heureusement, les plateformes de mobilité et l’outsourcing prennent en charge de nombreuses tâches pratiques. “Les nouveaux acteurs et plateformes de mobilité sur le marché relient les fournisseurs de mobilité – du train à la trottinette partagée – avec les partenaires spécialisés dans la gestion des salaires. Ils les accompagnent également dans leur reporting sur l'usage, les émissions de CO2 et le budget.” Cela signifie-t-il la fin du gestionnaire de flotte? “Au contraire! Cela libère de l'espace et du temps pour se concentrer sur la stratégie et la vision plutôt que sur les tracas quotidiens.”
Labyrinthe fiscal
Une législation en constante évolution représente néanmoins un défi supplémentaire. “Les plans cafétéria, les budgets de mobilité, les règles concernant l'avantage de toute nature: tout évolue en permanence. Une partie non utilisée du budget de mobilité peut même être utilisée pour le remboursement d'un prêt immobilier.”
Problème: la législation peine parfois à suivre les développements technologiques. “Les bornes de recharge à domicile sont arrivées sur le marché avant même qu'il y ait une législation”, illustre Philippe Vangeel. “Un cadre pour le remboursement des recharges à domicile n’a été mis en place que plus tard.”
Le directeur opérationnel cite un autre exemple:“Techniquement possible, la recharge bidirectionnelle commence à se répandre. Elle vous permet d’utiliser votre voiture électrique comme une batterie domestique. Imaginez que vous rechargez votre voiture au travail pendant la journée et que vous utilisez cette énergie le soir chez vous pour votre machine à laver: qui paie pour quelle énergie?”
Du défi à la chance
Le fleet manager de demain doit donc relever le défi de concilier mobilité, durabilité et préférences personnelles. Un puzzle complexe, mais aussi la chance de redéfinir notre avenir en matière de mobilité.
“Peu de gens ont conscience de la façon dont les véhicules électriques peuvent contribuer aux solutions énergétiques”, conclut Philippe Vangeel. “En période de forte demande, ils restituent de l'énergie; en période de surplus, ils se rechargent. Ainsi, les voitures électriques ne deviennent pas un problème pour notre réseau énergétique, mais une partie de la solution.”