Aujourd’hui, les flottes d’entreprise ne sont plus constituées exclusivement de voitures, car les travailleurs alternent les modes de transport en fonction de leurs besoins personnels. Comment cette tendance a-t-elle modifié la mission des gestionnaires de flotte et la fonction des voitures de société? “Le télétravail, désormais largement pratiqué, remet en question le concept même de voiture de société”, analyse Jeroen Vertongen, prospectiviste automobile chez Fabriek Kramiek.
Depuis la pandémie de coronavirus, les entreprises misent largement sur le télétravail – une part importante de leurs collaborateurs sont d’ailleurs demandeurs de cette possibilité. Et lorsque ces derniers télétravaillent deux à trois jours par semaine, cela a un impact sur les voitures de société, qui ne sont plus utilisées quotidiennement pour les déplacements domicile-lieu de travail. “Nous constatons en effet des changements majeurs de comportement sur ce plan”, souligne Jeroen Vertongen, prospectiviste automobile chez Fabriek Kramiek, un centre de connaissances qui inspire et soutient les constructeurs automobiles et les organisations spécialisées en mobilité.
“Cette évolution remet en question le concept même de voiture de société. En d’autres termes, celui de la ‘voiture salaire’, qui n’est utilisée que de temps en temps, voire pas du tout, pour se rendre au travail et effectuer des déplacements professionnels.” En raison de la généralisation du télétravail, ces “voitures salaires” roulent encore moins qu’auparavant. En outre, les nouveaux véhicules qui tendent vers des émissions nulles sont technologiquement plus complexes et plus chers à l’achat et à la location.
Nouvelles politiques automobiles: vers l’optimisation des coûts
De nombreuses sociétés revoient actuellement leur politique automobile à la lumière de cette tendance, en vue d’optimiser les coûts. Concrètement, elles le font de deux manières: “Certaines proposent à leurs collaborateurs une voiture électrifiée plus petite et donc moins chère, tandis qu’une petite minorité se demande ouvertement si les voitures de société sont encore nécessaires pour les collaborateurs qui travaillent principalement à domicile”, avance Jeroen Vertongen. C’est une question sensible, car beaucoup de collaborateurs restent très attachés à leur voiture de société. “Ils la voient comme un symbole de statut social ou un privilège lié à leur fonction.”
D’un autre côté, les rangs des collaborateurs prêts à échanger leur “voiture salaire” contre d’autres avantages, tels qu’un supplément de rémunération, un vélo de société (électrique ou non) ou un abonnement mobilité, ne cessent de grossir. “Ce changement vers le multimodal a le vent en poupe, et pas uniquement auprès des jeunes collaborateurs. Toutes les générations se disent intéressées. Pour contribuer à un monde plus durable et protéger l’environnement, ils alternent les modes de transport comme la voiture, le vélo et les transports en commun en fonction de l’endroit où ils doivent se rendre ce jour-là.”
Le système de voitures partagées est de plus en plus utilisé par les entreprises.
Voitures partagées et complexité des voitures électriques
Les voitures partagées offrent-elles une solution valable? Au lieu de prévoir 100 voitures de société pour 100 collaborateurs, les entreprises peuvent-elles se contenter de 60 ou 70 voitures que les collaborateurs réservent en cas de besoin? “Cette évolution est en cours”, indique Jeroen Vertongen. “Le système des voitures partagées est de plus en plus utilisé par les entreprises. Beaucoup de gestionnaires de flotte et de mobilité ont en effet découvert qu’il n’existait pas de solution universelle. C’est pourquoi ils ont décidé de diversifier leur offre.”
Par ailleurs, le succès croissant des voitures électriques génère de nouveaux besoins: en plus de la voiture, il faut prévoir des bornes de recharge au sein de l’entreprise, une possibilité de recharge sur la route et, idéalement, une borne au domicile du collaborateur. Or, cette exigence a naturellement un impact sur le travail des gestionnaires de flotte et de mobilité. “Sur ce plan, les choses sont plus complexes si nous voulons optimiser les coûts de carburant ou de recharge. Pour l’entreprise, la solution la moins chère est la recharge sur le lieu de travail, puis la recharge à domicile et, enfin, le recours à l’infrastructure de recharge publique. Mais comment organiser au mieux la recharge à domicile, avec les multiples contrats de fourniture d’énergie des collaborateurs? Ces derniers souhaitent être correctement remboursés pour leurs recharges à domicile. Ce type de comptabilité n’est pas simple.”
La voiture autonome, l’avenir de la mobilité?
Dans un avenir plus lointain, les voitures – et notamment les voitures de société – autonomes devraient également faire leur apparition. En cas de voitures 100% autonomes (ce qu’on appelle le “niveau 5”), il sera probablement préférable de ne pas les mettre à la disposition des travailleurs pour des déplacements privés. “Plusieurs études prédisent que les voitures autonomes, en augmentant le nombre de déplacements, alourdiront le trafic et les embouteillages si elles sont vendues individuellement aux particuliers et aux entreprises”, conclut Jeroen Vertongen. “Une meilleure solution consistera à les proposer via une plateforme de voitures partagées avec abonnement. Car nous voulons bien entendu que les voitures autonomes améliorent la mobilité, ce qui ne sera possible que si chacun se demande au préalable si tel ou tel déplacement est réellement nécessaire.”