La demande pour des logements plus petits et abordables ne cesse d’augmenter. Depuis 2003, à la suite du “Betonstop” (mesure-phare adoptée par le gouvernement flamand dans son plan d’aménagement du territoire) et en raison du vieillissement de la population, les pouvoirs publics locaux accordent davantage de permis de bâtir pour de nouveaux appartements que pour des maisons unifamiliales. Que pense Marc Dillen, directeur général de la Vlaamse Confederatie Bouw, de cette tendance à “l’appartementisation” constatée en Belgique?
1er postulat: la tendance à “l’appartementisation” est typiquement belge
Marc Dillen: “De fait, le nombre d’appartements progresse sensiblement en Belgique, mais il existe des différences importantes entre les régions. En Flandre, la hausse est plus prononcée, tandis que la Wallonie a amorcé un mouvement de rattrapage. Dans le nord du pays, 27% de tous les logements existants sont des appartements, contre 16% en Wallonie.”
“Si l’on compare la Belgique à la France (32%) et à l’Allemagne (58%), ces chiffres ne sont pas exagérés. Aux Pays-Bas, on constate le mouvement inverse: le nombre de nouveaux appartements est en baisse. Quelque 18,9% des ménages néerlandais vivent en appartement, contre 21,6% des familles belges.”
“D’ici à 2024, les appartements seront devenus la forme de logement la plus répandue en Flandre”
“Ces cinq dernières années, près de 110.000 appartements ont été construits en Flandre. Depuis 2015, plus de 60% des projets de construction concernent des appartements, soit cinq fois plus que le nombre de nouvelles constructions semi-ouvertes et plus de dix fois plus que le nombre de nouveaux bâtiments ouverts au cours de la même période. On peut dire sans risquer de se tromper qu’en 2024, les appartements seront la forme de logement la plus répandue en Flandre.”
2e postulat: la suroffre d’appartements fait baisser les prix
Marc Dillen: “Globalement, on ne peut pas parler de suroffre. Les évolutions démographiques telles que la réduction de la taille des ménages et le vieillissement de la population dopent la demande de petits logements. Si le secteur de la construction répond à cette demande, le nombre de nouvelles constructions n’a pas réussi à la satisfaire. La flambée de la demande d’habitations de plus petite taille et abordables, ainsi que la pénurie de terrains à bâtir, devraient encore booster le nombre d’appartements.”
“C’est surtout dans les petites communes que les appartements sont sous-représentés. Dans les 50 plus petites communes de Flandre, seuls 10% des logements sont des appartements. Dans les 50 plus grandes villes et communes, la proportion atteint 40%. Il peut y avoir une suroffre à certains endroits. C’est pourquoi ces immeubles à appartements ne sont pas construits n’importe où et n’importe comment. Nous avons besoin de projets de qualité et bien pensés.”
3e postulat: les appartements situés dans les villes seront de plus en plus chers
Marc Dillen: “Il sera certainement plus coûteux de vivre en ville. Le ‘Betonstop’ en Flandre pousse le secteur à privilégier les centres-villes et les cœurs de villages. La rareté de l’offre, le respect des nouvelles normes de construction et la nécessité de maintenir une certaine qualité de vie en ville constituent des défis majeurs. L’offre devrait se rétrécir. Et les logements proposés seront plus chers à cause de la montée en gamme des logements citadins: lieux de rencontre protégés du trafic, espaces de détente, pièces d’eau, meilleure mobilité, etc. Tout cela nécessite de gros investissements.”
“Des données récentes révèlent qu’à Bruxelles, 15% des espaces verts ont été convertis en zone constructible entre 2003 et 2016. Et ce, au moment où il fallait au contraire privilégier le vert (la nature), le bleu (l’eau) et le gris (la qualité des bâtiments). Un bel exemple est le partenariat public-privé au Klaverpark à Louvain, où la Dyle – jusque-là souterraine – a retrouvé la lumière du jour. Le secteur dispose de suffisamment d’expertise pour donner aux centres-villes des accents ‘verts’ et ‘bleus’. Si nous voulons freiner l’exode des familles avec enfants loin des centres urbains, nous devons oser réinventer ceux-ci.”
4e postulat: L’appartementisation crée davantage de contacts sociaux, améliore les espaces verts et la durabilité des bâtiments
“L’appartementisation est une tendance inévitable si l’on souhaite construire des habitations abordables pour les petites familles et les personnes seules”
Marc Dillen: “L’appartementisation est une tendance inévitable si l’on souhaite construire des habitations abordables pour les petites familles et les personnes seules. Parallèlement, il faut conserver un équilibre entre les formes d’habitat afin que chacun puisse trouver chaussure à son pied.”
“L’amélioration du cadre de vie et le ‘verdissement’ des quartiers consécutifs à la tendance à l’appartementisation dépendront des conditions et du cadre établis par les pouvoirs publics. Il est crucial de développer des projets durables. Si l’on tient compte des besoins des habitants et dans la mesure où l’authenticité des quartiers est respectée, ces projets pourraient représenter une plus-value pour l’environnement.”