En immobilier, la monofonctionnalité est aussi dépassée que la propriété. L'avenir est à la modularité des espaces, la création de lien social et la notion de service.
Julie Willem est architecte et partenaire au sein du bureau bruxellois A2M. Depuis septembre 2017, elle réside à plein temps à New York pour mieux implanter A2M outre-Atlantique. Convaincue de la nécessité de repenser nos modes d'habitat, elle profite de son expérience new-yorkaise pour s'ouvrir aux nouvelles tendances du coliving et du coworking, tout en développant un idéal architectural propre, fondé sur l'assimilation de l'immobilier à un… service comme un autre.
“Le mode de vie de la famille des années 60 et sa déclinaison en immobilier – s'endetter sur 20 ans pour une quatre-façades et son carré de jardin – sont totalement dépassés”, observe-t-elle. Parce que “les familles se décomposent et se recomposent”, mais surtout du fait que le modèle binaire achat/location n'offre pas d'alternative adaptée aux évolutions actuelles.
“La propriété à laquelle les Belges tiennent tant n'a pas d'avenir”, résume-t-elle. Pas plus que les bâtiments monofonctionnels.
La pression foncière a engendré des initiatives inédites à New York. “De nombreux bars et restaurants se transforment en espaces de coworking le jour pour revenir à leur affectation initiale le soir venu”, décrit Julie Willem. Une évolution soutenue notamment par la récolte de données pour étudier le comportement des utilisateurs et répondre à leurs besoins.
“On est capable de gérer toute une somme d'informations qui évoluent dans le temps, que ce soit en termes d'énergie, de fréquentation ou d'usages”, soutient-elle. C'est tout l'enjeu de la tendance de la “mobility as a service”.
Perméabilité entre public et privé
“Que devient l'architecture à partir du moment où la fonction – bureau, logement, commerce, etc. – ne définit plus le bâtiment?”, interroge la jeune femme, qui y voit un avantage de taille: “La multifonctionnalité de l'espace a pour effet de le démultiplier. Le paramètre le plus important dans ce type de développement, qu’il s’agisse d’habitats partagés, de coworking ou de coliving, c'est la communauté. L'humain.
La création de lien social. Dans un immeuble à appartements classique, l’un des espaces communs est la cage d’escalier, où l'on est amené à croiser ses voisins. Or, toutes les cinq minutes, la lumière s'éteint automatiquement, ce qui limite les possibilités d'échange.”
À l'inverse, ce sur quoi l'architecte travaille est “la création d'un village à l’échelle d’un bâtiment, un village 2.0”. Un lieu mêlant espaces privatifs et communs, avec une gradation dans la frontière entre public et privé.
“Bien que le cocon demeure l'appartement individuel, des espaces mixtes sont prévus: une cuisine et une salle de détente par étage, une salle polyvalente, un espace de coworking, un espace de jeux pour les enfants et une buanderie pour les occupants de l'immeuble, un café et un jardin dont l'accès est public…” Le tout doublé d'un réseau social autorisant les échanges et l'organisation d'activités (cours de yoga, verre entre voisins, etc.).
Un peu comme ce que The We Company a mis en place avec WeWork et WeLive. Chez nous, le bureau A2M porte un projet similaire au sein de l’un des cinq immeubles résidentiels de Paradis Express, dans le quartier des Guillemins à Liège. Un produit “à mi-chemin entre l'hôtel et la location classique, fondé sur un espace privé et des espaces partagés avec des fonctions et occupations temporaires”, conclut Julie Willem.