Dans le port d’Anvers, INEOS construit Project ONE. Le groupe chimique a investi 4 milliards d’euros dans ce nouveau craqueur d’éthane. Cet investissement n’est pas seulement le plus important du secteur depuis 25 ans: il symbolise la confiance dans l’avenir de la pétrochimie européenne.
“Voici 20 ans, 27% des investissements mondiaux étaient réalisés dans l’industrie pétrochimique européenne. Aujourd’hui, ce chiffre est retombé à 12%. De nombreux investissements se sont déplacés vers d’autres régions, en particulier en Chine.” John McNally, CEO de Project ONE, ne mâche pas ses mots: “Si nous voulons assurer l’avenir de la pétrochimie, nous devons investir. Et lorsque nous investissons, nous devons faire appel aux nouvelles technologies.”
Avec cet investissement de près de 4 milliards d’euros, INEOS prouve qu’elle croit en l’avenir de la pétrochimie en Europe et souhaite rétablir l’équilibre avec les États-Unis et l’Asie, où beaucoup de craqueurs ont été construits ces dernières années.
“Voici 20 ans, 27% des investissements mondiaux étaient réalisés dans l’industrie pétrochimique européenne. Aujourd’hui, ce chiffre est retombé à 12%. De nombreux investissements se sont déplacés vers d’autres régions, en particulier en Chine.”
“La construction du dernier craqueur d’éthane en Europe remonte à plus de 20 ans”, indique Ralf Gesthuisen, Process Technology Manager chez INEOS. “Contrairement aux autres craqueurs, nous avons tenu compte de notre ambition de devenir neutres en carbone. Dans la nouvelle installation, la majeure partie des besoins de chaleur seront comblés grâce à l’hydrogène, que nous utiliserons comme carburant. Cet hydrogène est en outre un sous-produit du processus de craquage. Ceci, combiné à la formidable efficacité énergétique du nouveau craqueur, se traduira par une empreinte carbone plus de deux fois inférieure à celle du second meilleur craqueur d’Europe.”
Anvers, situation idéale
La décision quant au lieu d’implantation de ce méga-investissement n’a pas été prise à la légère. “Nos matières premières arrivent par bateau. C’est pourquoi nous avons besoin d’un port en eau profonde. Ensuite, pourquoi Anvers? Parce que nous avons accès aux réseaux de pipe-lines qui traversent le nordouest de l’Europe. Ils sont essentiels pour l’acheminement de nos produits vers nos clients.”
Une deuxième raison est historique: la Belgique est le berceau d’INEOS. “Nous sommes très présents en Belgique”, souligne McNally. “En outre, nous savons comment faire des affaires ici, et nos relations avec la communauté portuaire sont excellentes. Après avoir mis au point notre plan financier, nous savions que nous avions pris la bonne décision.”
Project ONE produit essentiellement de l’éthylène et du propylène, les matières premières de base de l’industrie pétrochimique. “Vous les retrouvez dans toutes les applications possibles et imaginables”, poursuit Gesthuisen. “Ce sont les pierres angulaires de nombreuses applications durables et indispensables, comme les matériaux légers pour les voitures, les lubrifiants pour les éoliennes, les désinfectants et les conduites d’eau et de gaz en matière synthétique.”
“Contrairement aux autres craqueurs, nous avons tenu compte dès la conception de Project ONE de notre ambition de devenir neutres en carbone.”
“Avec Project ONE, nous pourrons produire plus de 1,5 million de tonnes d’éthylène et de propylène par an”, reprend Gesthuisen. “Ce faisant, nous émettrons, par tonne de high-value chemicals, moins de la moitié de CO2 que la moyenne des 10% des meilleurs vapocraqueurs d’Europe. Nous pouvons dire qu’en matière de durabilité, nous avons placé la barre nettement plus haut que les autres acteurs du secteur chimique.”
Business plan solide
Le financement d’un projet de cette envergure est souvent complexe. “Le modèle d’exploitation de ce craqueur d’éthane est en revanche assez simple”, avance McNally. “Nous savons que l’usine générera des profits dès le premier jour de sa mise en service en 2026. L’éthylène est une matière première dont les besoins augmentent avec le PIB, c’est-à-dire entre 3 et 4% par an. Et la demande pour nos produits devrait encore s’accroître dans le cadre de la transition énergétique. L’éthylène intervient notamment dans les couvertures de panneaux solaires et les résines des composants pour éoliennes. Nous y voyons un potentiel majeur en termes de valeur, tant au niveau des ventes que dans son utilisation par l’industrie pétrochimique elle-même.” C’est aussi l’avis des 21 institutions financières qui ont participé au financement: “Nous avons obtenu 3,5 milliards d’euros auprès de ces banques, ce qui n’aurait pas été possible sans un business plan solide.”
Une part importante de l’investissement profitera directement à Anvers et au reste de la Flandre. “Nous venons d’annoncer la signature d’un contrat avec des sociétés de génie civil locales, d’une valeur de 100 millions d’euros, pour les travaux de la phase 2”, déclare Gesthuisen. “La pose des conduites souterraines, la mise en place des installations électriques et la construction de routes asphaltées devraient débuter rapidement.”
La nouvelle installation sera également créatrice d’emplois. “Nous avons besoin de 450 collaborateurs hautement qualifiés que nous cherchons dans la région. En outre, nos activités créent de nombreux emplois indirects. Nous constatons que, pour un emploi dans l’entreprise, nos usines sont en moyenne à l’origine de la création de cinq emplois indirects au niveau local. Avec 450 collaborateurs, nous devrions donc atteindre rapidement 2.500 emplois indirects.”
Conditions strictes
McNally évoque le processus d’octroi de permis avec des sentiments mitigés. “Ce ne fut pas facile. La bonne nouvelle est que nous avons obtenu notre permis, même s’il nous impose des conditions très strictes pour ce qui concerne la construction de l’usine, la façon dont nous devons gérer le problème de la pollution sonore, les émissions de gaz à effet de serre, etc. Si nous avions réalisé cet investissement ailleurs dans le monde, les conditions auraient été moins drastiques. Le point positif est que nous avons su nous plier à toutes ces contraintes.”
Avec un budget de 4 milliards d’euros, Project ONE est l’un des plus gros investissements d’INEOS. Pour Flanders Investment & Trade (FIT), il s’agit même de l’investissement le plus important jamais soutenu par l’agence.
Flanders Investment & Trade a décerné à Project ONE l’Exceptional Investment of the Year Trophy en 2020. “Parce qu’il démontre qu’il est encore possible d’investir dans des projets industriels de grande envergure en Flandre”, déclare Joy Donné, CEO de FIT. “Ce projet donne le ton pour les investissements futurs en termes d’émissions et de normes environnementales. Le craqueur d’éthane d’INEOS compte parmi les investissements les plus efficaces de ce type au niveau mondial et répond aux normes et réglementations européennes les plus strictes.”
“INEOS vise la neutralité carbone du craqueur dans les 10 ans suivant sa mise en service, prévue pour 2026. Par son ambition, ce projet avant-gardiste place la barre très haut pour tous les autres craqueurs en Europe. Une condition essentielle à cette neutralité climatique est la disponibilité d’une quantité suffisante d’hydrogène respectueux du climat et économiquement intéressant. Nous n’y sommes pas encore, mais avec Project ONE, INEOS crée une demande sur le marché pour de l’hydrogène durable et soutient la transition énergétique.”
Il faut absolument investir dans les nouvelles technologies, estime McNally. “Et nous devons sans cesse les remettre en question. Comment améliorer les choses? Pouvons-nous agir différemment? Mais si vous ne construisez rien, vous n’obtiendrez rien et vous vous retrouverez avec des usines vieilles de 50 ans dont les émissions seront les mêmes qu’il y a 50 ans.”
Ce nouveau craqueur sera-t-il le seul construit par INEOS, ou l’entreprise a-t-elle d’autres projets? “Il ne faut jamais dire ‘jamais’, répond McNally en souriant. “Je n’étais pas enthousiaste lorsque Jim Ratcliffe a insisté pour baptiser ce projet ‘Project ONE’. Je ne trouvais pas cela très sexy… Ceci dit, si on l’appelle ainsi, cela implique qu’il pourrait y avoir un ‘Project TWO’. Mais commençons par ce premier craqueur!” L’exploitation devrait débuter en 2026, quatre ans après le début des travaux.