Femme et ingénieure? Elles sont encore rares dans notre pays. La “touche féminine” peut pourtant être synonyme de valeur ajoutée, estiment Coraline Guyot et Siska Desmet, ingénieures cheffes de projet au sein du géant de la construction Eiffage Benelux.
Coraline Guyot (35 ans):
- Ingénieure civile en construction
- Travaille depuis cinq ans comme cheffe de projet chez Valens, filiale d'Eiffage Benelux
- Maman de Lily et Camille
Siska Desmet (42 ans):
- Ingénieure civile en construction
- Travaille depuis cinq ans comme cheffe de projet chez AB-Eiffage, filiale d'Eiffage Benelux
- Maman de Oscar, Toon et Astrid
Malgré les campagnes de sensibilisation, les femmes restent encore minoritaires dans la profession d'ingénieur: à peine 15% des ingénieurs civils belges sont des femmes.
Coraline Guyot: En dépit des efforts consentis ces dernières années pour augmenter la proportion de femmes ingénieures, le chemin à parcourir est encore long. Pour inverser la tendance, il faudrait que les filles s'intéressent plus tôt aux métiers de l'ingénierie. Ce déséquilibre est très marqué dans la construction – notre secteur – et certainement sur le terrain.
J'ai l'impression que les femmes ingénieures dans la construction s'orientent principalement d'abord vers un poste de bureau, en gardant certes la possibilité d'aller sur le chantier, mais seulement plus tard. C'est un peu dommage, car de cette façon, la peur de franchir le pas s’installe.
Siska Desmet: À l'université, nous étions six filles sur un total de vingt-six étudiants. Cette proportion n'a pas réellement évolué ces dernières années – ce ratio se confirme également chez mon employeur actuel, AB-Eiffage (filiale d'Eiffage Benelux, NDLR).
Le fait que vous soyez une femme a-t-il joué un rôle dans les procédures de sollicitation auxquelles vous avez participé?
Desmet: En fait, non. Une fois que vous pouvez démontrer ce que vous valez, le fait que vous soyez une femme n’a plus vraiment d’importance.
Guyot: Mon expérience est un peu différente. Lorsque j'ai posé ma candidature pour mon tout premier stage, la préférence pour les ingénieurs masculins était nette. C'était pourtant dans l'une des plus grandes entreprises de construction du pays… Ils ont organisé une journée de recrutement à laquelle seuls les diplômés masculins étaient conviés! Au début, j'ai pensé qu'ils m'avaient simplement oubliée, mais en réalité, c'était un choix délibéré. Heureusement, chez Eiffage Benelux, j'ai pu commencer immédiatement comme stagiaire et je me sens toujours aussi soutenue.
En tant que responsables de projet, vous êtes chargées de coordonner de vastes chantiers. Votre rôle de premier plan fait-il parfois jaser?
Guyot: Lorsque nous démarrons un nouveau chantier et que nous travaillons avec des partenaires extérieurs, il m'arrive encore d'avoir des questions ou des remarques. Surtout de la part d'hommes qui sont dans le métier depuis longtemps, et qui apparemment ne sont pas habitués à ce qu'une femme ingénieure puisse diriger un chantier. C'est donc un peu plus difficile pour les femmes au début, parce que nous ne sommes pas toujours prises au sérieux. À terme, bien sûr, ce sont l'expertise et les compétences techniques qui font la différence.
Pourquoi avez-vous choisi Eiffage Benelux? S'agissait-il d'une occasion intéressante ou d'un choix fondé sur le sentiment que les femmes bénéficient ici de davantage d'opportunités?
Desmet: Non, j'ai choisi cette entreprise parce que j'ai eu immédiatement un bon feeling avec mon supérieur direct. Chez mon précédent employeur, je ne l’avais plus; or, le rapport humain et le respect témoigné à l’égard de mon travail comptent particulièrement à mes yeux.
Guyot: Pour moi, la culture d'entreprise d’Eiffage Benelux a été le facteur décisif. J'avais déjà remarqué, pendant mon stage, que l'on me faisait confiance, et depuis que j’ai commencé à travailler ici, je n'ai jamais eu le sentiment de me heurter à des limites, quelles qu’elles soient. En tant que femmes ingénieures, nous bénéficions de toutes nos chances chez Eiffage Benelux, nous nous sentons appréciées pour nos qualités propres.
Comment et dans quelle mesure la culture d’entreprise peut-elle aider les femmes ingénieures à se sentir parfaitement à l’aise et à s’épanouir pleinement?
Guyot: En premier lieu, il faut que l’entreprise s’engage à viser la plus grande équité possible entre les sexes, et ce, dans tous les domaines. Cela commence par la politique de recrutement et se poursuit ensuite dans la formation et les opportunités de carrière. Bien entendu, l'attention portée à l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée joue un rôle. De mon point de vue, Eiffage Benelux est très performante dans tous ces domaines.
J'étais enceinte pendant la procédure de recrutement, mais cela n'a jamais posé de problème.
Desmet: C'est vrai, et j'en ai fait moi-même l'expérience lorsque j'ai rejoint cette entreprise. J'étais enceinte depuis peu, mais cela n'a jamais posé de problème durant la procédure de recrutement. Les premiers mois chez un nouvel employeur sont surtout consacrés à l'apprentissage et au processus d’intégration. Mes supérieurs savaient qu'après quelques mois, je serais absente pendant un certain temps mais j’ai senti dès le départ que tout se passerait bien.
Estimez-vous important qu'un employeur soit suffisamment souple à l'égard des femmes qui occupent des postes de direction ou de coordination et qui ont aussi une famille? Ou bien faut-il traiter tout le monde de la même manière?
Desmet: Une certaine flexibilité dans les horaires de travail est appréciable. Je suis récemment passée à 80% et cela s’est déroulé sans aucun problème. J'essaie également de combiner mes horaires de travail avec ma vie de famille, souvent mouvementée. Je suis généralement devant l’ordinateur à la maison dès 6 heures du matin. Après cela, je m'occupe un moment des enfants, puis je me remets à travailler. Cela non plus ne pose pas de problème.
La flexibilité au travail est essentielle, mais elle joue naturellement dans les deux sens.
Guyot: Nous bénéficions d'une grande confiance de la part de notre employeur. Par exemple, je vais chercher mes deux filles à l'école tous les jours et je continue à travailler le soir. Mon mari s'occupe d'elles le matin. Si un imprévu survient à la maison, je peux me libérer sans que mon employeur ne fasse de commentaires. Cette flexibilité est essentielle, mais elle joue évidemment dans les deux sens.
Selon vous, existe-t-il une différence d'approche entre les hommes et les femmes ingénieurs? Dans quels domaines le fait d'être une femme apporte-t-il une valeur ajoutée?
Desmet: Les femmes sont davantage orientées vers l’exploitation parce qu'elles auraient plus le sens du détail. Ce n'est pas faux. J'aime cependant aussi me lancer dans le gros œuvre, et là, notre ponctualité peut être un atout, en vue de la phase de finition.
Guyot: Selon moi, les femmes ont un sens très pointu du détail. Comme elles ont parfois un peu moins confiance en elles, elles abordent toute tâche de manière extrêmement minutieuse. Le plus grand piège pour les femmes dans un environnement de travail à prédominance masculine serait de vouloir “agir comme un homme”.
Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui rêvent d'une carrière d'ingénieure?
Desmet: Avant tout, ne vous laissez pas décourager par le monde masculin dans lequel, selon toute probabilité, vous atterrirez. Croyez en vos propres forces et qualités.
Guyot: Il faut oser, dans tous les domaines. N'ayez pas peur de vous retrousser les manches et d'aller sur le terrain. Ne vous laissez pas influencer ou freiner par les préjugés ou les clichés.