À Hasselt, Engenius est spécialisée dans le placement de collaborateurs techniques de projet pour le secteur de la construction et des infrastructures. Aux commandes, Michiel Corthouts et Peter Piccard, deux jeunes ingénieurs, donnent à leurs collaborateurs la liberté de travailler en tant que salariés ou indépendants. Un choix souvent motivé par la phase de vie dans laquelle ils se trouvent.
Depuis sa création en 2017, Engenius est devenue une PME financièrement saine, comptant 7 employés et 28 freelances déployés (en mode project sourcing) dans toute la Belgique. Ils assistent les clients en tant que chef de projet, chef de chantier, calculateur, modélisateur BIM et coordinateur de construction. Engenius adopte pour cela une stratégie RH ciblée qui répond de manière optimale à la guerre actuelle des talents, plus intense encore parmi les profils techniques. Pourtant, ce n'est pas la première raison pour laquelle les dirigeants ont opté pour cette stratégie.
Pourquoi offrez-vous aux employés le choix entre le statut de salarié et celui d'indépendant?
Peter Piccard (cofondateur et CEO d'Engenius): “Nombre de profils techniques ont une certaine dose d'esprit d'entreprise. Nous voulons l'encourager et faciliter son expression. Cet esprit d'entreprise peut s'exprimer chez nous en qualité de salarié ou d'indépendant. Nous pensons que pousser les effectifs à opter pour un seul statut est dépassé. Et nous donnons nous-mêmes l'exemple: Michiel Corthouts et moi-même sommes indépendants depuis plus de 10 ans.”
Certains commencent-ils comme employés pour devenir ensuite indépendants chez Engenius?
Peter Piccard: “Absolument. Les personnes qui ont le ‘trac de l'entreprise’ et qui n'osent pas d’emblée basculer vers le statut d'indépendant débutent comme employés. Lorsque le moment est venu de franchir ce cap, nous les guidons et les soutenons. Nous établissons un plan financier et une structure de coûts, nous les mettons en contact avec des comptables, des conseillers fiscaux, des avocats, des compagnies d'assurance responsabilité professionnelle susceptibles de les intéresser, etc. Nous allons aussi loin que nécessaire dans ce domaine.”
À quel moment les ingénieurs et les profils techniques sont-ils prêts à passer indépendants?
Peter Piccard: “Ce choix dépend souvent de la phase de vie dans laquelle ils se trouvent. Oser courir plus ou moins de risques, préférer la sécurité financière sous la forme d'un salaire mensuel, travailler moins longtemps, travailler plus longtemps: tous ces aspects sont synonymes de possibilités ou de limites. Les personnes ayant de jeunes enfants, par exemple, ont d’autres besoins et souhaits que les employés sans enfants. Certains ont une check-list à cocher avant d'oser devenir indépendants: leur propre maison, leurs enfants… D'autres ne sont jamais prêts et préfèrent rester salariés.”
Quel est le plus grand avantage de votre politique RH flexible?
Peter Piccard: “Parce qu'avec nous, les gens savent qu'ils peuvent choisir à tout moment entre le travail salarié et le statut indépendant, ils ont l'esprit tranquille. Les talents réalisent qu'ils peuvent aller dans n'importe quelle direction à tout moment, et que nous sommes là pour eux.”
Alors que les ingénieurs avaient l'habitude de faire carrière dans une seule et même entreprise, ils travaillent de plus en plus sur la base de projets.
La médaille a bien sûr son revers. N'y a-t-il pas plus de rotation parmi vos ingénieurs indépendants, du fait qu'ils ne sont pas liés à un seul client?
Peter Piccard: “Au contraire! Chez nous, il y a aussi peu de rotation parmi le personnel salarié que parmi les freelances. Lorsque les gens se sentent bien, à l'aise et impliqués, ils sont très fidèles à leur client ou à leur employeur – notre expérience nous le prouve. Nous nous développons avec nos collaborateurs. Nous traitons les employés et les freelances de la même manière sur le plan psychologique. Et tout le monde a accès à notre Engenius Academy, où sont dispensées des formations professionnelles.”
Comment maximiser la confiance et les liens au sein d’équipes composées d'un cocktail de salariés et de freelances?
Peter Piccard: “Je n'ai jamais eu le sentiment que nous devions travailler activement sur ce point. Tout va bien. Nous le remarquons également lors des apéritifs after-work que nous organisons régulièrement: tout le monde, quel que soit son statut, interagit de manière organique, conformément à notre culture d'entreprise ouverte. Je ne pense pas non plus que les gens observent des différences de mentalité. En tout cas, pas un seul employé ne nous en a parlé.”
Les ingénieurs abordent-ils désormais leur carrière différemment?
Peter Piccard: “Alors qu’ils avaient l'habitude de faire carrière dans une seule et même entreprise, les ingénieurs travaillent aujourd'hui de plus en plus sur la base de projets. Les personnes avec lesquelles nous collaborons sont toutes très conscientes de leur carrière, de leur développement et de leur épanouissement. Elles recherchent activement des formations supplémentaires et en discutent régulièrement avec nous. L'année dernière, nous avons racheté Dubimax Engineering, un bureau d'études spécialisé dans les calculs de stabilité. Avec cette acquisition, nous offrons plus d'options à nos clients mais aussi à nos employés. Ils obtiennent encore plus de variété et de possibilités de carrière.”
Comment Engenius entrevoit-il l'évolution de la profession d'ingénieur au cours des prochaines années?
Peter Piccard: “L'économie et la société fonctionneront davantage sur base du statut d’indépendant, je pense. Les gens coopéreront plus facilement et avec davantage de fluidité. De ce point de vue, les ingénieurs effectueront aussi des missions auprès des structures avec lesquelles ils souhaitent travailler.”
Quelque 25 à 30% de la population totale d'ingénieurs que compte notre pays est constituée d'indépendants, bien que leur nombre réel soit difficile à quantifier. “Les ingénieurs occupent les postes et exercent les professions les plus divers, les diplômes ne sont pas pris en compte dans les statistiques”, souligne Nancy Vercammen (ie-net).
“Ingénieur” n'est pas une profession: c'est un diplôme qui donne le titre reconnu d'ingénieur et permet d'exercer une infinité de métiers. “Le diplôme d'ingénieur est un tremplin parfait pour le marché du travail”, estime Nancy Vercammen, directrice générale de l'association d'ingénieurs ie-net. “Mais il n'existe aucun registre indiquant le nombre d'ingénieurs travaillant sous contrat de travail et le nombre d'indépendants.”
Une tendance se dégage, cependant: les personnes de plus de 50 ans titulaires d'un diplôme d'ingénieur utilisent fréquemment le statut de freelance pour rester professionnellement actives. “Nous observons souvent ce phénomène lorsque des ingénieurs plus âgés perdent leur poste d'employé parce que leur employeur procède à une restructuration ou fait faillite, par exemple”, note Nancy Vercammen.
Plus les ingénieurs acquièrent de l'expérience, plus ils ont tendance à basculer vers le statut d'indépendant, selon les enquêtes menées auprès des membres d'ie-net. Ils lancent parfois un cabinet de conseil qu'ils développent ensuite en entreprise avec du personnel. “Certains ingénieurs se révèlent d'excellents gestionnaires d'entreprise”, avance Nancy Vercammen. “Ils font preuve d'initiative, gèrent des équipes multidisciplinaires et apprécient les responsabilités qui en découlent.”