Pour contrer la pénurie de profils IT, la solution-miracle ne proviendra pas de l'enseignement. En revanche, un changement de perception, le reskilling, l’upskilling et une offre de parcours de carrière flexibles sont autant de pistes à explorer. Entretien avec Andy Stynen, CEO d'Ausy BeLux et CDO d'Ausy Group.
Déverrouiller sa voiture avec son téléphone, payer avec sa carte d’un geste de la main, demander au haut-parleur le temps qu'il fait à Barcelone: la technologie est devenue naturelle et indispensable dans de nombreux domaines de notre vie économique et privée. Sans la technologie, il n'y aurait pas d'électricité dans la prise de courant ni même d'eau au robinet.
Cependant, pour rendre tout cela possible, il faut des personnes. Beaucoup de personnes. Dans le seul secteur technologique, 40.000 emplois supplémentaires pourraient être créés en Belgique au cours des 10 prochaines années, selon la fédération Agoria. Et les profils informatiques sont en pénurie depuis plusieurs décennies.
L'informatique, c'est plus qu'Excel et Word
Andy Stynen (CEO d'Ausy BeLux et CDO d'Ausy Group) voit plusieurs solutions pour relever ces défis. “Mon fils, âgé de deux ans et demi, sait exactement comment lancer un appel vidéo à ses grands-parents. Pourtant, il faudra des années avant qu'on lui enseigne des compétences technologiques à l'école!”
“Dès l'école primaire, ou peut-être même de manière ludique à l'école maternelle, les enfants devraient être initiés à la technologie et plus généralement aux STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques). Il existe notamment de nombreuses solutions pédagogiques pour apprendre aux enfants la programmation par le jeu.
L'informatique les rend plus résistants aux abus et aux risques de la technologie – et ce, dès leur plus jeune âge – et les aide à développer leurs capacités de raisonnement logique. Dans la pratique, malheureusement, l'informatique à l'école se limite trop souvent à Excel et à Word.”
Avoir un impact grâce à l'informatique
Certes, tous les enfants n'ont pas besoin de plonger aussi profondément dans la piscine technologique, “mais chaque enfant devrait recevoir des bases solides”, juge Andy Stynen.
“Que vous deveniez plus tard analyste informatique, infirmier ou expert fiscal, il existe peu de professions où l'on peut se passer de la technologie, désormais. Bien sûr, les efforts ne doivent pas venir uniquement de l'enseignement: il est de notre responsabilité de susciter l'intérêt des jeunes pour une carrière dans le domaine des technologies.
Il n'est plus nécessaire de présenter un diplôme en informatique pour commencer à travailler comme informaticien.
Ceci étant dit, on continue de penser que les technologies de l'information se jouent dans les arrière-salles, les sous-sols et les garages… et que l'informatique est un travail réservé aux nerds qui ne voient jamais la lumière du jour. Au mieux, l'informatique est associée à beaucoup de programmation et de mathématiques, ce qui démotive nombre de jeunes à poursuivre leurs études dans cette direction.”
Il faut promouvoir davantage l'informatique comme un domaine porteur d'impact social, estime-t-il. “La technologie étant au cœur de la vie quotidienne, l'informatique ne doit plus être considérée comme une niche. L’IT devrait être largement reconnu comme un choix de carrière sûr, influent et lucratif! Une initiative telle qu’Ondernemers voor de Klas, à laquelle j'ai moi-même participé à plusieurs reprises, est un excellent exemple de la manière dont on peut, dans la pratique, susciter l'intérêt des jeunes pour les STEM, et en particulier pour l'informatique.”
D'une langue à l'autre
Selon Andy Stynen, la solution réside à la fois dans la conscientisation “par le bas”, en favorisant une perception plus réaliste de l'informatique, et dans une conscientisation “latérale” – une reconversion, en d'autres termes. Le travail des traducteurs et des interprètes est fondamentalement le même que celui d'un analyste dans un projet informatique: interpréter quelque chose dans une langue et le convertir dans une autre (informatique, en l’occurrence).
“Les schémas de pensée permettant de passer d'un besoin à une solution sont similaires. Même pour les personnes qui n'ont appris à l'école que le fonctionnement d'un programme de traitement de texte ou la création d'un site Web pour leur club de sport, il existe des possibilités de carrière dans le secteur IT.
Aujourd'hui, il n'est pas nécessaire de présenter un diplôme en informatique pour commencer à travailler comme informaticien. Tout ce dont vous avez besoin, c'est la volonté d'apprendre et une connaissance de base de la technologie.”
Généralistes et spécialistes
Bien qu’une grande partie de la technologie soit plus accessible que jamais – notamment grâce au low code et au no code –, le besoin d'experts demeure élevé. “De plus en plus de solutions offrent à des personnes sans formation informatique de travailler avec des logiciels pour créer des processus commerciaux automatisés, par exemple. Vous pouvez même développer et gérer vous-même des applications pour la maison, le jardin et la cuisine.”
Cela ne signifie pas pour autant que les entreprises n'ont soudainement plus besoin de spécialistes en informatique, nuance Andy Stynen.
“En effet, au bout du compte, ces applications doivent être évolutives, sécurisées et intégrables à d'autres applications et systèmes numériques. Et avec l'évolution du volume des données, le besoin de spécialistes ne fera qu'augmenter. De nouvelles technologies sont développées en permanence. Et ce, dans un secteur qui a toujours été en première ligne dans la guerre des talents.”
Préparer les jeunes
Filiale du fournisseur de services de ressources humaines Randstad, Ausy propose des solutions technologiques à ses clients, ses consultants étant les chevilles ouvrières de projets innovants. L'embauche de talents pour un emploi informatique est également un défi constant chez Ausy. Et tous les efforts sont déployés pour le relever. “Nous contribuons à préparer les jeunes”, déclare Andy Stynen.
Les traducteurs et les analystes d'un projet informatique font fondamentalement le même travail: convertir quelque chose d'une langue à une autre.
“La création d’une application pour votre thèse est complètement différente de la création d’applications qui doivent être évolutives, sécurisées et conformes. C’est pourquoi nous dispensons un enseignement et une formation approfondis.”
L’accent est en outre placé sur le recyclage et l'amélioration des compétences, “notamment par le biais de notre Ausy Academy, où nous aidons les personnes à se recycler en fonction des besoins que nous identifions chez nos clients. Pensez aux contrôleurs financiers que nous préparons à un emploi de data engineer. C'est un travail qui ne se terminera jamais. L'apprentissage tout au long de la vie en fait partie.”
La carrière comme un plan de métro
Cela fait bien longtemps que les carrières ne suivent plus une ligne droite… et certainement dans le secteur IT. “J'aime comparer le parcours professionnel à un plan de métro”, conclut Andy Stynen.
“Vous entrez dans une station sur une certaine ligne, vous vous déplacez sur quelques stations, vous changez de ligne, et ainsi de suite. C'est ce que nous promouvons chez Ausy: la flexibilité pour se développer dans plusieurs directions. Donner de l'espace pour accomplir des bonds en avant, mais aussi pour opérer des sauts de côté et vivre des expériences différentes. Aujourd'hui, on ne doit plus généraliser les parcours professionnels mais les personnaliser. Cela exige naturellement une autre politique en matière de RH.”