Comment les jeunes diplômés vivent-ils leurs premiers pas sur le marché du travail, et quelles stratégies les employeurs adoptent-ils pour attirer et retenir les NextGenners? Deux jeunes talents de Moore Belgium et de la Loterie Nationale partagent leurs expériences et leurs points de vue avec les gestionnaires du capital humain de leurs employeurs. Ans De Vos, professeure et experte en ressources humaines, apporte son éclairage. À ses yeux, “les employeurs doivent remettre en question leurs méthodes de recrutement”.
Avez-vous éprouvé des difficultés à décrocher votre premier emploi?
Camille Houtave (Associate Tax & Legal chez Moore): “Cela s'est passé étonnamment bien, probablement parce que j'ai postulé de manière très ciblée. Au total, j'ai envoyé deux lettres de candidature! Je cherchais un emploi qui corresponde à mes centres d'intérêt et à mes masters en droit et en management général. Moore fut la première entreprise à me convoquer pour un entretien. L'ensemble de la procédure de recrutement s’est révélée une expérience positive pour moi.”
Dans le passé, pour de nombreuses personnes, le travail passait avant tout. Aujourd'hui, la plupart des gens cherchent à concilier travail et vie privée.
Jorn Claes (Retail Lottery Shop Coordinator à la Loterie Nationale): “J’ai moi aussi joué de chance. J'ai travaillé en tant qu'étudiant dans l'un des Lottery Shops de la Loterie Nationale. Lorsque j'ai décroché mon diplôme, un nouveau poste s'est libéré pour soutenir la gestion de ces boutiques. Le profil demandé correspondait à mon diplôme en sciences commerciales et, grâce à mon job d'étudiant, je connaissais déjà un peu l'entreprise. Cet élément a joué en ma faveur.”
En tant qu'employeur, quel défi représente le recrutement de jeunes diplômés?
Mireille Coudron (Human Capital Director chez Moore Belgium): “Nous devons déployer des efforts considérables pour recruter de jeunes talents, surtout si vous comparez cela aux résultats obtenus. Un exemple? Notre implication dans les initiatives d'employer branding a permis de recueillir plus de 1.800 CV l'année dernière. Parmi ceux-ci, nous avons retenu 420 candidats, nous les avons contactés individuellement et invités à participer à une procédure de sélection. Celle-ci s'est traduite par 47 recrutements, soit exactement le nombre que nous avions prévu. Nous parvenons donc à recruter de manière qualitative, mais nos recruteurs travaillent dur pour cela.”
Petra Vandendriessche (Head of HR à la Loterie Nationale): “Nous ne travaillons pas avec des objectifs ou une liste de contrôle stricte. La recherche de la perle rare, c'est-à-dire de la personne qui possède exactement l'expérience et les compétences requises, c’est du passé! Ces derniers temps, nous avons placé l'accent sur les stages. Ceux-ci nous offrent l’occasion d'entrer en contact avec des jeunes que nous pouvons former. Les bonnes expériences avec les stagiaires débouchent de plus en plus souvent sur un recrutement permanent. Pour nous, les stages sont aussi un moyen de recruter.”
Ans De Vos (professeure - chaire SD Worx Carrières durables à l'Antwerp Management School): “Les employeurs doivent plus que jamais remettre en question leurs méthodes de recrutement. Au lieu de rechercher le candidat doté de l'expérience la plus adaptée, les entreprises doivent se concentrer davantage sur l'essence même d'une fonction. Qu'est-ce qu'une personne doit être capable de faire a minima pour commencer à travailler, pour accomplir l'essentiel du travail? Et par quels processus de développement et d'apprentissage l'entreprise pourra-t-elle continuer à ‘façonner’ cette personne? Si vous clarifiez cette approche dès la rédaction de l'offre d'emploi, vous augmentez les chances d'attirer les bons profils.”
Qu'en est-il des compétences de la génération actuelle de jeunes diplômés en matière de recherche d’emploi?
Nous visons à créer une relation d'égal à égal entre les candidats et notre entreprise dès le premier contact.
Mireille Coudron: “Les candidats savent beaucoup mieux ce qu'ils veulent et s'expriment plus clairement. Auparavant, c'était surtout l'employeur qui posait des questions formelles. Désormais, un dialogue organique s'ouvre entre le recruteur et le candidat. Les candidats sont souvent très bien préparés. Nous n'avons pratiquement plus besoin de leur expliquer le cœur de métier de notre entreprise.”
De nos jours, les informations disponibles en ligne sur chaque candidat sont nombreuses. Les consultez-vous? Ce contenu est-il déterminant?
Petra Vandendriessche: “Parfois. Par exemple si nous constatons des incohérences lors de l'entretien ou si notre intuition nous alerte de quelque chose. Un coup d'œil sur LinkedIn, Facebook et autres peut alors dissiper ou renforcer nos doutes. Mais nous ne procédons pas à une vérification systématique.”
Ans De Vos: “À ma connaissance, le contenu en ligne ne fait pas partie intégrante du processus de sélection de la plupart des employeurs. À une époque où les informations numériques sont disponibles en masse, tant sur les candidats que sur les entreprises, le contact humain est plus crucial que jamais. L'intuition ne doit pas être sous-estimée: le courant doit avant tout passer entre l'employeur et le candidat.”
Avez-vous présélectionné votre employeur actuel sur le Net? Et êtes-vous attentif à ce que vous publiez en ligne?
Jorn Claes: “Il est certes intéressant de faire des recherches sur un employeur potentiel; pour autant, cela ne doit pas devenir une étude poussée. Comme le dit Ans, je pense qu'il est important pour l'employeur d’avoir l’occasion de se présenter lui-même lors d'un premier contact personnel. J'accorde beaucoup plus de poids à ce contact humain qu'à ce que je peux trouver sur l'employeur en ligne. Je suis moi-même conscient que ce que je publie sur les médias sociaux est visible, c'est pourquoi j'y suis attentif.”
Je n'ai pas vraiment besoin de télétravailler pour le moment. J'aime aller au bureau pour rencontrer mes collègues et mes clients.
Camille Houtave: “La cousine d'une amie travaille chez Moore depuis quelques années. Elle m'a spontanément raconté des anecdotes positives en pagaille sur l'entreprise, c’est ainsi qu’elle a éveillé mon intérêt. J'ai ensuite consulté le site Web de Moore et j'ai cliqué sur les offres d'emploi: voilà comment j'ai sélectionné mon employeur… Je ne suis pas très active sur les médias sociaux et je ne poste certainement pas de photos ou de textes compromettants (rires).”
Qu'est-ce qui vous a convaincu(e) de choisir cet employeur?
Camille Houtave: “Outre le contenu de la fonction, la culture et les valeurs de Moore m'ont vraiment séduite. La dynamique de l'entreprise est ouverte; tout le monde est accessible, l'ambiance est familiale, il n'y a pas de compétition. Ces éléments sont apparus clairement dès l'entretien d'embauche.”
Jorn Claes: “Le poste que j'occupe a été créé récemment, ce qui me donne la liberté de contribuer à le façonner. Cet aspect m'a tout de suite attiré. Je trouve également que le contact avec les autres départements est un enrichissement pour ce début de carrière. Cela me permet de découvrir progressivement mes points forts et mes ambitions, et d'avoir une vision claire de mes possibilités d'évolution.”
Les employeurs ont-ils modifié leur approche des aptitudes et des compétences?
Ans De Vos: “Dans la mesure où la demande est supérieure à l'offre sur le marché du travail, les entreprises y sont certainement incitées. Dans de nombreux emplois, le potentiel de développement des candidats compte plus que les compétences qu’ils possèdent lors de leur arrivée. Les employeurs ont tout intérêt à sélectionner rigoureusement les candidats sur deux ou trois compétences indispensables, et à affiner ou développer le reste par la formation. Cela n'implique pas que les employeurs placent la barre plus bas, ceci dit, mais qu'ils envisagent le recrutement différemment. Car les candidats qui répondent à une liste de compétences prédéfinies sont introuvables, et les fonctions changent à la vitesse de l'éclair. Après le recrutement, le poste évoluant de plus en plus vite, les compétences doivent de toute façon être adaptées.”
Mireille Coudron: “Cette évolution est en effet déterminante. Chez Moore, nous en tenons compte dès le premier contact. Et puis, il doit y avoir une adéquation optimale entre le candidat, notre entreprise et l'équipe dans laquelle les personnes sont intégrées. Nous sommes une entreprise à l’esprit collégial: a company of companions. Nous recherchons des personnes qui pensent, agissent et ressentent les choses avec enthousiasme. Les personnes réfléchissent-elles de manière critique aux améliorations possibles? À leur travail? Comment gèrent-elles les rapports humains? Ces éléments concrets sont sondés lors de la procédure de sélection.”
La recherche de la perle rare, c'est-à-dire de la personne qui possède exactement l'expérience et les compétences requises, c’est du passé!
Petra Vandendriessche: “Nous recherchons avant tout la bonne attitude. C'est indispensable dans notre hiérarchie horizontale. Nous encourageons les personnes à saisir les occasions qui font que leur travail peut évoluer avec le monde qui nous entoure. Nos politiques RH sont elles aussi orientées dans ce sens. Outre les moments d'évaluation formelle, nous utilisons le retour d'information continu, le CoFee (continuous feedback, NDLR). Nous encourageons de cette façon les collègues à entamer un dialogue ouvert autour d'une tasse de café. Tous les sujets peuvent ainsi être abordés de manière constructive avec les autres employés et les responsables.”
Du fait de cette course aux talents, on affirme souvent que le candidat est aux commandes sur le marché de l'emploi. Comment vivez-vous cette situation?
Camille Houtave: “Cette affirmation est un peu excessive à mes yeux. Même si, pendant le processus de candidature, j'ai senti que Moore avait besoin de personnes supplémentaires. L'entreprise se développe rapidement, de nouveaux bureaux et employés s'ajoutent chaque mois… Effectivement, c'est moi qui gère ma carrière. Les occasions d'apprendre et de progresser sont nombreuses.”
Jorn Claes: “À peine débarqué sur le marché de l'emploi, on s'aperçoit que la demande de jeunes talents est soutenue, c'est vrai. Cette sensation qu'on a besoin de vous est plutôt agréable! Pour autant, je n'ai pas l'impression d'être réellement aux commandes. C'est toujours l'employeur qui décide de qui est embauché, et en fonction de quels critères.”
Mireille Coudron: “Nous visons à créer une relation d'égal à égal entre les candidats et notre entreprise dès le premier contact, de manière à ce que les attentes mutuelles demeurent réalistes. Cette approche fonctionne parce que nous n'attirons pas des candidats qui auraient des exigences très élevées et qui souhaiteraient profiter de leur position sur le marché du travail. La négociation est envisageable dans une certaine mesure, mais nous sommes de toute façon liés par nos cadres, surtout avec les débutants.”
Tout le monde évoque l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, la flexibilité, le bien-être et le télétravail. Quelle importance ces dimensions ont-elles pour vous?
Camille Houtave: “Ces éléments sont importants, assurément. Même si je n'ai pas vraiment besoin de télétravailler pour le moment. J'aime aller au bureau pour rencontrer mes collègues et mes clients. Pour autant, je sais que le télétravail est possible, et c'est rassurant.”
Jorn Claes: “Le bien-être et l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée sont des dimensions de plus en plus incontournables. Dans le passé, pour de nombreuses personnes, le travail passait avant tout. Aujourd'hui, la plupart des gens cherchent à concilier travail et vie privée. C'est pourquoi la flexibilité est indispensable.”
Petra Vandendriessche: “Depuis 2016, nous travaillons sur une politique RH fondée sur la théorie de l’autodétermination, qui a vocation à stimuler la motivation intrinsèque de nos employés. Cela s'est traduit par la définition d'un cadre clair dans lequel ils peuvent décider eux-mêmes – en concertation avec leur équipe – quand et combien de temps ils travaillent.”
Mireille Coudron: “Je reste prudente face aux tendances. Certes, l'employeur doit prêter attention à ses employés, mais cette attention a ses limites. Mobiliser les employés pour participer à des cours de yoga, mettre à disposition une installation sportive dans l'entreprise? Je ne crois pas à ces initiatives. On ne peut exiger des employés qu'ils participent à des activités en dehors des heures de travail, car l'équilibre s'en trouverait menacé.”
Si un emploi n'offre pas suffisamment d'autonomie et de responsabilités, les apéros après le travail et les fruits frais quotidiens ne régleront pas les problèmes à la racine.
Ans De Vos: “Depuis la crise sanitaire, le nombre d'entreprises qui ont défini une politique de bien-être a fortement augmenté. C'est une bonne chose, mais elles doivent veiller à ne pas prendre d'initiatives en parallèle ou en dehors du travail, comme le dit Mireille. Si un emploi n'offre pas suffisamment d'autonomie et de responsabilités, les apéros après le travail, les fruits frais quotidiens et les courses à pied en équipe ne régleront pas les problèmes à la racine.”
“La vue d'ensemble, voilà ce qui compte avant tout. Nous passons déjà une partie de nos vies à travailler pour une entreprise. Or, ce temps, il faut pouvoir le passer dans les meilleures conditions possible. À cet égard, les études démontrent que les possibilités de croissance et d'apprentissage sont des facteurs de rétention plus importants que le salaire. Ce dernier, d'ailleurs, peut renforcer la rétention de manière négative: il peut devenir une cage dorée dont les individus ne parviennent pas à sortir, même si leur vie professionnelle ne les satisfait pas.”
“Les employeurs doivent l'expliquer clairement aux jeunes employés: voici ce que signifie le développement chez nous, la vitesse à laquelle votre carrière peut évoluer, la façon dont nous envisageons le coaching sur le lieu de travail… Le dialogue doit être engagé autour de ces sujets, car le développement de carrière n'est pas une feuille de route unilatérale.”
Une dernière question pour les jeunes talents. Votre premier emploi sera-t-il un feu de paille ou une relation de long terme?
Camille Houtave: “Pour ma part, j’aspire à apprendre et à bénéficier d’opportunités de développement personnel et professionnel. Dans la mesure où tout cela est possible chez Moore, je me vois bien y rester un certain temps.”
Jorn Claes: “Je travaille dans une entreprise stable et chaleureuse, où j'ai beaucoup de liberté et où je suis bien encadré par des managers qui écoutent mes souhaits et suggestions. Je n'ai pas l'intention de partir de sitôt.”