L'évolution fulgurante vers une médecine de précision innovante accroît la pression sur l'industrie pharmaceutique, les hôpitaux et les associations de patients pour accélérer le flux d'informations sur les essais cliniques en direction des patients. Mitchell Silva, CEO de Patient Centrics - Esperity, et Nathalie Lambot, Public Health & Clinical Trials Advisor chez pharma.be, sont sur la même longueur d'onde à cet égard: “Ce type d'information doit être plus facilement accessible pour les patients.”
Quels sont les principaux points sensibles dans le flux d'informations sur les essais cliniques?
Nathalie Lambot: Nous avons besoin d'informations très claires, accessibles et de préférence centralisées sur tous les essais cliniques en cours dans notre pays. Beaucoup d’informations sont déjà disponibles au niveau européen – via une base de données officielle qui donne un aperçu de tous les essais cliniques approuvés – mais elles sont en anglais et, bien sûr, très étendues. Pour certains patients belges, c'est très compliqué à déchiffrer.
“Nous avons besoin d’informations très claires, accessibles et de préférence centralisées sur tous les essais cliniques”
Mitchell Silva: L'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé, l’AFMPS, dispose elle aussi d'une base de données, mais celle-ci se limite aux essais cliniques réalisés dans le pays de résidence. Or, pour les personnes atteintes d'une maladie rare, il peut être intéressant de découvrir l'existence d'un essai clinique de l'autre côté de la frontière, auquel elles peuvent participer. En outre, il me semble que l'accessibilité pour les patients est un gros problème: tous les patients ne trouvent pas forcément ces études en ligne, ou ne comprennent pas le jargon.
Comment améliorer cette situation?
Mitchell Silva: Nous sommes en train de construire un portail qui rassemble toutes les informations sur les études en Belgique et à l'étranger, et les propose ensuite en français et en néerlandais. Pour ce faire, il faut d'abord vérifier soigneusement quelles informations peuvent être mises en ligne, car il existe de nombreuses règles à ce sujet. Aujourd'hui, on observe une grande fragmentation de l'information, notamment par l'implication de toutes sortes d'entreprises, d'associations de patients et autres portails hospitaliers. Dans un scénario idéal, ces organisations pourraient relayer les informations de notre portail sur leur propre site Web.
Pourquoi les patients veulent-ils des informations sur les essais cliniques?
Mitchell Silva: Certaines personnes veulent participer à des études par pur altruisme; dans d'autres cas, il s'agit de patients ayant un besoin médical particulier. Par exemple, ils souffrent d'une maladie rare pour laquelle il n'existe pas encore de médicament, ou le médicament qu'ils prennent actuellement provoque trop d'effets secondaires ou s’avère insuffisant. Nous pensons que les essais cliniques, s'ils sont médicalement justifiés, devraient devenir une option thérapeutique à part entière. Les médecins doivent toujours rester le point de contact pour les patients cherchant à obtenir davantage d'informations sur les études, bien entendu. Mais le portail peut aider les personnes manifestant un besoin médical à poser des questions.
Qui devrait centraliser et contrôler toutes ces informations? Les études cliniques peuvent être organisées par des entreprises pharmaceutiques mais aussi par des hôpitaux ou des instituts de recherche…
Nathalie Lambot: C'est en effet un paramètre essentiel. Nous avons besoin d'une source officielle unique qui relaie toutes les informations approuvées aux parties prenantes – des associations de patients aux hôpitaux – en s'appuyant par exemple sur la base de données de l'Agence européenne des médicaments, l’EMA. Toutefois, cette dernière se limite aux informations sur les essais de médicaments. Les essais techniques, notamment de dispositifs médicaux, ne figurent pas dans sa base de données.
Mitchell Silva: C'est vrai, alors même que ces dispositifs médicaux peuvent avoir un impact très important sur la qualité de vie d'une personne. Les études menées par des chercheurs individuels passent aussi parfois entre les mailles du filet. Par ailleurs, avec notre nouveau portail, nous visons principalement une convivialité accrue. Et nous voulons travailler en étroite collaboration avec l'industrie, les patients et le monde universitaire pour y parvenir.
Enfin, nous devons éviter la discrimination en matière d'informations: une personne traitée pour une maladie rare dans un petit hôpital régional devrait être aussi bien informée des études potentiellement intéressantes qu'un patient traité dans un centre de référence pour cette maladie.
Nathalie Lambot: Du côté de l'industrie, nous soutenons pleinement ce site portail. Il peut offrir une grande valeur ajoutée, pour les patients comme pour les médecins, d’ailleurs. De cette façon, ceux-ci disposeraient toujours des dernières informations, et nous évitons effectivement d'être confrontés à une situation où seuls les patients d'un centre de référence sont informés à temps. Les médecins ne sont pas toujours bien informés eux non plus!
Quand ce nouveau portail sera-t-il mis en ligne?
Mitchell Silva: En octobre, nous lancerons la version de base pour les patients sous le nom de clinicaltrial.be. Puis il sera progressivement étendu.