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Le potentiel inexploité des données de santé dans le système belge

Giovanni Briganti, Université de Mons ©Marco Mertens

La digitalisation des données en matière de santé se poursuit mais les systèmes sont encore trop peu harmonisés et des informations essentielles ne sont ainsi pas partagées. “Je suis plutôt optimiste”, confie néanmoins Giovanni Briganti, Associate Professor et titulaire de la chaire en intelligence artificielle et médecine digitale à l’Université de Mons. “Il faut absolument élargir et optimiser l’écosystème actuel.”

La plupart des acteurs du secteur des soins de santé disposent de systèmes digitaux internes relativement performants, ce qui se traduit notamment par l’intégration des dossiers des patients dans les hôpitaux. Exploitons-nous suffisamment cette source potentielle d’informations, ou avons-nous encore du chemin à parcourir en la matière?

Giovanni Briganti: “La réponse à cette question est assez complexe, précisément parce qu’il existe de nombreux systèmes différents. Par exemple, les dossiers digitaux des patients des hôpitaux sont déjà utilisés de manière intensive pour améliorer les soins individuels, mais les données disponibles restent trop rarement exploitées pour accroître la qualité globale des soins dans les hôpitaux et au-delà.”

Quel est le principal problème?

“Nos hôpitaux sont sous pression depuis des années pour accélérer la digitalisation des dossiers des patients et adapter leur organisation interne en conséquence. C’est bien entendu une bonne chose. Mais la plupart ne disposent pas de l’expertise nécessaire pour analyser et utiliser ces données. Nous manquons également de partenariats stratégiques entre les hôpitaux et les autres composantes de la quintuple hélice, dont le secteur pharmaceutique. Résultat: les données sont sous-exploitées. Je constate par ailleurs que nos hôpitaux peinent à attirer des informaticiens capables de remédier à ce problème de données. Last but not least, la mise en œuvre de la technologie digitale dans les soins de santé demeure insuffisamment remboursée. Par conséquent, les hôpitaux hésitent à investir massivement dans ce domaine.”

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Les médecins généralistes disposent eux aussi de montagnes de données sur leurs patients. Qu’en est-il?

“C’est tout à fait vrai, et nous avons tendance à perdre de vue ce potentiel. En règle générale, les généralistes n’ont ni le temps ni les moyens de s’occuper de ces données. Ils travaillent souvent seuls et ne reçoivent aucune aide. Il faut donc stimuler la collaboration avec la première ligne pour l’usage des données à la fois primaire et secondaire.”

Je suis fermement convaincu que la Belgique peut être pionnière en matière de technologie digitale médicale.

Giovanni Briganti
Université de Mons

La Belgique est-elle en retard sur ce plan, ou notre situation est-elle comparable à celle du reste de l’Europe?

“Je pense que notre pays se situe dans le peloton de tête européen. Dans d’autres pays de l’Europe, il est beaucoup plus difficile pour un hôpital d’avoir accès aux données des autres hôpitaux. La Belgique est, dans de nombreux domaines, considérée comme un pays idéal pour tester de nouvelles choses, entre autres grâce à notre petite taille. Chez nous, les médecins accèdent aisément aux données des hôpitaux. Le problème se situe plutôt dans l’utilisation secondaire de ces données, par exemple pour un entrepreneur qui tente de développer des techniques de traitement innovantes à partir des data. On voit cependant que les choses commencent à bouger çà et là.”

“Je suis fermement convaincu que nous pouvons être pionniers dans la technologie digitale médicale. Aujourd’hui, nous devons surtout élargir et optimiser notre écosystème. C’est une question de temps et de vision de long terme. Nous ne devons pas non plus perdre de vue le rôle des citoyens. Ils ne sont pas suffisamment motivés à mettre leurs données médicales à la disposition du corps médical. À terme, ils devraient pouvoir obtenir quelque chose en échange. Les données sur votre santé que vous rassemblez tous les jours via votre smartphone ont une valeur, mais cette idée ne s’est pas encore imposée. Nous devons évoluer vers une forme de ‘sécurité sociale parallèle’, capable d’aider à financer le développement de meilleurs traitements et médicaments. C’est notamment possible en accordant une valeur aux données de santé.”

Combien de temps faudra-t-il avant de pouvoir utiliser ces données de manière optimale et améliorer ainsi les soins de santé?

“Je suis plutôt optimiste. Il existe une marge d’amélioration majeure au niveau des médecins et du secteur pharmaceutique-même. À l’heure actuelle, ce dernier fonctionne surtout comme un généreux pourvoyeur de fonds, par exemple en finançant les hôpitaux pour mener des recherches en utilisant des outils digitaux. Le retour sur investissement reste trop limité mais, à terme, j’y vois un important potentiel.”

Karen Crabbé Economic & Health Data Advisor, pharma.be  ©Marco Mertens
Karen Crabbé Economic & Health Data Advisor, pharma.be ©Marco Mertens
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“Nous devons avant tout gagner la confiance des patients”

“Nous constatons que les hôpitaux ne disposent pas du soutien nécessaire pour se digitaliser, que ce soit sur le plan informatique, financier ou de la définition des priorités”, confie Karen Crabbé, Economic & Health Data Advisor auprès de la fédération sectorielle pharma.be. “C’est ce qui explique en partie pourquoi ils font encore trop souvent appel à des applications logicielles ad hoc. Cette situation est et reste un obstacle important à la poursuite de la digitalisation du secteur. Bien entendu, la question de la confiance des patients est tout aussi importante: ceux-ci veulent avoir la certitude que les données sensibles concernant leur santé sont entre de bonnes mains, y compris lorsqu’elles sont réutilisées, par exemple par les sociétés pharmaceutiques.” Selon les recherches menées par pharma.be, la très stricte législation européenne sur la protection des données personnelles (RGPD) s’applique presque toujours lorsqu’il s’agit du traitement et de l’utilisation des données de santé. “Ces données sont donc bel et bien en sécurité”, poursuit Karen Crabbé. “Il faut maintenant que toutes les parties prenantes – des médecins aux hôpitaux en passant par les groupes pharmaceutiques – s’accordent sur la façon d’interpréter et d’appliquer cette législation. Les patients doivent également être mieux informés dès le début d’un traitement ou d’une visite chez leur médecin, par exemple via le site web de l’hôpital ou dans la salle d’attente. Voilà qui devrait contribuer à améliorer la transparence à l’égard des citoyens et des patients.”

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