Vision par Philippe De Backer – investisseur biotech et ancien ministre
La médecine personnalisée et de précision, voilà à mes yeux l’avenir. Et nous avons déjà franchi plusieurs étapes sur cette voie. Grâce aux thérapies cellulaires et géniques, les chercheurs accomplissent d’immenses progrès, par exemple dans le traitement du cancer. Dans ce contexte, les données de vie réelle (Real World Data, RWD), les Big Data et l'intelligence artificielle (IA) jouent un rôle crucial. La Belgique dispose d'un écosystème fantastique dans le domaine de la biotechnologie et de la pharmacie, qui lui permet de s'engager pleinement dans le développement de nouvelles plateformes, des découvertes et la production de thérapies et de diagnostics innovants.
Les entreprises biotech et pharma innovent à un rythme effréné. Et cette évolution repose chaque jour un peu plus sur les données. Dans la découverte de nouvelles molécules, de nouvelles cibles et la conception rationnelle de médicaments (rational drug design). Mais aussi dans les études cliniques, qui recourent de plus en plus aux RWD issues des dossiers électroniques des patients, et aux données que les patients fournissent eux-mêmes via des outils numériques tels que des apps, d'objets connectés qui peuvent être portés et d’autres dispositifs encore. Ces analyses des Big Data aboutissent souvent à des conclusions surprenantes et parfois contre-intuitives. Mais elles permettent également de vérifier beaucoup plus facilement l'effet de certains médicaments, au bénéfice tant des entreprises que des patients et des pouvoirs publics.
Du fait précisément que les données jouent un rôle désormais central dans la recherche et le développement – et que les données sur la santé sont éminemment sensibles et hautement personnelles –, nous avons besoin de transparence et de règles claires. Avec la législation européenne RGPD, vos données sont bien protégées. En outre, le RGPD facilite considérablement l'échange de données. Cela prouve qu’une loi solide sur la protection de la vie privée ne freine pas nécessairement la recherche. Au contraire, un cadre juridique robuste renforce la confiance. Si le public a la certitude que l'utilisation des données est parfaitement encadrée, il est plus enclin à collaborer à des études cliniques ou à fournir des données sur sa santé.
“ Une législation solide en matière de protection de la vie privée ne freine pas la recherche. Au contraire.”
L'Europe dispose à ce jour de la meilleure protection des données. Reste à savoir comment apporter de l’oxygène à tout cet écosystème de chercheurs et d'entreprises de biotechnologie, de jeunes pousses et de valeurs sûres… Comment maintenir notre avance sur le reste du monde?
L'Europe doit soutenir et alimenter encore plus activement la recherche fondamentale. Ce faisant, il conviendra de donner la priorité à de nouveaux secteurs tels que la thérapie cellulaire 2.0, la thérapie génique, la médecine de précision et l'IA appliquée à la découverte de médicaments. Cette science de haut niveau devra trouver des applications pour les patients. Dans ce cadre, un financement adéquat est indispensable. Les investisseurs en capital-risque doivent donc réfléchir et œuvrer à l'échelle internationale, et jeter des ponts vers l'Asie et les États-Unis. Nous avons besoin de personnes capables de prendre des risques, de gérer et de guider des entreprises sur une longue période vers la croissance et des résultats pour le patient. Cet objectif exige par ailleurs la création de fonds plus importants, aptes à soutenir les entreprises européennes plus longtemps.
L'Europe peut contribuer à réduire la fragmentation dont souffrent l'approbation, le lancement et le remboursement des médicaments. Cela permettrait de réaliser d’immenses économies d'échelle et d'accélérer l'accès des patients aux nouveaux médicaments. Mais pour cela, toutes les parties prenantes – centres de recherche, investisseurs, entreprises biotech, entreprises pharmaceutiques et pouvoirs publics – doivent collaborer encore plus étroitement. Dans l'intérêt du patient.