La création d’une entreprise durable commence par la passion réaliser un idéal; la rentabilité ne vient qu’en seconde position. Voilà la philosophie de Redopapers, une start-up anversoise qui fabrique et vend des produits artisanaux originaux, réalisés à partir des déchets de papier des imprimeries.
En 2015, les graphistes Tille Lingier et Linde Luyten, 23 ans à l’époque, ont lancé leur entreprise, Redopapers. Leur modèle opérationnel? Récolter les excédents et les déchets de papier des imprimeries et les retravailler de manière artisanale pour en faire des produits de papeterie design comme des blocs-notes, des calendriers et autres accessoires. Ces produits sont commercialisés via leur webshop et une vingtaine de magasins en Flandre et aux Pays-Bas. "Notre projet s’est développé de manière très organique", explique Tille Lingier. "Tout a commencé par un magasin pop-up à Anvers, où nous avons testé notre idée pendant deux mois pour voir s’il était viable. Notre collection à l’époque: des plannings hebdomadaires et des to-do-lists réalisés à partir de papier récolté dans les centres de photocopies."
"Assez rapidement, plusieurs magasins locaux nous ont demandé s’ils pouvaient vendre nos produits", poursuit la cofondatrice, Linde Luyten. "Et en même temps, plusieurs organisations et entreprises nous ont proposé d’utiliser leurs excédents de papier. Ce fut notre point de départ. En à peine dix-huit mois, nous avons évolué d’un hobby artisanal à une véritable entreprise, où nous travaillons toutes les deux à temps plein depuis l’an dernier."
Entreprise et écologie
"Les matières premières utilisées par Redopapers combinent des avantages écologiques et économiques", poursuit Tille Lingier. "Ce qui compte le plus pour nous? Réduire la montagne de déchets de papier. Par ailleurs, les entreprises participantes économisent du temps et de l’argent en réduisant les coûts d’évacuation ou de destruction de ces surplus. Nous transformons ces matériaux gratuits en produits commercialisables."
"La durabilité occupe également une place importante dans notre processus de fabrication. Par exemple, notre atelier est équipé de matériel de récupération et de meubles de seconde main. En effet, une partie de notre mission consiste à sensibiliser et à inspirer d’autres acteurs: entreprendre quelque-chose de créatif avec les surplus et les déchets des entreprises. Aujourd’hui, des tonnes de matières premières réutilisables aboutissent encore dans les décharges."
L’envie d’inspirer les autres est également à l’origine des ateliers que Redopapers organise régulièrement. "Vous pouvez, par exemple, apprendre à relier des livres", explique Tille Lingier. "Les formations classiques sur les techniques de reliure sont souvent complexes et peu accessibles. Chez nous, en quatre heures, les participants apprennent à maîtriser les techniques de base. Ils utilisent leurs propres outils – de leur maison, jardin ou cuisine – et le papier est fourni par Redopapers. Nous acceptons une vingtaine de participants en moyenne par session. Parfois, nous limitons volontairement la taille du groupe. Les gens repartent avec une nouvelle vision écologique du cycle de vie des matériaux résiduels."
Engagement sociétal
La protection de l’environnement et l’engagement sociétal constituent le fil conducteur de Redopapers. "Nous avons la volonté de maintenir notre production au niveau local", souligne Tille Lingier. "Cela réduit le transport: c’est moins polluant et plus économique. Les livraisons aux magasins d’Anvers et de sa région se font en vélo. Nous croyons également aux emplois sociaux. La plupart des personnes qui viennent donner un coup de main dans notre atelier sont des étudiants de l’enseignement spécial. Nous leurs proposons une expérience professionnelle utile. A partir de l’an prochain, nous aimerions également offrir à quelques jeunes diplômés de ces écoles un contrat fixe d’un ou plusieurs jours par semaine. En octobre, nous déménagerons dans un atelier plus grand. Nous continuons à nous développer."
Redopapers collabore également avec les organisations qui souhaitent recycler elles-mêmes leurs surplus de papier. La start-up a aussi conclu des partenariats avec notamment Oxfam, Broederlijk Delen (Partage solidaire), le Musée d’art contemporain et la Steinerschool d’Anvers.
"Dans les centres culturels et les musées, nous récupérons le plus souvent les catalogues et les affiches de la saison précédente", explique Tille Lingier. "D’autres entreprises se retrouvent avec des surplus de papier après avoir changé de logo ou de style graphique, par exemple. Selon les souhaits des clients, nous intégrons ce papier dans de nouveaux produits comme des cadeaux d’affaires, des blocs-notes pour le personnel, etc."
Déchets inspirants
"Le traitement des déchets de papier est aussi une source d’inspiration", explique Linde Luyten. "Nous sélectionnons personnellement le papier utilisé. C’est un processus long et difficile. Nous combinons des papiers de différentes épaisseurs, dimensions et structures, avant de les transformer en produit fini, dans un format nouveau et uniforme. Cela nous sert aussi de source d’inspiration. Ainsi, en combinant du papier imprimé avec des feuilles blanches, nous créons des nouveaux designs intéressants. Par exemple, nous découpons des affiches de façon à créer des sujets abstraits de manière aléatoire. Cela peut être très beau comme couverture de livre, par exemple."
"Pour le moment, nous faisons la collecte de papier avec notre voiture", explique Tille Lingier. "Après une visite à une imprimerie, nous repartons souvent avec une demi-tonne de papier. L’an dernier, nous avons transformé plus de cinq tonnes de papier en nouveaux produits."
"Nous aimerions doubler ce chiffre l’an prochain. Les imprimeries jettent tous les jours des tonnes de papier. Pour l’instant, nous ne sommes pas encore suffisamment grands pour avoir un réel impact. Notre ambition? Arriver au point où nous ferons vraiment la différence. Nous aimerions augmenter le nombre d’imprimeries et d’entreprises avec qui nous collaborons", conclut Tille Lingier.