La numérisation est en plein essor au sein des entreprises. Pourtant, de nombreux indépendants et chefs d’entreprises continuent à déposer chaque trimestre des classeurs remplis de factures et de souches TVA chez leur comptable alors que, même s’ils sont minoritaires, les bureaux de comptabilité qui jouent la carte du numérique existent, même si cela exige des investissements lourds.
Mon3aan (prononcez Mondriaan) est le nom d’une start-up d’expertise comptable basée à Gavere qui revendique 95% de clients servis sous forme numérique. L’entreprise, une dizaine de collaborateurs, est née d’un ‘management buy out’ (MBO) du bureau d’expertise comptable et de consultance Moore Stephens. "Notre bureau devait gagner en flexibilité et en vitesse de réaction. La numérisation occupe une place centrale dans cette stratégie", explique Günther Van Gysegem, fondateur de Mon3aan.
Au contraire de nombreuses entreprises et d’autres bureaux de comptabilité, Mon3aan n’a donc pas subi de transformation numérique vu qu’il a été créé pour le numérique: il est animé d’un esprit novateur, comme le célèbre peintre à qui il a “emprunté” le nom.
Le train du numérique
Un bureau de comptabilité classique et un bureau de comptabilité numérique, comme le revendique Mon3aan, n’ont pas grand-chose en commun. "La grande différence c’est que nous avons construit notre propre plateforme numérique. Nous avons associé une série de solutions logicielles existantes", explique Günther Van Gysegem.
Cela permet aux clients de scanner leurs documents via la plateforme et de les y déposer, notamment pour la déclaration TVA à rentrer chaque trimestre ou chaque mois. "Les clients peuvent scanner leurs factures d’achat et nous les envoyer ensuite. Ils peuvent aussi scanner et envoyer par e-mail leurs souches TVA. Nous leur proposons un logiciel spécifique qui les photographie. Du point de vue des coûts, c’est une simplification considérable", affirme le fondateur.
"Nous sommes déjà numérisés à 100%."
La numérisation s’étend à d’autres activités. "Les fichiers coda sont livrés automatiquement chaque jour: aucun extrait de compte n’est plus nécessaire. En outre, nous offrons à nos clients la possibilité de créer leurs factures de vente sur notre plateforme et de les envoyer sous forme numérique."
Le progiciel de comptabilité est au cœur de la plateforme. "Nous utilisons Exact online, une solution de comptabilité qui permet d’y associer d’autres applications. Parmi celles-ci, citons Lightspeed (un système de caisse pour l’horeca) et Teamleader (une application de gestion des clients (CRM) et de planification de projets en ligne). Une autre de nos applications est Xpenditure, un logiciel qui permet d’introduire des notes de frais", explique-t-il. "Nous essayons de répondre aux attentes en la matière."
Cela permet au client d’effectuer lui-même le travail préparatoire, notamment le scannage et le chargement des documents comme les factures et les souches TVA. Des tâches qui sont encore souvent accomplies par le bureau comptable. "Tous ne sont pas prêts à accomplir ce travail aujourd’hui, mais la plupart le font, ce qui recentre nos tâches sur le conseil et le contrôle de ce qui a été saisi." En matière de comptabilité, 95% des clients travaillent de manière purement numérique. L’objectif est d’inciter les 5% restants, dont ceux qui tiennent leur comptabilité interne, à prendre le train du numérique.
Et la législation?
La législation autorise-t-elle un bureau comptable à travailler de manière entièrement numérique? "Bonne question", répond Günther Van Gysegem. "Nous nous heurtons toujours à des barrières parce que le législateur n’est pas encore totalement entré dans l’ère du numérique", reconnaît-il.
"95% de nos clients travaillent de manière purement numérique en matière de comptabilité."
Aujourd’hui, pour certaines facettes de la comptabilité, le fisc accepte déjà la variante numérique. "C’est le cas pour l’introduction de souches TVA via le logiciel Xpenditure. Après scannage et envoi, vous pouvez jeter vos souches papier et ne conserver que leur version numérique dans le cloud. Le fournisseur de logiciel a demandé un ruling TVA qui l’a confirmé", explique-t-il. Les factures de vente ne sont pas non plus un problème. Le logiciel de comptabilité doit être reconnu par le fisc. "L’une des conditions est, par exemple, qu’il doit être impossible de modifier une facture de vente après son envoi", explique le comptable.
Malheureusement, certains éléments ne sont pas encore acceptés sous format numérique. "Pour les factures d’achat, c’est un peu plus compliqué. Vous devez les conserver sept ans et les avoir à disposition en cas de contrôle, sous forme numérique et papier. Une directive qui, selon moi, n’est plus vraiment de ce temps", regrette le fondateur de Mon3aan.
Un investissement lourd
Günther Van Gysegem en est (évidemment) convaincu. "La numérisation est un avantage pour nos clients. De simples comptables, nous devenons des conseillers. Nous avons l’ambition de faire du conseil d’entreprise notre cœur d’activité via trois piliers: numérisation automatisée, conseils et fiscalité."
Pourtant, le développement d’une plateforme numérique exige de lourds investissements. "Les premiers mois ont été difficiles. Nous avons dû investir et les coûts liés aux logiciels représentent un ETP (équivalent temps plein), ce qui est énorme pour un bureau de dix salariés. Les logiciels sont chers, surtout au début, parce que tout ne fonctionne pas encore parfaitement et, qu’en parallèle, il fallait continuer à traiter les dossiers de comptabilité classiques. Sur base des clients existants, nous avons heureusement pu enregistrer un chiffre d’affaires annuel de 500.000 euros. Nos efforts numériques l’ont depuis porté à 920.000 euros, ce qui est un résultat très appréciable."
"Nous essayons de faire passer à l’ère numérique le boulanger du coin."
Après l’investissement dans la plateforme et l’intégration des solutions logicielles, un bureau de comptabilité numérique doit également consentir d’importants investissements dans la formation du personnel, surtout dans les six premiers mois. Il doit aussi convaincre ses clients. "Si un client ne travaille pas encore sous forme numérique, nous procédons à une analyse de son entreprise et proposons des logiciels appropriés. La semaine dernière, un client m’a demandé d’intégrer à notre plateforme sa solution CRM. Un bureau de comptabilité est aussi un conseiller en technologie. Nous proposons ces services à des sociétés de taille moyenne, mais aussi à des petites entreprises. Nous essayons de faire passer à l’ère numérique le boulanger du coin."
L’avenir est numérique
Le numérique est l’avenir et Mon3aan est fier d’en être partie prenante. "Le métier de comptable est confronté à de nombreux défis. Le secteur commence seulement à en prendre conscience. Quand on observe les restructurations annoncées chez un financier comme ING, il est clair que nous n’échapperons pas à cette évolution", affirme-t-il.
"Le logiciel va supprimer les opérations de base, mais je suis sûr que je ne devrai licencier personne dans mon équipe. Nous sommes déjà numérisés à 100%. Par contre, ils sont nombreux à devoir encore franchir cette étape."