Des distributeurs automatiques aux chauffeurs de taxi, l’interconnexion gagne du terrain. À Bruxelles, les Taxis Verts ont connecté leurs chauffeurs à une application accessible au client. Ce n’est qu’un exemple d’un secteur en expansion.
"L’objectif n’est pas de parler tout le temps d’Uber", s’exclame en plein milieu de notre entretien Michel Pêtre, CEO de la compagnie de taxis bruxelloise Taxis Verts. Uber est manifestement un sujet sensible pour les chauffeurs de taxi comme pour le patron d’une des compagnies actives à Bruxelles. Le fait qu’Uber n’honore pas toutes les obligations légales, comme l’affirme Michel Pêtre, le choque profondément.
Mais le CEO souhaite d’abord et avant tout parler de sa compagnie et de sa technologie. Les Taxis Verts apportent une réponse à la "digital disruption" qui révolutionne son secteur. De plus, l’entreprise surfe sur la tendance de l’Internet des objets, une technologie qui intensifie la connexion entre êtres humains et machines.
Trafic
Depuis quelques mois, la bonne soixantaine de chauffeurs des Taxis Verts sont connectés à l’application de taxi eCab mise gratuitement à disposition des clients de la compagnie. À première vue, elle ressemble fort à l’application qui a fait le succès d’Uber, même si la technologie sous-jacente existait depuis longtemps.
Même si Proximus progresse, Mobistar reste leader dans notre pays en matière de communication M2M (machine to machine), l’un des principaux éléments de l’Internet des objets. Environ une carte SIM Mobistar sur cinq est installée dans une machine. Les utilisations sont très variées:
- Les pouvoirs publics. L’Agence flamande des routes et de la circulation (Vlaams Agentschap Wegen en Verkeer) utilise des cartes SIM dans ses panneaux dynamiques installés le long des autoroutes et dans les zones 30, spécialement près des écoles. Elles suivent également les risques d’inondation et le niveau des cours d’eau.
- Le secteur de la grande distribution est également un grand consommateur, notamment les terminaux de paiement sans fil d’Atos Worldline auxquels font appel de nombreux commerçants.
- Les distributeurs automatiques de boissons aussi font appel à cette technologie, ce qui permet à la société - Coca Cola - d’organiser leurs approvisionnement.
- D’autres distributeurs automatiques, comme les machines à café Nespresso professionnelles, sont également équipés d’une carte SIM, ce qui assure l’approvisionnement automatique et signale les réparations nécessaires.
- Le marché des biens de consommation est aussi un grand client de carte SIM pour machines. Le signaleur de radar Coyote en est un bon exemple.
"Nous avons toujours été très innovants en matière de technologie mobile et nous le sommes aussi pour nos clients", affirme Michel Pêtre. Car ce service et cette application constituent une amélioration significative pour les clients. Pour demander une voiture, il suffit de saisir la destination et de demander au programme de calculer un itinéraire sur base de la localisation du lieu de départ. Une fois le taxi demandé, on peut suivre en temps réel les déplacements du chauffeur à qui a été affectée la course. "Dès que vous avez commandé un taxi, l’emplacement de votre taxi est indiqué sur une carte", explique Michel Pêtre. "Grâce à cette application, le client voit comment évolue le trafic. Les problèmes de circulation et les arrêts en cours de route s’affichent à l’écran. C’est important pour un client qui attend."
Bientôt, l’application proposera une estimation du montant à payer pour la course. L’innovation se prolonge également dans le véhicule proprement dit: dans certains taxis, le client dispose d’une connexion WiFi.
Facture
La technologie offre des avantages tant au client qu’au fournisseur. Grâce à cette application, les Taxis Verts ont une meilleure idée de l’endroit où se trouvent leurs clients, ce qui permet à la compagnie de leur faire parvenir un taxi en 10 minutes. "Il est parfois possible de faire plus vite, parfois ça dure un peu plus longtemps - par exemple quand le trafic est très dense dans le centre-ville. Mais 10 minutes, c’est notre objectif", affirme Michel Pêtre.
En tout cas, une telle application est beaucoup plus efficace que héler un taxi dans la rue.
L’application contribue également à la numérisation. "Le client peut payer directement via l’application. Ensuite, il reçoit la facture par e-mail", explique Michel Pêtre. Un service apprécié, car la moitié des clients des Taxis Verts qui utilisent l’application sont des hommes d’affaires. En outre, il est également possible de payer la course avec une carte de paiement ou de crédit dans le taxi. "Chez nous, la caisse blanche est déjà en place", sourit Michel Pêtre.
Appréciations
Les services comme Uber - ou Airbnb et Booking.com - permettent aux clients d’évaluer le service directement après l’avoir utilisé. Aux Taxis Verts aussi, les chauffeurs sont en contact direct avec le feedback de leurs clients. En effet, grâce à l’application, le client évalue son chauffeur de taxi dès la fin de la course. "Cela n’a suscité aucune opposition de nos chauffeurs. Il faut dire que la toute grande majorité des évaluations sont positives", souligne Michel Pêtre.
L’application eCab n’a pas non plus bouleversé le fonctionnement de Taxis Verts. "Nous utilisions déjà un système similaire en interne: nous nous sommes contentés de l’ouvrir à nos clients. Il ne constitue donc pas une révolution dans la planification opérationnelle de notre flotte mais plutôt une évolution logique."
Secteur automobile
Le fait que Taxis Verts étaient déjà relativement bien connectés en interne n’est pas une surprise. Le secteur automobile est un des précurseurs de l’Internet des objets, l’interconnexion des machines. À partir du mois d’octobre 2015, toute voiture de série vendue dans notre pays devra être équipée d’un système e-call qui permet au véhicule de prendre automatiquement contact avec les services de secours en cas d’accident. D’ailleurs, une voiture contemporaine peut contenir plus de 10 connexions mobiles ou cartes SIM, notamment pour le e-call, l’accès à Internet ou l’antivol.
Les machines comme les véhicules et les taxis sont connectées depuis plus longtemps, mais ce n’est que maintenant que l’on s’intéresse à l’aspect humain de l’évolution. "Pour l’instant, seule une part très limitée de nos clients utilise l’application. Je l’évalue à 2 ou 3 %, mais ceux qui le font en sont très satisfaits", affirme Michel Pêtre. "Notre objectif est également d’attirer de nouveaux clients grâce à cette application. Par exemple, des personnes qui ne prenaient pas le taxi auparavant. Du moins, pas les nôtres."
Les Taxis Verts sont un parfait exemple d’une entreprise contrainte de se transformer face à l’essor d’une technologie disruptive, comme les smartphones et leurs applications. Dans leur ouvrage "Big Bang Disruption", Larry Downes et Paul Nunes dispensent des conseils aux entreprises confrontées à ce phénomène. Que pouvez-vous apprendre d’entreprises disruptives? Et comment les combattre?
- Choisissez le bon moment pour vous lancer sur le marché. Le Kindle d’Amazon, par exemple, n’était pas le premier e-reader, mais c’est le premier qui a eu un impact commercial. Amazon a tiré les enseignements des échecs de ses prédécesseurs.
- Adaptez votre structure opérationnelle aussi vite que possible. Dès que le site de location d’appartements Airbnb a constaté un problème de capacité dans son service client, il a décidé de le restructurer en profondeur sans attendre.
- Optimisez votre service. Netflix, par exemple, connaît assez précisément les goûts des téléspectateurs grâce à ses propres analyses, ce qui lui permet d’adapter constamment son offre, par exemple en produisant ses propres séries.
- Créez un “bullet time”. Utilisez la législation pour ralentir l’avancée des entreprises disruptives si elles sont illégales. Soyez pondéré et raisonnable, ne vous limitez pas à un combat purement juridique.
- Arrêtez tant que vous êtes encore rentable. Même si vous êtes leader de votre secteur depuis des années, le moment arrive où il faut changer. Comme Philips, qui a cessé de produire des ampoules à incandescence il y a des années déjà.
- Si vous avez perdu la guerre, vous pouvez toujours devenir marchands d’armes. Texas était une marque phare: c’est aujourd’hui un fournisseur de composants pour smartphones et robots.