À la fin de l’an dernier, le groupe de dragage et de construction CFE est devenu propriétaire à 100% de DEME. Il a ainsi doublé ses fonds propres. Une opération qui l’a fait apparaître sur les écrans radar d’une autre catégorie d’investisseurs. CFE a réagi en procédant à un exercice de réorganisation, dans le cadre duquel les filiales des pôles multitechnique et infrastructures ferroviaires et routières, de taille nettement plus réduite, ont été regroupées en clusters. " Notre principal objectif était d’optimiser le reporting ", explique Fabien De Jonge, CFO de CFE.
Comment la fonction financière a-t-elle été organisée dans le pôle construction de CFE ?
De Jonge : L’activité contracting de CFE présente une structure très décentralisée. Les entreprises du groupe sont comparables à un réseau de PME. Chaque filiale a son propre directeur et sa propre équipe financière. L’ensemble fonctionne selon une structure matricielle : l’opérationnel dépend du directeur local, alors que la partie fonctionnelle relève du département financier du groupe.
Comment vos processus de reporting sont-ils structurés ?
Nos processus sont basés sur un reporting trimestriel des business units – filiales ou groupes de filiales – vers le siège central. Le bilan, le compte de résultats et le tableau des cash-flows sont envoyés au holding, où le département financier consolide les résultats. Le carnet de commandes fait l’objet d’un suivi mensuel, et les positions de trésorerie de toutes les filiales sont même communiquées chaque jour. Par ailleurs, le reporting est complété cinq fois par an par un exercice de budgétisation.
C’est une réunion avec le CEO et le CFO du groupe d’une part, le directeur de la business unit et son directeur financier d’autre part. Chaque business unit y dresse un état des lieux par rapport au résultat budgété, la " present view ". L’exercice nous procure suffisamment d’informations pour intervenir lorsque c’est nécessaire. À terme, nous voulons également organiser un suivi mensuel de chaque chantier. Ce projet est en cours d’implémentation.
Quels sont pour vous les principaux défis en matière de reporting ?
L’année dernière a été difficile, notre priorité est à présent le repositionnement de l’ensemble de nos entités. Plusieurs business units sont trop petites et trop décentralisées. Nous souhaitons les regrouper en clusters, afin d’avoir plus de contrôle sur la qualité du reporting. Un autre grand défi consiste en l’optimisation de la collecte de données sur le terrain. Pour le pôle construction de CFE, cette tâche est assurée par les project managers qui assument la direction d’un chantier. Ceux-ci sont assistés par les contrôleurs financiers, qui portent un regard critique sur les informations fournies.
Quelle que soit la qualité de nos processus, une collaboration non optimale sur le terrain aura des conséquences sur la fiabilité des données. Un contrôleur qui reste claquemuré dans son bureau pour compléter ses tableaux de chiffres ne peut avoir un bon ressenti de la réalité du chantier. C’est pourquoi nous avons lancé un projet qui prévoit des visites de chantiers pour les contrôleurs. Simultanément, nous travaillons à la responsabilité des project managers. Ces dernières années, nous avons donné une formation en gestion financière aux collaborateurs qui n’avaient pas de background dans ce domaine. L’objectif est de surveiller en permanence les performances des chantiers sur le terrain. Le département financier pourra ainsi créer de la valeur ajoutée, se profiler comme un véritable business partner. C’est un travail de longue haleine, mais il commence à porter ses fruits.
Pourquoi ce reporting quotidien des positions de trésorerie des filiales ?
Pour une entreprise de construction un manque de liquidités peut avoir des conséquences très néfastes. Nous travaillons avec un modèle cyclique. Nos activités de contracting génèrent des liquidités, alors que le développement de projets et les PPP ont besoin de liquidités à investir, ce qui leur permet à leur tour de générer des activités pour le contracting. Pour optimiser ce cycle de liquidités, nous faisons du véritable cash pooling. Chaque soir, les comptes des business units sont ramenés à zéro, et chaque matin, ils sont provisionnés selon les besoins. En outre, nous demandons à chaque filiale un rolling forecast mensuel de la trésorerie pour les douze prochains mois.
Quelles informations communiquez- vous à vos parties prenantes externes ?
Nos comptes sont publiés deux fois par an sur notre site, accompagnés de présentations pour les analystes. C’est très détaillé : notre rapport annuel compte près de 200 pages. En tant qu’entreprise cotée en Bourse, nous suivons les normes IFRS depuis des années. Nous ne devons pas communiquer d’information supplémentaire aux banques. Nous leur présentons des attestations qui démontrent que nous respectons nos convenants, et cela suffit.
En raison de la nouvelle loi, nous ne sommes pas non plus obligés de publier des résultats chaque trimestre. Cela dit, il nous semble important d’informer nos actionnaires. C’est pourquoi nous publions une déclaration intermédiaire deux fois par an, en plus du reporting obligatoire. Nous nous contentons alors d’un nombre plus limité d’indicateurs : essentiellement le chiffre d’affaires et le carnet de commandes.
Quelle est votre expérience en matière de reporting d’informations non financières ? Nous avons défini une série d’indicateurs de performance de nature différente. Outre les paramètres purement financiers, nous mesurons également des paramètres liés à la responsabilité sociale de l’entreprise. Les bonus des managers en dépendent en partie. Nous accordons une grande importance à la sécurité : nous visons zéro incident, et nous suivons cet indicateur chaque mois. Nous surveillons également l’aspect énergie.
Nous ne nous concentrons d’ailleurs pas uniquement sur la consommation, mais également sur la création de bâtiments présentant des besoins énergétiques réduits. Pour nous, c’est une tendance importante. Nous publions également des indicateurs de diversité. Bien que nous travaillions dans un milieu traditionnellement très masculin, nous sommes heureux de voir davantage de femmes ingénieures. Les différents indicateurs sont encore traités séparément. Nous n’en sommes donc pas encore à un reporting totalement intégré, mais nous évoluons vers une harmonisation à terme.
Comment organisez-vous le support technologique ? Nous sommes en train d’effectuer une analyse des logiciels utilisés. Certaines filiales utilisent KPD, d’autres ont une solution SAP. Il s’agit à présent d’harmoniser le tout. C’est mon défi pour les mois à venir.