Qu'attendent les nouvelles générations de leur carrière et de l'entreprise pour laquelle elles travaillent? Ingeborg Tollenaar et Kirian Claeyé, du cabinet d'avocats belge ALTIUS, partagent leurs points de vue et leurs expériences sur ce sujet. L'experte en motivation Hermina Van Coillie complète leur intervention avec des conseils et des données scientifiques.
Qu'attendent les jeunes de 20 à 30 ans de leur employeur?
Hermina Van Coillie, experte en motivation chez Flourish: “La théorie de l'autodétermination part du principe que tous les travailleurs – quels que soient leur âge, leur génération, leur secteur et leur culture – ont trois besoins psychologiques communs: autonomie, besoin d’appartenance et compétence (ABC). En revanche, les jeunes travailleurs les satisfont différemment de leurs aînés. Vous souhaitez motiver chaque groupe d'âge de manière optimale? Recherchez des stratégies adaptées à leur mode de vie.”
Kirian Claeyé, Partner au sein de l’équipe IP & Life Sciences chez ALTIUS: “Les générations plus anciennes s'identifiaient peut-être davantage à leur carrière professionnelle. Pour les plus jeunes, la carrière compte toujours, mais ils la considèrent plus comme un soutien leur permettant d’accomplir d'autres choses dans la vie. En outre, les jeunes avocats ont tendance à être plus curieux et à s'exprimer plus clairement, à oser remettre les choses en question, à ne pas s'attendre à une hiérarchie rigide, et à porter un regard plus critique sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée.”
Cet équilibre vie professionnelle-vie privée constitue forcément un défi dans la profession juridique, en raison des nombreuses missions de dernière minute. Comment ALTIUS aborde-t-il ce problème?
Ingeborg Tollenaar, responsable des ressources humaines chez ALTIUS: “Les jeunes talents sont prêts à travailler dur et de manière flexible, mais ils veulent aussi recharger leurs batteries pendant les week-ends et les vacances. Nous tentons d’avoir des accords clairs à ce sujet. D'une part, nous attendons de nos avocats qu'ils fassent preuve de flexibilité pour répondre aux questions urgentes de nos clients. De l'autre, notre objectif est de créer un environnement où les collaborateurs se sentent libres d'exprimer leurs difficultés à accepter une mission de dernière minute, à cause de leur charge de travail ou pour des raisons privées. Une solution peut alors être recherchée en équipe. Nous attendons de nos avocats qu'ils effectuent un certain nombre d'heures sur une base annuelle, mais cela reste tout à fait compatible avec une vie privée.”
Quelle est l'importance du développement personnel pour les talents de la nouvelle génération, et quel rôle la communication ouverte joue-t-elle dans ce domaine?
Ingeborg Tollenaar: “Nous ne voulons pas que les nouveaux talents perdent confiance, c'est pourquoi ils reçoivent un feed-back clair sur leur travail. Sur le contenu de celui-ci, sur leurs performances et sur les domaines dans lesquels ils peuvent encore progresser. Nous constatons que les jeunes générations sont demandeuses de ce type d'information. Nous aidons nos collaborateurs à donner un feed-back précis et constructif.”
Donner un feed-back positif, c'est facile; pointer les aspects négatifs est nettement plus compliqué. Il faut que les entreprises créent un contexte sécurisé pour que ce retour soit possible.
Hermina Van Coillie: “Donner un feed-back positif, c'est facile; pointer les aspects négatifs est nettement plus compliqué. Il faut que les entreprises créent un contexte sécurisé pour que ce retour soit possible, en favorisant la communication sincère, sans que quiconque se sente personnellement attaqué. Partager un feed-back et en tirer des enseignements donne du sens au travail.”
Kirian Claeyé: “Une communication ouverte et bilatérale est la clé du succès d'une équipe. Même si vous travaillez depuis longtemps, il y a toujours des angles morts ou des aspects à améliorer. Le feed-back doit être constructif et ne jamais devenir une critique. L'objectif est que les collaborateurs apprennent quelque chose, pas qu'ils perdent confiance ou qu'ils soient démotivés. Nous considérons donc le feed-back comme un moyen de créer ou renforcer les liens entre les personnes et de maintenir une bonne collaboration sur le long terme. Se contenter de citer les points positifs en passant les faiblesses sous silence ne provoque, en définitive, que des désagréments et des frustrations.”
Les jeunes changent d'emploi plus facilement que les générations précédentes. Comment les employeurs peuvent-ils faire face au mieux à ce phénomène?
Ingeborg Tollenaar: “Les jeunes générations sont plus critiques et osent tout remettre en question, y compris leur propre contexte professionnel. Si elles estiment que leurs valeurs personnelles ne se reflètent pas suffisamment dans l'environnement où elles travaillent, elles sont plus susceptibles de le quitter. Si l'entreprise ne s'engage pas assez en faveur de la flexibilité, de l'autonomie, des possibilités de développement ou d'un travail porteur de sens, par exemple, les jeunes seront davantage tentés de la quitter. Ces aspects cruciaux sont au cœur de notre politique de rétention du personnel. Nous sommes à l'écoute des besoins de nos collaborateurs, c'est la seule manière d’accroître leur implication.”
Kirian Claeyé: “Et ça marche! J'ai commencé à travailler voici 14 ans dans ce cabinet, âgé de 23 ans à l'époque, et j'y suis toujours. Le lien personnel entre collègues, quelle que soit leur fonction, est une vraie richesse. En étant rapidement autonome sur des dossiers passionnants et en ayant la possibilité d'être visible auprès de nos clients, on se sent plus rapidement impliqué. C'est aussi ce que nous recherchons activement.”
Nous ne voulons pas que les nouveaux talents perdent confiance, c'est pourquoi ils reçoivent un feed-back clair sur leur travail.
Hermina Van Coillie: “Si vous répondez de manière optimale à leurs exigences ABC, vous augmentez les chances que les gens vous restent fidèles. Plus encore, les personnes que vous conservez travaillent avec une motivation de grande qualité. Ceux qui viennent travailler principalement pour un salaire et qui ne trouvent pas de sens à leur fonction, ou qui ne la jugent ni amusante ni intéressante, sont naturellement moins performants.”
Quel rôle le salaire joue-t-il pour les nouvelles générations de travailleurs?
Hermina Van Coillie: “Ne nous voilons pas la face: tout le monde travaille pour de l'argent. Il n'y a pas de mal à cela. Ceci étant dit, des études récentes démontrent que le contenu de la fonction est déterminant dans le fait que les individus donnent du sens à leur travail ou trouvent celui-ci amusant ou intéressant. Mon conseil est donc: en tant qu'employeur, offrez un salaire attrayant et conforme au marché, mais concentrez-vous également sur le contenu de l'emploi. Le salaire ne remplit pas les critères ABC. Pas plus que les primes. Au contraire, ces dernières engendrent du stress, des comportements de travail non éthiques entre coéquipiers et, en fin de compte, une motivation de moindre qualité.”
Kirian Claeyé: “Nous essayons d'éviter ce cas de figure au maximum. Nous offrons à nos collaborateurs un package global solide dès le premier jour. Même les jeunes talents ont immédiatement la possibilité de travailler sur des missions intéressantes et stimulantes, d'échanger du feed-back et de vivre des moments et des expériences agréables avec leurs collègues, par exemple en partant ensemble en week-end. Cela crée un lien avec le travail, l'équipe et le cabinet.”
Le lien personnel, l'autonomie sur des dossiers passionnants et la visibilité auprès de nos clients renforcent l'engagement.
Ingeborg Tollenaar: “Nos collaborateurs et les étudiants avec lesquels nous nouons des contacts sont nos meilleurs ambassadeurs. Grâce au bouche-à-oreille positif qu'ils pratiquent spontanément dans leur cercle d'amis et de connaissances, de nouveaux talents affluent chaque année vers notre cabinet. Cette dimension renforce notre image de marque en tant que cabinet où il fait bon travailler, et se révèle un solide canal de recrutement.”