Aux États-Unis, nombre d’entreprises tentent de ramener leurs employés au bureau à temps plein. Parallèlement, il ne fait plus aucun doute que de nombreux cols blancs risquent de passer à la trappe… En quoi ces facteurs pourraient-ils impacter les entreprises européennes ?
Travailler à domicile deux ou trois jours par semaine : cette répartition du temps d’activité semble être la norme pour de nombreux employés de bureau en Europe depuis la pandémie. Pourtant, cet équilibre pourrait ne pas durer, selon Peter Hinssen, techno-entrepreneur, fondateur de nexxworks, consultant et conférencier très prisé. Aux États-Unis, traditionnellement à l'avant-garde des tendances en matière d’emploi, les discussions ont en effet repris quant au futur du monde du travail. “Les espaces de bureaux à New York sont ridiculement bon marché, car là aussi, une grande partie du travail s’organise encore à domicile. Ceci étant dit, la tendance au retour à 100% au bureau s'est amorcée. Rappelez-vous le fameux e-mail d'Elon Musk adressé aux employés de Tesla: si vous n'êtes pas là, nous supposerons que vous avez démissionné.”
Dans un certain nombre de secteurs, la pression monte. Les firmes technologiques étaient, voici encore quelques années, les modèles d'une culture d'entreprise détendue, où les salariés étaient heureux de travailler. Aujourd'hui, elles licencient leurs collaborateurs en masse, et le travail est pénible pour ceux qui restent. Chez Google, 12.000 emplois disparaissent. Microsoft a supprimé 10.000 postes, Amazon 18.000 et chez Meta, la société-mère de Facebook et d'Instagram, 11.000 employés ont été remerciés. “Chez Twitter, il ne reste plus qu'un cinquième des effectifs; pourtant, l'entreprise semble se redresser. Ce constat incite à la réflexion autour du nombre de personnes réellement nécessaire.”
Crise de l'énergie humaine
À son tour, cette réflexion suscite une levée de boucliers. “Nous avons récemment connu un énorme productivity push afin que les travailleurs soient toujours au top de leurs performances”, indique Peter Hinssen. “Or, de plus en plus de cols blancs se plaignent de la pression au travail et déplorent un manque total de motivation et d'énergie. Leur créativité pâtit en effet des nouvelles exigences en matière de productivité, comme l'affirme Rahaf Harfoush dans son ouvrage Hustle & Float. L’humain est débordé, sa qualité de vie se détériore, et il n’est plus capable de penser de manière créative et innovante, ce qui est précisément sa valeur ajoutée. La question se pose de savoir si nous ne sommes pas en train d'éroder la valeur ajoutée de ces emplois par des exigences de productivité excessives.”
"De plus en plus de cols blancs se plaignent d'une trop grande pression, d'un manque de motivation et d'énergie"
Le débat fait rage sur la combinaison idéale travail/domicile et sur ce qu'une entreprise peut et doit attendre de ses employés. Il y a peu, LinkedIn a décidé d'accorder une semaine de vacances supplémentaire à tous ses employés. Kathleen Hogan, la femme la plus haut placée chez Microsoft, a rédigé un essai dans lequel elle affirme que résoudre la “crise de l'énergie humaine”, qui touche les employés à tous les niveaux et dans le monde entier, est la “tâche la plus urgente à laquelle doivent s’atteler les dirigeants”.
Aux États-Unis, il faut l’avouer, la situation est plus grave que chez nous. La culture du travail y est différente. Les trois semaines de congé en été, par exemple, n'y sont pas ancrées comme en Europe. “Les tendances auront donc leur propre transposition chez nous”, note Peter Hinssen. “La question centrale demeure, cependant: comment aider vos employés à trouver le juste équilibre, comment nourrir leur énergie au lieu de la siphonner? C'est le défi les chefs d'entreprise européens doivent relever eux aussi.”
Le Néerlandais Saul Van Beurden est CEO Consumer & Small Business Banking chez Wells Fargo, la troisième banque américaine. Il y dirige plus de 40.000 personnes et est au fait des évolutions sur le marché du travail. Curieux de connaître sa vision? Inscrivez-vous au Never Normal Tour du 18 au 23 juin, avec Peter Hinssen (nexxworks) et Isabel Albers (L’Echo), et rencontrez Saul Van Beurden à New York.