Aux États-Unis, les conservateurs s'opposent fermement à l'adoption de nouvelles réglementations en matière de développement durable. Cette opposition pourrait avoir un impact négatif sur les entreprises en Europe, où le sentiment à l'égard des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) est majoritairement positif, prévient Peter Hinssen.
Les entreprises européennes sont en train d’intégrer de nouvelles normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Le Green Deal européen a incité nombre d’entre elles à passer à la vitesse supérieure en matière de mesures climatiques, les règles de financement ont été renforcées, et de nouvelles réglementations sur les normes sociales sont en passe d’être instaurées.
“En Europe, l'ESG suscite encore une certaine euphorie”, observe Peter Hinssen, techno-entrepreneur, auteur, fondateur de nexxworks et conférencier renommé. “Le Vieux Continent fait d'ailleurs activement campagne en sa faveur. Voyez le débat autour de la production de voitures ‘zéro émission’ d'ici à 2035. Il s'agit d'objectifs extrêmement ambitieux, très exigeants envers les entreprises.”
Aux États-Unis, l'atmosphère a changé et se révèle désormais très polarisée, souligne l’expert qui accompagne le Never Normal Tour, dans le cadre duquel des chefs d'entreprise rendent visite à des firmes à succès aux États-Unis, tandis que des conférenciers de haut niveau les aident à dénicher les plus belles opportunités dans un monde en mutation.
“On sent que ces deux pôles s'éloignent de plus en plus l'un de l'autre. L'année dernière, nous avons visité Snap, la société-mère de Snapchat, qui défend ardemment les principes de diversité et d'inclusion. En revanche, Exxon Mobil n'en fait absolument pas une priorité. Nous étions à New York durant la Semaine du climat, et avions juste avant visité Walmart aux États-Unis: deux univers complètement différents!”
L'ESG face aux écueils
Aux yeux de Peter Hinssen, le sentiment changera également en Europe. “Prenez les règles liées à la finance verte. Aux États-Unis, certains gestionnaires d'actifs et d'autres opérateurs financiers se sont livrés au greenwashing massif de leurs fonds. La Securities & Exchange Commission est à couteaux tirés avec BlackRock. Il est probable que le même phénomène se produise ici.”
"Le lobbying contre l'ESG aux États-Unis est sans précédent, tout comme l'argent qui y est investi"
Les secteurs contestent les normes plus strictes, en particulier dans les industries traditionnelles telles que le pétrole et le gaz. “Le lobbying et l'argent qui y est investi sont historiques. De riches chefs d'entreprise alimentent à coups de milliards les caisses de groupes de réflexion conservateurs tels que The Heritage Foundation et le Marble Freedom Trust. Ils rejettent les exigences des démocrates en matière sociale et de gouvernance, arguant qu'elles s'apparentent à des mesures socialistes. L'ESG peine à s'imposer, manifestement. Le président Joe Biden tente de jouer la carte de l'écologie, mais il se heurte à une certaine opposition, y compris de la part des démocrates, dans les États où le gaz et le pétrole sont cruciaux pour l'économie.”
Cette réaction contre l'ESG aux États-Unis pourrait avoir des implications pour les entrepreneurs européens, avance Peter Hinssen. “Les objectifs européens, notamment en matière de carbone, sont très stricts. Les nouvelles normes auront un impact sur les objectifs financiers, la politique d'investissement, la rentabilité… Si la situation s’inverse aux États-Unis, que les normes s'assouplissent ou que l'évolution vers la durabilité ralentit, l'Europe pourra difficilement rester dans la course.”
Les chefs d'entreprise feraient bien de garder un œil sur l'évolution de la situation aux États-Unis et de se préparer à une rude bataille concurrentielle. “Il ne sera pas facile d'atteindre tous les objectifs à court terme, car les matériaux tels que l'acier et le plastique ne peuvent être remplacés rapidement et facilement”, conclut l’expert.
Du 18 au 23 juin, le Never Normal Tour, avec Peter Hinssen (nexxworks) et Isabel Albers (L’Echo), fera étape entre autres chez Arcadis, leader mondial de la conception et de l'ingénierie durables. Vous séjournerez également à New York durant la Pride Week et goûterez à son atmosphère unique. Inscrivez-vous ici.