Le secteur automobile traverse une période tout à fait unique, estime José Fernandez chez D’Ieteren: “C'est le moment idéal d’y être actif en tant que marketer!” Sa carrière, ses coups durs et coups de maître, sa règle d’or du marketing: l’expert se confie dans ce deuxième épisode de la série de podcasts CMO voices.
Lorsqu’on demande à José Fernandez ce qui le passionne tant dans le secteur automobile, la réponse fuse: “Les gens. Je crois énormément à l'intelligence collective, aux groupes et notamment à ce qu'on appelle le tribe leadership. C'est-à-dire le fait que les groupes humains travaillent mieux lorsqu'ils sont activés par des comportements communs à l'équipe.”
Au-delà de l’humain, l’époque est tout aussi intéressante pour celui qui est, depuis cinq ans, Chief Customer Experience, Marketing & Digital Officer chez D’Ieteren. “Le secteur automobile traverse une période tout à fait unique. C'est le moment idéal d’y être actif en tant que marketer! Les défis sont multiples: la décarbonation et l'électrification, l'évolution des modes de mobilité, le développement de tout ce qui tourne autour de la mobilité urbaine et périurbaine, le véhicule autonome etc.”
Et D’Ieteren est à la pointe de ces transformations: “Nous avons développé des produits et des services qui vont bien au-delà aujourd’hui de notre métier de base, à savoir l'importation et la distribution de voitures. C’est pourquoi nous nous retrouvons aujourd'hui, et c'est ce qui me passionne, non seulement à ‘faire bouger le métal’, comme on dit dans notre secteur, mais aussi à pouvoir participer à un enjeu crucial qui est celui de changer la société et les comportements en matière de mobilité.”
Atomisation de la chaîne de valeur
Aux yeux de José Fernandez, le secteur automobile manifeste une particularité “qu'on retrouve un peu dans d'autres secteurs, mais qui est probablement exacerbée ici: la grande atomisation des acteurs. Dans le modèle traditionnel, les usines produisent et les importateurs commercialisent.
Ces derniers sont soit ce qu'on appelle des NSC, c'est-à-dire des National Sales Companies, qui sont des filiales des grands groupes automobiles, soit, à l’instar de D’Ieteren, des importateurs indépendants qui achètent ces véhicules et les distribuent sur leur marché local, à travers un réseau de concessionnaires.”
- 1991: Commercial Engineer à l’Ichec Brussels Management School
- 1991-2000: entre chez Vandemoortele comme Area Sales Manager, pour y terminer Commercial Manager Europe - Retail
- 2001-2009: Associate Partner chez Actito
- 2009-2013: Client Service Director chez LBi, puis Client Partner et Strategy Director
- 2013-2017: CEO de Digitas Belgium
- 2017-2019: Chief Commercial & Digital Officer chez Dentsu Aegis Network
- 2018-2019: Managing Director chez iProspect
- Depuis 2019: Chief Customer Experience, Marketing & Digital Officer chez D’Ieteren
- Depuis 2021: membre du comité exécutif d’UBA Belgium
Lorsqu’on couvre, comme D’Ieteren, six marques automobiles généralistes “avec, en outre, un nombre important d'intervenants avant le client final, on voit que l'atomisation de cette chaîne de valeur, de cette customer chain qui va du produit jusqu’au client final, rend les choses particulièrement complexes, notamment au niveau de l’expérience client.
De nouveaux acteurs comme Tesla ont tenté de la réduire et de la moderniser, en développant un mode de vente direct et digitale dont toute l'industrie automobile essaie désormais de s'inspirer. En réalité, très peu parviennent à copier ce modèle actuellement. C'est de l'industrie lourde, c'est du métal, ce sont des centaines de milliers d'emplois à travers le monde. Et cette atomisation rend aussi le métier du marketer particulièrement complexe lorsqu’il s'agit d'avoir une communication en direct avec le client final.”
“Nous devons simplifier le lien entre l'utilisateur et sa voiture. Demain, cette expérience passera notamment par les écrans qui sont à bord de ces véhicules et qui feront la différence. Comme certains déjà choisissent leur banque aujourd'hui en fonction de l’expérience de son application mobile, on aura probablement le même type d'approche dans l'automobile dans le futur.”
Le marketing, les machines et l’humain
Justement, ce contact direct avec le client, José Fernandez l’a exploré au fil de sa vingtaine d'années passées dans le monde des agences, qu'elles soient digitales, créatives ou médias.
“J'ai assisté à trois étapes digitalisation que j'estime importantes dans la transformation de la relation avec le client au plan marketing. Il y a eu l'avènement de l’internet à la fin des années 90, puis le développement des réseaux sociaux, et enfin l’arrivée du mobile.”
Ces trois éléments ont transformé en profondeur la relation entre une marque et son audience, en la digitalisant bien sûr, mais aussi en changeant la notion même de contact direct.
“Je pense que nous traversons actuellement une quatrième transformation entraînée par l'intelligence artificielle. En revanche, et c’est ma vision de marketer, il y a quelque chose qu'on ne digitalisera jamais totalement: la marque. Construire des marques, c'est quelque chose qui demande un petit peu d'humain, et peut-être, demain, un peu plus de machines. Mais ça n'ira pas tout seul avec la machine.”
C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles José Fernandez n’apprécie pas l’expression “coûts marketing”: “J'ai mis quelques années à convaincre mes collègues du comité de direction de D’Ieteren à ne plus utiliser cette expression qui m'horripile. Désormais, on parle d'investissements marketing, et j'en suis très heureux. Ce qu'on fait avec le marketing, c'est investir dans la relation avec le consommateur.” Sa règle d’or est d’ailleurs “The customer experience is the brand”. “C'est-à-dire qu'il faut travailler, travailler et travailler sans relâche sur l'expérience client. Digitale, mais pas seulement.”
Focus sur sa compétence de base
Une carrière est faite de hauts et de bas. Du côté des coups durs, José Fernandez évoque notamment un épisode de l’histoire d’Actito, “une start-up à l’époque”, active dans le CRM et au sein de laquelle il a travaillé plusieurs années comme Associé Partner.
“Nous nous sommes dit que, pour vendre du CRM, il fallait pouvoir vendre des ‘réceptacles à interactions’, autrement dit des sites internet. Nous avons donc lancé une activité d’agence digitale à côté de notre cœur de métier technologique, le logiciel Actito. J’y croyais beaucoup. Mais nous avions sans le vouloir créer une activité concurrente… à celle de certains de nos clients !Et au bout de deux ans, nous avons jeté l’éponge. La leçon que j’en tire? Il faut rester focus sur sa compétence de base. Et être capable de virer de bord lorsque c’est nécessaire.”
Côté “coups de maître”, il évoque LBi, une agence qu’il a dirigée de 2013 à 2017 en tant que CEO. “Quand on m'a confié les rênes de ce qui deviendra Digitas après le rachat par le groupe Publicis, Mathieu Morgenztern, le CEO alors pour l'Europe, m’a dit: tu reprends un vaisseau qui a l'air très bien, mais financièrement, ça ne tient pas la route, on accumule des pertes importantes depuis trois ans; il va falloir prendre des mesures et tu as 18 mois. On a redressé la boutique assez rapidement, en prenant des décisions pas toujours faciles à prendre. LBi était jusqu’alors surtout connue pour son métier technologique: nous l’avons résolument orientée vers ce qu'était une agence digitale intégrée, focalisée sur l’activation, les médias sociaux et la technologie qui les accompagne.”
José Fernandez est tout aussi fier du rebranding de la marque D’Ieteren Automotive, quelques mois à peine avant le début de la pandémie de coronavirus. Avec un positionnement marqué sur la mobilité. “Aujourd'hui, je suis très heureux de voir que, quand un article sort dans L'Echo ou De Tijd, on parle de D’Ieteren comme d’un acteur de mobilité, et non comme de l'importateur du groupe Volkswagen.”