Publicité
interview

Eric Domb, Pairi Daiza

Eric Domb ©Dries Luyten

Eric Domb, fondateur du parc animalier le plus fréquenté du pays, ne pratique pas la langue de bois. Oui, il a fait des erreurs. Non, il n’est pas différent des autres. Oui, il a pu compter sur ses banquiers. Non, il ne compte pas en rester là.

Pairi Daiza en est à sa troisième vie, ce qui est peu pour un " jardin clos " (pairi daiza en persan) soumis aux lois de la nature, donc en perpétuelle évolution. La première, la plus risquée tant la mortalité infantile est élevée dans le monde des entreprises, débute il y a une bonne vingtaine d’années. Eric Domb visite l’abbaye cistercienne de Cambron en compagnie d’un intermédiaire qui cherchait des investisseurs disposés à miser sur une version hennuyère du succès retentissant qu’était (déjà) Walibi. Intermédiaire qui avait été séduit par un parc d’oiseaux situé quelque part en Allemagne. Brillante idée ! Faire aussi bien que Walibi... mais autrement.

Le consultant qu’était devenu Eric Domb (après quelques années de barreau qui ne lui ont pas laissé un souvenir impérissable) n’aurait-il pas parmi les patrons d’entreprise qu’il coachait des amateurs de sensations fortes ? Inutile de tourner autour du pot : pour créer un parc d’oiseaux sur un site historique, certes, mais négligé par ses propriétaires, dans l’endroit sans doute le moins touristique du pays, quelque part entre Ath et Mons, il fallait avoir le coeur et surtout le portefeuille bien accrochés.

Publicité

" On ne crée pas une entreprise comme celle-ci sans qualités managériales. Heureusement, je les avais acquises à l’époque où j’étais consultant "

Eric Domb
fondateur Pairi Daiza

Saisi de vertige

Le plus étonnant est que ce ne sont pas les investisseurs qui ont été séduits – ils ont d’ailleurs décliné rapidement cette invitation à haut risque –, mais Eric Domb lui-même. Pour deux raisons, a-t-il confié dans une interview très fouillée publiée il y a quelques semaines par le magazine Humo. Primo " j’ai été saisi de vertige lorsque je me suis trouvé à cet endroit ", secundo " il y avait un autre amateur, le Maharishi Mahesh Yogi. " Le gourou des Beatles ? Yes. " Ce n’est pas un hasard ", poursuit Eric Domb dans cette interview. " Quelle que soit la philosophie qui est la vôtre, certains endroits sont sacrés, point. "

C’est peut-être ce qui a attiré, il y a de cela près de dix siècles, saint Bernard en personne qui envoya de Clairvaux un groupe de moines dont l’influence spirituelle se fit sentir par la suite jusqu’à Valenciennes, Ath, Malines et même Gand. " J’ai rêvé de cet endroit, j’y ai vu des oiseaux, des paradisiers ", poursuit Eric Domb. C’est la naissance de Paradisio, la deuxième vie de Pairi Daiza.

Mais pour que naisse Paradisio, le socle sur lequel s’est développé Pairi Daiza, il fallait franchir un obstacle de taille : où trouver l’argent ? L’intermédiaire dont question plus haut s’était évanoui dans le vaste horizon des projets abandonnés. C’est donc seul, avec seulement quelques amis et en empruntant auprès de sa famille, qu’Eric Domb a acheté Cambron et obtenu, à l’arraché, les autorisations nécessaires pour y ouvrir un parc animalier. Les débuts furent désastreux : investissements et rentrées moins élevés que prévu. Le piège absolu. Les quatre à cinq premières années ont été difficiles. Entretemps, il a fallu garder la confiance des banquiers et des fournisseurs. C’est là qu’Eric Domb a su convaincre ses créanciers : "Sans mes banquiers, j’aurais tout simplement sombré en entraînant dans le fond tous ceux qui avaient cru en mon projet. "

" Non, non et non. Je ne suis pas quelqu’un d’exceptionnel. Ni même de différent. Cela vaut pour tous les entrepreneurs. Nous sommes des gens comme les autres "

Eric Domb
fondateur Pairi Daiza

Le fondateur de Pairi Daiza croit dur comme fer à l’association entre rêve et réalité. Une association rare, mais " c’est bien comme cela que ça s’est passé dans mon cas. J’avais ce rêve dès le premier contact avec Cambron, y faire venir un public attiré par la beauté de ce jardin. " Lorsque la réalité a exigé ses droits, il a bien fallu s’incliner : " On ne crée pas une entreprise comme celle-ci sans qualités managériales. Heureusement, je les avais acquises à l’époque où j’étais consultant. "

Publicité

La route de la chance

Ces compétences, c’est la seule concession qu’accepte Eric Domb lorsqu’on évoque avec lui le caractère exceptionnel de son aventure: " Non, non et non. Je ne suis pas quelqu’un d’exceptionnel. Ni même de différent. Cela vaut pour tous les entrepreneurs. Nous sommes des gens comme les autres. La preuve, c’est que j’ai fini par réussir malgré toutes les c... que j’ai faites. " Soit. La chance a-t-elle joué ? " Oui, je crois que j’ai eu de la chance. " Mais la chance ne suffit pas pour créer from scratch une entreprise occupant une moyenne de 250 équivalents temps plein.

" L’entrepreneur voit ce qu’il peut faire avec un tas de bûches devant lequel des tas de gens sont passés sans que cela ne les incite à faire quoi que ce soit "

Eric Domb
fondateur Pairi Daiza

Lorsqu’il pousse la réflexion plus loin, Eric Domb admet que " le projet est aussi important que l’entrepreneur ". Or, ce projet, il faut bien que quelqu’un le conçoive, non ? " Oui, c’est exact. L’entrepreneur voit ce qu’il peut faire avec un tas de bûches devant lequel des tas de gens sont passés sans que cela ne les incite à faire quoi que ce soit. "

Pour réaliser ce rêve qu’est " l’enfantement d’une entreprise, je dis “enfantement ” parce qu’une entreprise, c’est un être vivant, il faut une obstination farouche ", poursuit notre interlocuteur. " Il faut aussi être conscient des risques que l’on prend et connaître ses manques. " Si Eric Domb se dit capable de lire un bilan, un compte de résultats et un tableau financier, c’est Yvan Moreau, directeur financier de Pairi Daiza, son homme de confiance et son coéquipier de la première heure " qui me dit combien je peux retirer de la tirelire pour réaliser nos projets. "

©Dries Luyten

Les chiens et la caravane

La troisième vie de ce " jardin clos né d’un rêve " commence avec l’IPO (Initial Public Offering), c’est-à-dire l’introduction en Bourse de Paradisio. Nous sommes en juillet 1999. Entrer en Bourse ? S’il y a un lieu où la confiance est essentielle, c’est bien la Bourse. Même si à l’époque, les IPO de PME étaient nombreuses (Duvel-Moortgat, Bureau Van Dijck, EVS...), proposer à des investisseurs un parc animalier tenait du challenge : comme aux débuts, il fallait à nouveau convaincre. L’objectif de cette entrée en Bourse ? " Oh, c’est très simple, disposer de capitaux frais pour croître plus vite ", répond Eric Domb. L’opération réussit. Une décennie plus tard, c’est le grand chambardement.

Paradisio devient Pairi Daiza, il faut investir mais, la même année, le parc perd 200.000 visiteurs. Le changement de nom est d’abord mal accepté, Paradisio était une appellation très populaire, mais les chiens qui aboient n’empêchent pas la caravane de passer. Dans sa troisième vie, Pairi Daiza parvient à faire oublier Paradisio qui, dans sa deuxième vie, avait fait oublier les moments houleux des débuts. " Encore une fois, la relation que l’on a avec ses banquiers est cruciale dans des moments pareils. " Eric Domb insiste : " Il faut de la loyauté des deux côtés. Belfius a toujours soutenu Pairi Daiza au cours de sa croissance. "

150.000 visiteurs les premières années, 900.000 lors du creux de 2010, 1,4 million l’an passé, sans doute 1,5 million en 2015.

C’est que ce changement de nom était l’illustration d’un changement bien plus profond : Paradisio, le parc aux oiseaux, était devenu un parc animalier, un zoo, puis " un jardin clos ", c’est-à-dire la concrétisation du rêve des débuts, " faire venir ici un public attiré par la beauté et la sérénité de ce jardin." Une réussite confirmée par les chiffres : 150.000 visiteurs les premières années, 900.000 lors du creux de 2010, 1,4 million l’an passé, sans doute 1,5 million en 2015. Qui dit mieux ?

Impossible délocaliser

Ce succès repose d’abord sur une USP (Unique Selling Proposition), c’est-à-dire une offre unique en son genre : attirer un public séduit par la beauté d’un jardin. Aujourd’hui, c’est un plus alors qu’au début, c’était plutôt un moins. Bravo. Mais il y a aussi l’humain : " 250 ETP, cela veut dire plus de 250 personnes dont la majorité sont non qualifiées et qui font à peu près toutes un métier que d’autres rêvent de faire. " Avec des perspectives d’avenir solides : " Pairi Daiza est impossible à délocaliser ", soutient Eric Domb. " Je table beaucoup sur l’affectio societatis, ce lien qui unit une entreprise à ses actionnaires. C’est le ciment de l’entreprise familiale. Je pense que l’on devrait favoriser davantage les entreprises familiales. Le plus souvent, elles ont aussi un profond ancrage local. "

C’est lorsque l’on évoque le contexte dans lequel évoluent les jeunes entreprises et les PME qu’Eric Domb se fait plus incisif : " La collectivité ne reconnaît pas l’utilité de la prise de risque. L’analphabétisme économique fait des ravages. On croit que l’entreprise, c’est un gâteau qu’il faut partager. " Alors que c’est un être vivant qu’il faut créer et entretenir. Un peu comme un jardin.

L’affaire des pandas

Les entreprises familiales n’échappent pas pour autant aux grondements de l’économie mondialisée. L’affaire des pandas a fait le tour de la planète et suscité dans notre pays la jalousie de concurrents comme le Zoo d’Anvers. " Ce n’est pas par un jeu d’influences que nous avons obtenu ces pandas, c’est parce que nous avions un bon dossier, minutieusement préparé ", appuie Eric Domb. Au passage, c’est Belfius qui a assuré les deux pandas, leur transport depuis la Chine et... leur risque de décès durant leur séjour sous nos cieux plombés.

" Il est indispensable que la Belgique continue à disposer d’une banque comme Belfius. Une banque belge, vraiment belge "

Eric Domb
fondateur Pairi Daiza

Les pandas, c’était hier. Et demain ? " Il faudra continuer. " Comment ? Eric Domb déborde de projets : " Puisque nous ne pouvons plus nous étendre spatialement, il faudra le faire autrement. Peut-être en ouvrant toute l’année. Et sûrement en permettant à nos visiteurs de se restaurer et même de loger dans les environs immédiats. "

" Je voudrais insister sur un point ", conclut notre interlocuteur. " Je pense qu’il est indispensable que la Belgique continue à disposer d’une banque comme Belfius. Une banque belge, vraiment belge, qui s’intéresse de près à l’économie du pays. C’est indispensable pour nos entreprises. Un banquier belge qui nous connaît bien et que nous connaissons bien est un atout lorsqu’il s’agit de garder son sang-froid. " Parce que de nos jours la vie en entreprise n’est plus (jamais) un long fleuve tranquille.

Paysage aux vaches (1927), Jean Brusselmans

" C’est un beau tableau, mais je l’aime surtout parce qu’il représente un paysage, la nature, et des vaches, des animaux. La vache est un de mes animaux préférés parce qu’elle est douce, pacifique et végétarienne. "

© Collection Belfius

En l’honneur de l’ouverture de la Belfius Art Gallery, quelques chefs d’entreprise ont sélectionné leur oeuvre favorite dans l’impressionnante collection Belfius. Cette collection, vous pouvez vous aussi l’admirer. Vous lirez toutes les informations ici.

Publicité
Bart De Wever n'a toujours pas trouvé la recette pour accommoder les ingrédients réclamés par les cinq partis qui négocient depuis six mois la coalition dite "Arizona".
Bart De Wever toujours en quête d'une percée décisive pour l'Arizona
Bart De Wever doit faire un nouveau rapport au Roi ce mardi à 16 heures. Il sera en toute logique prolongé dans sa mission. Même si l'Arizona n'a pas encore effectué de "percée décisive".
Messages sponsorisés