La clé des fonges est à la Biennale de Venise
"In Vivo", le Pavillon belge de la Biennale d’architecture de Venise, a fait sensation. Développée à partir de mycélium de champignon, sa structure nous invite à imaginer une vie réconciliée avec le vivant, tandis qu’une fiction nous y projette. Cap sur 2050!
La 18e biennale d'architecture de Venise s'est ouverte, jeudi dernier, sur un couac que n'a pas manqué de déplorer sa commissaire générale d'origine écossaise et ghanéenne, Lesley Lokko. Trois de ses jeunes commissaires ghanéens et proches collaborateurs à l'African Futures Institute qu'elle a créé à Accra, n'ont pu rejoindre Venise, faute de visa, au motif, a justifié l'Ambassade d'Italie, qu'il existe des "doutes raisonnables" quant à leur "intention de quitter le territoire ou l'État avant l'expiration de [leur] visa". Une raison que nombre d'organisateurs de festivals européens connaissent bien (et qui vaut depuis 20 ans au continent d'être taxé d'"Europe-forteresse"), mais qui donnait derechef une dimension politique à l'un des grands événements culturels de l'année.
Taclant, lors de la conférence de presse générale, la politique d'immigration du gouvernement de Giorgia Meloni, Lesley Lokko a repris à son compte le cri du cœur de l'autrice afro-américaine Toni Morrison apprenant l'élection de George W. Bush en 2004 et son appel à l'action: "C'est justement dans ces moments-là qu'œuvrent les artistes: pas quand tout va bien, mais dans l'angoisse. C'est notre travail!"
Le ton est donné pour une biennale dirigée pour la première fois par une commissaire d'origine africaine et dont la moitié des 89 participants de sa grande exposition à l'Arsenal, "Laboratory of the Future", à parts égales entre hommes et femmes, proviennent d'Afrique ou de la diaspora africaine. Un Lion d'or d'honneur a été décerné à l'architecte nigérian Demas Nwoko, 88 ans, précurseur d'une architecture monumentale durable, et une mention spéciale au Belgo-Congolais Sammy Baloji (Twenty Nine Studio) pour son installation percutante sur les archives de l'architecture coloniale en RDC, qui ouvre l'exposition.
Quant au Lion d'or allant aux pavillons nationaux, il revient à celui du Brésil, qui n'est plus le Brésil de Bolsonaro, entièrement recouvert de terre crue, geste à la fois poétique et qui renvoie aux traditions architecturales noires et autochtones, confirmant le double thème de cette 18e édition: la décolonisation et la décarbonation.
Terre crue primordiale
La terre crue est d'ailleurs le premier matériau naturel à avoir inspiré deux des trois jeunes architectes du bureau bruxellois Bento, choisi parmi les 19 candidats retenus par la Cellule architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour investir le Pavillon belge, situé aux Giardini, les jardins qui accueillent les multiples propositions nationales. "Après nos études à La Cambre, en 2019, Corentin Dalon et moi sommes partis pour un projet de construction en terre au Bénin, en utilisant les ressources locales qu'on imaginait ensuite transposer dans un territoire comme Bruxelles", explique Florian Mahieu, inspiré avec son comparse par les travaux de pionniers en cultures constructives et développement durable comme CRAterre, le laboratoire de recherche de l'École nationale supérieure d'architecture de Grenoble.
"On ne s'imaginait pas passer notre vie derrière un ordinateur. On avait envie de sortir des projets 'papier' qu'on nous avait enseignés et de faire quelque chose avec nos mains: une architecture du faire, qui pense non seulement en termes de matériaux, mais aussi de savoir-faire et de savoir-vivre. Ce qu'on voulait, c'était proposer un avenir enviable en travaillant avec le vivant."
"On avait envie de sortir des projets 'papier' qu'on nous avait enseignés et de faire quelque chose avec nos mains: une architecture du faire."
Un programme ambitieux auquel l'équipe, augmentée de Charles Palliez, a eu tout le loisir d'élaborer durant le covid. "On rentrait du Bénin, on était un peu paumés, on avait besoin de rêver, d'être optimistes sur ces questions d'écologie. On s'est lancés dedans sans vraiment savoir et... on a découvert des trucs de fou!"
Dans un garage, les jeunes de Bento, transformés en savants fous, mettent sur pied un laboratoire de recherche pour expérimenter sur les ressources vivantes de la région bruxelloise et imaginer le développement de matériaux écologiques géo- et biosourcés. Et c'est là qu'ils entendent parler du mycélium, la partie végétative du champignon, dont les filaments qui agrègent les forêts en réseau ont des propriétés prometteuses.
En fonction du substrat dont on le nourrit, on peut en effet obtenir des cuirs indéchirables et imperméables, des isolants acoustiques ou thermiques, des panneaux décoratifs ou des briques de construction qui à force de proliférer s'assemblent sans mortier.
Un processus qui demande un soin constant... et qui n'évite pas les "galères", s'amuse Florian Mahieu: "Car travailler avec le vivant, c'est aussi convier tous les vivants au banquet qu'on leur offre. Croyez-moi, la pourriture verte et odorante d'un champignon tricoderma n'a rien à voir avec le liant d'un mycélium! Nous sommes architectes, pas producteurs de matériaux."
Entretemps, Bento a rencontré quelques entreprises de l'économie circulaire de la région bruxelloise, comme BC Materials qui recycle le béton de construction, Sonian Wood Coop qui travaille les bois de la Forêt de Soignes de façon durable et PermaFungi qui cultive des pleurotes au marc de café dans les caves de Tour et Taxis. En mêlant de la terre crue et du béton concassé, on peut faire des sols stables en pisé; avec les bois, des charpentes sans quincaillerie; avec le marc de café et de la paille, des panneaux à base mycélium.
"C'est la première fois qu'il y a une telle cohérence", réagit Julien Jacquet, le patron de PermaFungi. "Au départ, on a besoin de transversalité, d'improvisation et de collaboration. Puis, à un moment, on a besoin que le marché se structure. On s'est par exemple vite rendu compte que nous n'étions pas des installateurs de murs. Le fait d'avoir Bento qui est capable de penser tout un système architectural et de nous mettre à la bonne place – des producteurs de mycomatériaux –, cela a du sens."
Dynamique interdisciplinaire
Pour changer d'échelle, Bento ne s'est pas seulement entouré de producteurs qui partagent ses valeurs durables. Une garde rapprochée s'est constituée autour du trio initial. "L'équipe s'est constituée de manière assez organique. On travaille tous plus ou moins ensemble depuis quelques années et on est tous un peu à cheval entre deux disciplines, ce qui a permis de matricer le tout", embraye Corentin Dalon.
"Avec Corentin Mullender, on est rentré dans le Fungal Lab, à Bruxelles, qui travaille autour du mycélium. Sa connaissance en microbiologie nous a permis d'aller plus loin dans le processus. Avec Corentin Mahieu (on est trois Corentin!), qui est designer, on a pu formaliser la conceptualisation et la scénographie de nos expositions. Juliette Salme, qui est anthropologue et documente tout le processus pour sa thèse de doctorat, nous tend un miroir sur ce que nous faisons. Enfin, avec la philosophe et éthologue Vinciane Despret, on a pu énoncer de nouveaux concepts, parce qu'il ne s'agit pas seulement de parler de nouveaux matériaux, mais du rapport qu'on entretient avec eux. Et cela a mené à tout un travail de reconceptualisation et d'imbrication de nos disciplines."
"Il faut rendre à César ce qui est à César. Ce sont ces trois jeunes architectes qui étaient interdisciplinaires", rebondit Vinciane Despret, commissaire d'"In Vivo", l'installation du Pavillon belge. "Les problèmes climatiques font à présent converger des savoirs très divergents. Il y a un mélange. Vous intégrez des biologistes, ça fait quoi? Cela veut dire que vous vous posez des questions en disant, 'tiens, mais il y a des savoir-faire techniques, des problèmes de physique, des problèmes de physique des matériaux...' Vous avez des problèmes culturels aussi, car il s'agit d'habiter... Ce que j'aime dans ce pavillon, c'est qu'on est surpris: il y a de l'inventivité."
"Les problèmes climatiques font à présent converger des savoirs très divergents. Il y a de l'inventivité."
"Moi-même, je leur ai appris à parler, à trouver les mots qui sont à la hauteur de ce qu'ils font", poursuit la philosophe. "Je leur ai dit: 'Si vous parlez de matières [et non de matériaux], vous êtes encore dans l'ancien monde alors que vous créez un monde qui n'est plus le même. Si vous dites que les champignons 'colonisent', cela veut dire que vous considérez que la colonisation est un processus naturel et que vous légitimez des processus de colonisation. Or personne ne colonise: les champignons 'explorent', 'territorialisent'. Si vous parlez de 'production', que vous 'produisez des champignons', alors, faites du béton, car ça ne vaut pas beaucoup mieux...' On a appris à parler ensemble, non pour pratiquer la 'cancel culture', mais pour trouver les mots justes qui nous fassent sentir et penser un peu autrement."
Réconcilier nature et culture
Pour comprendre ce que Vinciane Despret est en train de nous dire, il faut rentrer dans le Pavillon belge, passer dans chacune de ses alcôves pour découvrir toute la mise en œuvre d'"In Vivo" (au cœur du vivant), l'installation de Bento. S'y déploient toute la déclinaison des productions mycéliennes, des cuirs fongiques réalisés en partenariat avec la VUB et l'incubateur en plexi qui produira du mycélium durant toute la durée de la Biennale à partir des copeaux récupérés de la construction d'"In Vivo". La vaste structure de bois en carré de Sonian Wood Coop, qui occupe tout l'espace central du pavillon, délimite un sol rouge en pisé de BC Materials, et soutient une vêture de 640 panneaux de mycélium produits par PermaFungi.
Nous voici donc au cœur du projet, dont les teintes ocre et les reliefs en filaments sont doux au toucher, réchauffent la lumière crue qui tombe du lanterneau, atténuent la réverbération naturelle du pavillon et invitent à la méditation. La maison du futur? Plutôt un temple, un espace de rituel où invoquer cette nouvelle alliance entre nature et culture qu'espérait déjà réaliser Cecilia Alemani, la commissaire générale de la précédente Biennale d'art de Venise, en 2022, et dont se revendique ouvertement Lesley Lokko, la commissaire actuelle.
Car on ne vit pas en mycélium, comme on vit dans du béton – "on ne négocie pas avec du béton", dira Vinciane Despret –, mais bien avec un champignon dont certains panneaux n'ont pas été neutralisés par un choc thermique de 70 degrés. Ils sont seulement "endormis". Si la température de la pièce monte au-dessus de 24 degrés et que l'humidité de la lagune pénètre dans la pièce, le mycélium peut se remettre à fructifier... à vivre!
"On ne peut pas utiliser les ressources finies de la planète, puisqu'on vit à crédit une grande partie de l'année, et en même temps faire des promesses de bien-être et d'émancipation."
"In Vivo" nous fait immanquablement penser à "Ombre indigène", la fascinante exposition de la plasticienne belge héritière de l'Arte povera, Edith Dekyndt, en 2016, qui dans l'espace post-industriel de l'ancienne brasserie du Wiels, à Bruxelles, livrait ses œuvres au lent et infini travail de transformation des bactéries et des champignons présents dans l'air. L'artiste tentait par là de rendre apparente une conscience écologique de l'interdépendance et de l'influence réciproque entre l'homme et son environnement.
Il n'est d'ailleurs pas étonnant que Vinciane Despret cite abondamment le grand anthropologue français Philippe Descola ou feu son homologue Bruno Latour. Tous deux rejettent en bloc la séparation entre l'homme et la nature qui s'est opérée depuis le XVe siècle en Occident et qu'a formalisée Descartes, instituant l'Homme "maître et possesseur de la nature". Une pensée naturaliste mise en œuvre à marche forcée par la révolution industrielle, à la fin du XVIIIe siècle.
"Tant la philosophie libérale que les socialistes ont [à l'époque] imaginé de coupler le développement des forces productives – l'exploitation des ressources de la nature – et le bien-être qui pouvait en résulter, avec l'émancipation politique et sociale", disait récemment Philippe Descola sur France Inter. "Ce couplage a abouti à la situation dans laquelle nous sommes actuellement. On se rend compte que les deux ne sont pas possibles en même temps. On ne peut pas utiliser les ressources finies de la planète, puisqu'on vit à crédit une grande partie de l'année, et en même temps faire des promesses de bien-être et d'émancipation."
Écrire un récit fédérateur et mobilisateur
"On sait qu'on est entré dans la catastrophe", assène Vinciane Despret. "On a des philosophes, anthropologues et des activistes qui disent qu'il faut changer d'ontologie... C'est bien joli, mais comment? Faut-il aller voir les Amérindiens, redevenir animistes?" La philosophe, aidée par l'autrice Christine Aventin et la sociologue Juliette Salme, a procédé autrement et choisi la voie de la fiction pour imaginer, à la manière de l'auteur de SF Alain Damasio, un autre rapport au monde, un récit fédérateur qui puisse "activer les gens" et "élaborer une transformation de toutes leurs manières de vivre et de penser".
Dans "Demeurer en mycélium", qui prend la forme d'un livre de poche et fait office de catalogue de l'exposition (lire notre interview fictive de Vinciane Despret, ci-dessous), les autrices se sont projetées en 2050 et remontent le temps à travers une série d'archives réelles ou inventées jusqu'à la Biennale de Venise de 2023, au moment où tout a basculé. " Si on voulait le faire correctement, le fonge devait devenir un personnage important", dit encore Vinciane Despret, qui nous a imaginés vivre avec le mycélium et le mycélium, communiquer avec nous... comme avec ce fragment, retrouvé en 2040 dans les fondations d'une maison fongique et qui dit à peu près ceci: "Apprenez de nous les mots de passe" (d'un nouveau monde).
BIENNALE INTERNATIONALE D'ARCHITECTURE DE VENISE
"In Vivo"
Par le bureau d'architectes Bento | En collaboration avec Corentin Mahieu, Juliette Salme, Corentin Mullender et les producteurs Permafungi, BC Materials, Sonian Wood Coop.
Commissaire: Vinciane Despret
Du 20 mai au 26 novembre 2023
Note de L'Echo:
Vinciane Despret: "On s’est rendu compte qu’il y avait une littérature animale"
Attention, ceci est une fiction! Cette interview est le prolongement de "Demeurer en mycélium", la narration spéculative qu’a rédigée la grande philosophe du vivant de l’Université de Liège, Vinciane Despret, avec l’autrice Christine Aventin et la sociologue Juliette Salme, et qui sert de catalogue à "In Vivo", l’installation du Pavillon belge, inauguré vendredi dernier à la Biennale d’architecture de Venise. Un futur proche où l’humanité, au pied du mur, s’est réintégrée à l’ensemble du vivant et tente de communiquer avec lui...
Se souvient-on de la date exacte du basculement de l’anthropocène au mycélocène, l’ère du mycélium?
Je m’en rappelle, c’est exactement le 29 février 2040. Il y a eu un premier référendum mondial: c’est l’événement qui a vraiment marqué le basculement par rapport à l’ère précédente qu’on avait appelée l’"ère kaputaliste", de kaput… car les gens ont tout cassé.
C’est ce qu’on appelait aussi l’anthropocène…
Il y en a qui ont contesté la notion d’anthropocène parce que ce n’était quand même pas l’Homme dans son ensemble qui était responsable de la catastrophe, mais certains humains avec un système économique devenu complètement fou. L’anthropocène désignait finalement des coupables parmi un tas de gens innocents – les kaputalistes qui avaient entièrement anéanti la planète et s’étaient anéantis eux-mêmes avec l’extinction de l’expérience. Ils étaient devenus sans imagination, sans conscience, et donc ils étaient kaput.
De quelle nature était ce premier référendum mondial de 2040?
C’était le premier référendum mondial des espèces écrivantes non humaines. C’est-à-dire qu’entre 2030 et 2040, on a découvert de plus en plus de textes qui semblaient avoir été écrits par des animaux et aussi par des mycéliums, en fait par des vivants. Et une fois qu’on a commencé à les traduire, on s’est rendu compte qu’il y avait toute une littérature animale, avec des pamphlets, des poèmes. Chez les mycéliums par exemple, on a dénombré quatre catégories d’écriture: des poèmes recopiés dans nos propres livres, des mycomancies, des formes poétiques et d’autres, plus pamphlétaires...
"Entre 2030 et 2040, on a découvert de plus en plus de textes qui semblaient avoir été écrits par des animaux et aussi par des mycéliums."
On avait déjà conclu à une forme d’écriture aux phéromones pour les fourmis ou à l’encre pour les pieuvres. Mais était-ce assez pour se convaincre de l’impensable: une écriture non humaine?
Tout s’est passé finalement à peu près à la même époque. La thérolinguistique (l’étude des langues non humaines, NDLR), est tout de même arrivée tardivement, même si Ursula Le Guin en avait imaginé la possibilité, à la fin des années 1970, en rédigeant "L’Auteur des graines d’acacia". Au début des années 2000, on a vu naître la biosémiotique quand on a commencé à penser que les animaux échangent entre eux des signaux qui ont du sens. Les chercheurs se sont rendu compte qu’il y a, par exemple, des oiseaux qui lancent un cri d’alarme et désignent le type de prédateurs auquel il faut faire attention, et même qui, dans le groupe, l’a repéré.
De plus en plus d’auteurs commençaient à être convaincus qu’il y avait des formes d’écriture symboliques et significatrices, dont certaines inscrivaient même dans le réel des codes politiques. Une fois que cela a été reconnu, le jour de ce grand premier grand symposium, on a considéré qu’on entrait dans une nouvelle ère, "l’ère des temps hospitaliers".
En quoi est-ce intéressant historiquement?
Avec la période des "temps hospitaliers", la langue a vraiment changé, mais pas dans le sens d’une restriction – on sait bien qu’à l’époque de l’Allemagne nazie, la langue a été terriblement rétrécie. Au contraire, elle a connu une multiplication de significations et de nuances. Certains termes étaient devenus trop grossiers, comme "coloniser". C’est une opération spécifique, on ne va pas l’utiliser pour désigner métaphoriquement des formes d’exploration où on se met à habiter ailleurs que chez soi et où on devient approprié à cet ailleurs, comme on se l’approprie aussi.
"Depuis 20 ou 30 ans, des puissances génératives qui sont vraiment activées et qui créent des mondes très diversifiés. Il y a de l’espoir."
Comment s’est produite cette prise de conscience d’une forme d’écriture symbolique chez les mycéliums?
Lors de travaux de mycoremédiation dans une maison, en 2043, on a découvert dans les fondations des glyphes qui semblaient avoir des formes très précises, avec des répétitions. Cela aurait pu être le fruit du hasard, mais les chercheurs sont partis du principe qu’il s’agissait peut-être de formes d’écriture. Ils ont fait comme Champollion et fini par proposer des traductions qui restent tout à fait incertaines. On n’est jamais tout à fait sûr qu’on a bien traduit, puisqu’il n’y a pas encore de conversation avec le mycélium. Mais au train où vont les choses, on ne sait pas ce qui se passera d’ici à 2060.
Par rapport à la kaputocène, cela voudrait dire qu’on s’est sauvé en apprenant à cohabiter avec un ordre immémorial comme celui des champignons qui est à la base de la vie sur Terre?
On n’est pas sauvé, on ne le sera jamais. Et Dieu soit loué, il n’y a jamais de garantie. C’est vrai qu’il y a eu énormément de destructions, mais on voit tout de même, depuis 20 ou 30 ans, des puissances génératives qui sont vraiment activées et qui créent des mondes très diversifiés. Autant le début du XXIe siècle avait abouti à une espèce d’uniformisation du monde par la destruction, par la mondialisation, par le régime capitaliste, autant, maintenant, on voit réellement des mondes nouveaux qui émergent, totalement bariolés, hétérogènes. Et ça, c’est peut-être quelque chose qui pourrait donner de l’espoir.
Fiction
"Demeurer en mycélium"
Par Vinciane Despret, Christine Aventin, Juliette Salme et Bento
Édité par la Celulle architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles
318 p. - 15€
Disponible en librairie et bientôt en ligne sur Adybooks
Note de L'Echo:
En marge de la Biennale d'architecture de Venise, l'ICA a présenté le 4e "Inventaire des Architectures Wallonie-Bruxelles". Conclusion: les compétences en matière de transition durable sont là, moins la volonté politique de les mettre en œuvre.
Bénédicte Linard (Écolo), la ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, a inauguré, vendredi dernier, le Pavillon belge de la Biennale d'architecture de Venise, non sans penser déjà à la prochaine étape: l'aménagement du territoire. "Il faut faire preuve de courage et toucher aux normes, mais aussi travailler sur une vision. Je crois très fort à l'incitatif pour pouvoir valoriser les alternatives possibles qui pourraient remplacer les techniques plus tributaires d'un monde aux ressources limitées", nous a-t-elle confié, "et notamment à l'échelon local qui doit être soutenu par un cadre permettant aux acteurs de terrain de ne pas rester coincés dans des normes trop strictes".
La ministre s'est aussi montrée favorable à la nomination d'un "Bouwmeester" en Wallonie, comme il en existe en Flandre et à Bruxelles, pour conseiller les politiques sur un aménagement plus en phase avec les défis environnementaux de l'heure. Une démarche qui passe aussi par un renforcement du dialogue à tous niveaux.
Deux points qui étaient au cœur du vernissage de l'exposition, la veille, à Venise, présentant quelques-uns des projets retenus pour l'"Inventaire des Architectures Wallonie-Bruxelles", accompagnés des dessins d'Aurélie William Levaux, caricaturant nos modes de vie contemporains.
La 4e édition de cet inventaire, qui couvre la période 2020-2023, a été pour la première fois confiée à l'ICA, l'Institut culturel d'architecture Wallonie-Bruxelles. "On l'a voulu engagé", précise Audrey Contesse, sa directrice, dont l'équipe éditoriale a retenu pour le catalogue 33 projets inspirants parmi les 124 réponses jugées pertinentes quant à leur démarche architecturale régénérative (et que l'on peut toutes retrouver sur le site de l'institution).
Compétences disponibles
"On n'a pas besoin d'aller chercher des architectes internationaux: il y a la connaissance et le savoir-faire parmi nos architectes, paysagistes, urbanistes pour réaliser cette transition à l'échelle du territoire, de l'architecture et du paysage", nous dit-elle, déplorant le manque de volonté politique en Wallonie. "Ce n'est pas possible de voir ce décalage entre la volonté de nos architectes et la cécité du monde politique."
Le comité de rédaction de l'ICA s’est donc attelé à la rédaction d’un manifeste pour une démarche architecturale régénérative en Wallonie. 29 points, espère Audrey Contesse, qui pourraient, s'ils sont mis en œuvre, faire de la Wallonie et de la Fédération tout entière un exemple pour l'Europe.
Architecture
"Architectures Wallonie-Bruxelles"
Inventaire #4 - 2020-2023 - Vers une démarche architecturale régénérative
Sous la direction de l'Institut Culturel d'Architecture Wallonie-Bruxelles
Éditions Cellule architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles
208 p.
Note de L'Echo:
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