Publicité

Critique d'"Origin", le film qui dénonces les castes aux USA

"Origin" nous raconte le parcours d’une femme, Isobel Wilkerson, et d’un livre, "Caste: The Origins of Our Discontents", un ouvrage qui élargit le débat en posant la question: "Est-ce que les États-Unis d’Amérique n’obéissent pas, dans les faits, à une organisation sociale en castes?" ©Atsushi Nishijima

La scénariste de "Selma" et "This is us" Ava DuVernay adapte le livre événement qui a révélé le racisme d’état encore lancinant aux États-Unis…

Isobel écrit des articles pour les journaux. Elle vient même de gagner un prix Pulitzer. Le rédacteur en chef d’un grand quotidien lui demande d’écrire sur l’affaire Trayvor Martin, le cas d’un jeune homme noir traversant un quartier résidentiel, et qui a été suivi puis abattu par un policier en civil qui patrouillait là après ses heures "par idéal". Isobel hésite. Parler de racisme, encore? Mais est-ce que tout ce qui se passe n’est pas assimilé systématiquement à ce même "racisme", qui devient une sorte de fourre-tout trop facile?

Le soir, devant la télé, elle évoque l’affaire avec sa vieille mère. Cette femme va prononcer une phrase qui va tout changer pour Isobel: "Il aurait quand même dû répondre correctement à cet homme qui lui demandait ce qu’il faisait là". "Tu veux dire que c’est la faute du gamin?" demande Isobel. "Non, répond la mère, mais il y a des moyens d’éviter les ennuis". "Éviter les ennuis", est-ce là une manière de conduire sa vie, toute sa vie? La mère poursuit: "Il faut savoir que nous intimidons les Blancs, et agir en conséquence". Pour Isobel, cette conversation va être le fondement d’une réflexion nouvelle. Dans quelle prison mentale sa propre mère a-t-elle mené toute une vie? Par quel conditionnement considère-t-elle toujours la victime indubitable comme l’agresseur potentiel? Est-ce que ceci est encore du "racisme"? Ou bien faut-il lui trouver un autre nom?

Publicité

Parcours intellectuel

"Origin" nous raconte le parcours d’une femme, Isobel Wilkerson, et d’un livre, "Caste: The Origins of Our Discontents" (Random House, 2020). Au-delà du best-seller, l’ouvrage élargit le débat en posant la question: "Est-ce que les États-Unis d’Amérique n’obéissent pas, dans les faits, à une organisation sociale en castes?" Le mot est lâché. Un mot qui résonne: les castes sont ces strates sociales pratiquement infranchissables, et dont les membres eux-mêmes ne veulent souvent plus s’émanciper, brainwashés dès la naissance par tout ce qui les entoure: organisation sociale, codes, récits véhiculés à l’école, dans le quartier, par sa propre famille.

Didactique mais passionnant

Certes, il ne faut pas compter sur "Origin" pour révolutionner l’art du cinéma. Le traitement est appliqué. Les séquences d’installation se succèdent dans un rythme sans beaucoup de relief. Les dialogues illustrent le propos souvent fort sagement. Mais l’ambition est sans doute ailleurs: rassembler derrière les écrans le plus de monde possible, pour faire évoluer les mentalités en posant sur la table un épineux débat, dans un contexte presque didactique.

Certains parallèles avec l’Inde des castes ou l’Allemagne hitlérienne pourront parfois interloquer nos yeux européens, peu habitués aux raccourcis. Ils ont le mérite de nous déciller, et d’engager une réflexion urgente.

On suit ainsi Isabel dans une réflexion complexe, où se combinent un face à face avec sa propre expérience familiale, et des recherches historiques et anthropologiques plus classiques. Parmi les points d’orgue, le voyage à Berlin et la rencontre avec des collègues (dont une Connie Nielsen en pleine forme), autour de la question "comment l’Allemagne nazie s’est construite sur un racisme d’État". Quels parallèles dessiner sans tomber dans l’amalgame ou la caricature? C’est toute la question que se pose la journaliste. Pour faire évoluer une société, il faut avoir osé poser les problèmes qui la minent de manière subtile, mais aussi assez radicale. Les questions posées par le livre, puis par ce film qui s’en fait l’écho, sont aussi fascinantes qu’inquiétantes. Certains parallèles avec l’Inde des castes ou l’Allemagne hitlérienne pourront parfois interloquer nos yeux européens, peu habitués aux raccourcis. Ils ont le mérite de nous déciller, et d’engager une réflexion urgente.

récit

"Origin"

Par Ava DuVernay

Avec Aunjanue Ellis-Taylor, Jon Bernthal, Niecy Nash, Connie Nielsen

À voir à partir du

Note de L'Echo:

Publicité
Publicité
Le particulier repart à l'achat de véhicules neufs en Belgique
Le marché de la vente aux particuliers est en hausse de près de 15% en Belgique en 2024. C'est notamment ce qui explique que les marques aient réinvesti dans le salon de l'auto.
Messages sponsorisés