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Wim Delvoye à Vienne: Quand l'art contemporain rencontre et chamboule l'histoire

Au premier plan: Venus Italica. Au second plan: L'ordre des choses. ©Andrey Gordasevich

Au Kursalon de Vienne, le salon d’art Particolare mettait Wim Delvoye à l’honneur. Entre concerts, performance et installations, il s’est confié librement.

En janvier 2024, Marc-Olivier Wahler, directeur du Musée d’Art et d’Histoire, à Genève, invitait Wim Delvoye à une "carte blanche", après l’artiste Suisse Ugo Rondinone, le curateur français Jean-Hubert Martin et l’Autrichienne Jakob Lena Knebl, professeur à l’Université des Arts appliqués de Vienne. Au centre de cette carte blanche intitulée "L’ordre des choses", son installation Le juste retour des choses formait un circuit de billes transperçant une série d’œuvres d’âges antérieurs, dans une série de sauts d’époque en époque, de trous jubilatoires dans l’histoire. "Souvent, les conservateurs experts du XVIIe siècle ou de l’archéologie grecque n’apprécient pas l'art contemporain. J'ai dit mon intention de sacrifier telle ou telle pièce, qui a choqué: on nous a élevés pour apprécier un art ancien devenu intouchable." Est-ce du vandalisme? "Non, plutôt du recyclage. Notre civilisation recycle tout, ce qui m'a inspiré: recycler des tableaux et révéler l'hostilité que suscite une telle re-création."

À Vienne, au Kursalon, palais néo-Renaissance qui accueillit les valses de Johann Strauss, Wim Delvoye présentait autour du thème du nouveau salon d’art Particolare, le temps et le mouvement, une version light du Juste retour des choses (intitulée L’ordre des choses) et sa Venus Italica, inspirée de Canova. La "peau" de cette statue évoque les bandelettes d’une momie, formant en creux une piste de billes qui dévalent de la tête aux pieds. "J’ai toujours aimé ces jeux: ici, un circuit de billes que vous suivez, perdez, cherchez, devinez… Chercher… Je ne suis jamais fatigué de chercher." Canova est pour lui le plus grand artiste fin XVIIIe – début XIXe siècle. "On le croit classique, mais c’est un expérimentateur." La Gypsothèque de Possagno, le plus grand de ces musées d'Europe, qui conserve les plâtres et moulages de ses sculptures, a été conçue en vaste basilique éclairée par des puits de lumière naturelle. "Personne ne construit plus ainsi. L'architecte s’impose au détriment de la lumière et de l'objet d'art, et oublie ce que doit être un musée."

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Venus Italica, inspirée de Canova.
Venus Italica, inspirée de Canova. ©Andrey Gordasevich

"J’ai vu les réfugiés agir en entrepreneurs, admiré leur résilience. Venus d'Afrique, ils ont survécu à tout. Ce ne sont pas des victimes. C’est la crème de la crème."

Wim Delvoye

La Jungle de Calais

Wim Delvoye est aussi un expérimentateur. Au cours de la décennie écoulée, une expérience l’a marqué: la Jungle de Calais, ce camp de réfugiés improvisé fermé fin 2016. "Vivant entre Brighton et Gand, je suis allé maintes fois à Calais. Pas comme les gens de gauche ou de droite qui veulent aider en faisant un selfie sur l'injustice. Moi, je ne suis ni droite, ni gauche: je suis 'maladroit'. J’ai vu les réfugiés agir en entrepreneurs, admiré leur résilience. Venus d'Afrique, ils ont survécu à tout. Ce ne sont pas des victimes. C’est la crème de la crème."

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Travaillant de longue date sur la cathédrale et le gothique, il n’oublie pas que la Belgique a une longue histoire d'églises mobiles. "Ernest Solvay en a financé plus de cent, produites en Belgique, expédiées aux Philippines. J’en ai vu une à Manille, dans le style de la révolution industrielle, avec ses ornements." À l’époque, il était membre du comité des Amis du Palais de Tokyo. "Moi qui ne parlais jamais, un jour, je me suis risqué: 'Pourquoi ne pas collecter des fonds pour exposer à la Jungle de Calais? Que la bourgeoisie parisienne soit obligée d'aller voir la réalité.' Le Comité m’a remercié et remplacé par Laurent Busine." [rires] Pas découragé, il a tout étudié, "en artiste et urbaniste". "Dans la Jungle, il y avait deux religions dominantes, et leur lieu de fortune, église et mosquée. J’ai songé y construire un édifice gothique multiconfessionnel. J’ai parlé avec des réfugiés d'Érythrée et d'Éthiopie, qui avaient leurs propres églises en plastique bleu et en de bois de récupération. Je me suis dit: pourquoi ne pas leur construire une église dans mon style avec ce plastique bleu, la couleur de la Jungle, associé à de l'acier Corten, qui attire les visiteurs et leur permette de gagner de l'argent? Certains trouvaient l’idée bonne, des entreprises ont fourni du plastique, la presse en a parlé, le maire n’a pas accordé de permis et les écologistes voulaient préserver la plage… J'avais déjà eu une idée similaire en Inde. On m’avait invité, j'ai répondu: 'Dans une galerie, cela n’a aucun sens, pourquoi pas dans le bidonville?' À Mumbai, des employés de banque qui ne sont ni des gangsters, ni des pauvres habitent dans ces bidonvilles. C'est la nouvelle condition humaine."

Wim Delvoye.
Wim Delvoye.

Un siècle de réfugiés

Dans cette veine, il est allé chercher en Iran, la ville de Kachan: "depuis 2013, notre société restaure des ruines du XVIIIe siècle, à la cour plantée des plus beaux cèdres d’Ispahan. Une quarantaine de réfugiés afghans y travaillent. Nous y organiserons des expositions. J’ai choisi cet endroit important aux XVIIe et XVIIIe siècles, proche des premières écritures, de la Route de la soie". Il est convaincu d’une chose: "pour nous enrichir, nous devons accepter les réfugiés. Au XVIIe siècle, les protestants sont venus des Flandres et de France, et les Juifs du Portugal, à Amsterdam, une ville pauvre. C’est alors devenu la plus riche du monde"». Pour le monde de l'art, "c'est l'avenir", pense-t-il. "Les réfugiés sont la population qui croît le plus dans le monde. Ce sera la nouvelle façon d'être. Nous sommes tous appelés à devenir des réfugiés, une valise près de notre lit, on ne sait jamais… Chacun se prépare inconsciemment. Moi, en libre penseur, j’observe leur culture, qui inspire de plus en plus l'architecture, l'art, la philosophie, la musique."

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Quel sera son prochain projet en Belgique? "Fêter le 25e anniversaire des Cloaca", depuis leur première installation au M HKA en 2000. "Une petite exposition d’esquisses, de dessins et d’accessoires, chez Rodolphe Janssen à Bruxelles." Ensuite, ce sera l'exposition du Louvre-Lens sur le gothique, en 2025: "le gothique est évidemment une période, un style, mais surtout un état d'esprit, comme le romantisme, qui s’est perdu". C’était l’esprit des cathédrales, construites par toute une communauté sur plus d’un siècle: "plus rien de tel n’existe dans nos sociétés."

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