Marc Bloch, l'histoire au Panthéon
Le grand historien et résistant français Marc Bloch va faire son entrée au Panthéon. Lui qui fut l'une des victimes de Klaus Barbie est notamment l’auteur de "L’étrange défaite", ouvrage essentiel pour comprendre à la montée du fascisme...
Engagé en 1943 dans la résistance, Marc Bloch (1886-1944) est arrêté par la Gestapo en mars 44 et torturé à la prison de Montluc à Lyon. Il est fusillé le 16 juin 1944, aux côtés de vingt-sept autres résistants. Cofondateur, en 1929, de la revue «Annales», Marc Bloch était un historien reconnu et admiré, qui n’avait pas hésité à s’engager dans la lutte contre l'occupant nazi. Au cœur de la guerre, entre 1941 et 1943, il s’était également lancé dans la rédaction d’un ouvrage qu’il laissa inachevé, un livre de méthodologie: «Apologie pour l'histoire ou le métier d'historien». Le sous-titre initial était: «Comment et pourquoi travaille un historien». Aujourd’hui encore, l’ouvrage reste une référence pour tout jeune étudiant en histoire.
À l’heure où le monde basculait dans la nuit, dans ce contexte dramatique, Marc Bloch avait sans doute ressenti ce besoin impérieux de réaffirmer la nécessité de l’histoire en précisant le rôle crucial de l’historien. Marc Bloch s’efforce ainsi de légitimer la science historique, en définissant ses règles et ses objectifs, mais surtout une éthique, ce qui fait l'essence de son «métier».
"La fausse nouvelle est le miroir où la conscience collective contemple ses propres traits."
Aucun autre historien n'a sans doute à ce point tendu un miroir sur sa pratique. Le livre débutait ainsi, presque naïvement: «‘Papa, explique-moi donc à quoi sert l’histoire’. Ainsi un jeune garçon qui me touche de près interrogeait, il y a peu d’années, un père historien. Du livre qu’on va lire, j’aimerais pouvoir dire qu’il est ma réponse».
À quoi sert l’histoire?
«À quoi sert l’histoire?» Cette question résonne plus que jamais aujourd’hui, à une époque où l’histoire est triturée dans tous les sens par les opinions diverses, parfois ignorée ou tout simplement niée. Face au flux de fake news en tout genre, dans le chaos informationnel ambiant, l’historien est bien souvent inaudible, son autorité contestée.
Une situation que Bloch avait magistralement anticipée: «La fausse nouvelle est le miroir où la conscience collective contemple ses propres traits». L’histoire au service de l'idéologie, Marc Bloch la connaissait bien: il y était confronté dans ces jours sombres des années 40 où le régime de Vichy avait dans sa ligne de mire les sciences humaines et la culture, soucieux d’affirmer sa version nationaliste et raciale de l’histoire. Cet ouvrage de Bloch sonne donc comme une mise en garde: que faisons-nous à l’histoire et que voulons-vous faire avec elle?
Face au flux de fake news en tout genre, dans le chaos informationnel ambiant, l’historien est bien souvent inaudible, son autorité contestée.
Il définit ainsi l’histoire comme cette «science des hommes dans le temps», porteuse de l'espoir ou de l'utopie que «les sociétés consentiront enfin à organiser rationnellement, avec leur mémoire, leur connaissance d’elles-mêmes». Tout en étant historien, Marc Bloch était précisément ancré dans son temps. Ce texte peut donc être lu à la fois comme un acte de résistance intellectuelle et un testament plus intime: celui d’un intellectuel engagé – l’expression, si souvent galvaudée, reprend dans son cas tout son sens – revendiquant sa dignité et affirmant ses choix jusqu’au bout…
→ À lire: Marc Bloch, "Apologie pour l'histoire ou métier d'historien" (2e édition), aux éditions Dunod, et "L'étrange défaite", aux éditions Gallimard/Folio histoire.
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