L’âme de Jos van Immerseel n’est pas éternelle

Séisme dans le petit monde la musique classique. Le conseil d‘administration de l’orchestre brugeois Anima Eterna a annoncé par voie de presse se séparer de son fondateur, Jos van Immerseel, 78 ans, suite à un «comportement agressif persistant» et des «violations régulières des obligations contractuelles». Selon Joost Maes, membre du CA, Jos van Immerseel se serait exprimé «tant à l’extérieur qu’à l’intérieur sur la politique artistique de la formation d'une manière qui n'était plus admissible. Il s’agissait parfois d'insultes, parfois de menaces, parfois de mensonges.»

Et Maes d’ajouter que van Immerseel «avait été étroitement associé à l'élaboration du plan d'action 2023-2027, à la nouvelle série de subventions et au choix de son successeur. Avant de s’en distancier et de ne plus coopérer de manière constructive.»

Communiqué cinglant… 

«Allégations fausses et donc diffamatoires», a déjà réagi l’avocat du chef flamand, soulignant que celui-ci, «en homme passionné, avait donné son avis». Contestation est également faite selon lequel Jos van Immerseel n’aurait pas respecté ses accords contractuels. Le chef licencié a, quant à lui, réagi en termes similaires, protestant contre le contenu et la forme du communiqué de presse: «Il s'agit d'un abus de pouvoir et d'une intimidation, d'un assassinat de l'œuvre de ma vie». Avant de préciser à nos confrères du Standaard qu’il s’agissait aussi d’un «pillage le privant de revenus».

L’œuvre d’une vie est effectivement l’expression qui convient pour retracer le parcours de van Immerseel, né à Anvers en 1945, et qui s’est vite imposé parmi les chefs défendant l’interprétation historiquement informée. Créateur de l’ensemble Anima Eterna en 1987, van Immerseel, spécialiste des claviers anciens – il possède une belle collection de clavecins et de pianofortes – s’attaque à ses débuts au répertoire baroque.

Instruments d’époque

Dès 1988, il dirigera ainsi «Les Plaisirs de Versailles» de Marc-Antoine Charpentier à l’opéra de Versailles. Mais le XVIIe siècle est trop étroit pour les appétits du chef, qui va peu à peu élargir son horizon à la musique dite classique – celle du XVIIIe siècle – et aux grandes œuvres romantiques du XIXe siècle. Et toujours sur instruments d’époque, ce qui va constituer son originalité. Même le XXe siècle n’échappera pas à sa soif d’exploration, fréquentant Borodine, Rimski-Korsakov, Strauss…

En 2021, alors qu’il fête ses 75 ans, il décide de faire un pas de côté en tant que maestro d’Anima Eterna, laissant désormais la place à des chefs invités (Antonini, Heras-Casado…), ne se réservant le pupitre de direction qu’à de rares occasions.

À la source d’une importante discographie – dont «Le clavecin à Paris au XVIIIe siècle» (Channel classics) est le dernier album paru –, Jos van Immerseel a incontestablement marqué son époque. Qu’il a visiblement, tout aussi incontestablement, du mal à quitter…

Il est de notoriété publique que sa succession, évoquée depuis plusieurs années et souhaitée par le pouvoir subsidiant (flamand), n’allait pas être simple. Connu pour ses propos tranchés, peu soucieux de mettre des gants, van Immerseel était effectivement un …passionné.