Record Store Day, entre microsillons et grandes spéculations
Journée annuelle de soutien aux disquaires indépendants, le Record Store Day est l’occasion de mettre la main sur pléthore de vinyles de collection. Organisé ce samedi 12 avril, l’événement suscite enthousiasme, spéculation et... frustrations.
Ce samedi, sur le coup de 8 heures du matin, une file de mélomanes est attendue sur le piétonnier du centre-ville bruxellois. «Certains viennent encore plus tôt que ça, dans l’espoir de dégoter un vinyle inédit», explique André Tart, dit «Dédé», le patron du mythique Caroline Music. «Nous participons au Record Store Day depuis la première édition européenne, en 2009.» Créé un an plus tôt aux États-Unis et au Canada, la manifestation a pris de l'ampleur au fil des éditions. «Désormais, pour un magasin comme le nôtre, il s’agit du jour le plus rentable de l'année. C'est mieux que Noël! Nous enregistrons des recettes équivalentes à une semaine entière de travail.»
Dit autrement, le Records Store Day est un rendez-vous incontournable du calendrier. «L'enjeu commercial est considérable. Nous préparons l’événement longtemps à l'avance.» Dès le mois de février, Dédé et ses collègues du Caroline Music scrutent ainsi avec attention la liste des références pressenties dans le catalogue du Records Store Day. «Au départ, il s'agissait d'un petit moment sympa, mis en place pour soutenir l'activité des disquaires indépendants face à la grande distribution. Aujourd'hui, c'est devenu un temps fort pour nous, mais aussi pour les maisons de disques…»
Dans la cour des poids lourds
«Au point de départ, le Record Store Day se concentrait surtout sur des artistes alternatifs, parfois obscurs, mais toujours pertinents. Aujourd'hui, une large part de l'offre repose sur des artistes populaires comme Taylor Swift, Gracie Abrams ou Charli XCX. Ces noms sont assez représentatifs de la demande.» En jetant un coup d’œil sur les vinyles les plus coûteux de toute l’histoire du Record Store Day, force est de constater que Taylor Swift place effectivement cinq références dans le classement (pour des vinyles qui s’échangent désormais à des prix allant de 1.000 à 2.500 euros…).
«Cela reflète l'évolution spéculative du Record Store Day, mais aussi les demandes de la clientèle. Pour nous, ce changement est providentiel. Car il amène des jeunes à investir dans l'objet physique, alors qu'ils ne le faisaient pas auparavant. C'est d'autant plus salutaire qu'aujourd'hui, sur l'ensemble de la musique vendue dans le monde, l'objet physique ne représente que 6% du marché. Tout le reste, c'est du streaming.»
La forte représentation des majors de l’industrie et des têtes de gondole du marché n’empêche pas certaines maisons de disques indépendantes de participer à l’opération. À l’image du petit label bruxellois Humpty Dumpty Records. «Pour nous, cet événement est une fenêtre intéressante», assure Christophe Hars, le gestionnaire du label. «Nos sorties sont répertoriées sur le site du Record Store Day. Les gens le consultent massivement en amont pour voir ce qu'ils peuvent espérer dénicher le jour J chez les disquaires. Se retrouver à côté de David Bowie, The Cure ou Taylor Swift, ça nous offre une visibilité inespérée.»
"Cela fait trois mois que des gens me demandent si le vinyle du concert de Bowie en 2003 sera dans les bacs ce samedi 12 avril. Nous l'avons commandé. Mais il n'y a que 6.400 exemplaires pour le monde entier...
Pour sa toute première participation au Record Store Day, la structure indépendante s’en va rééditer le premier album du groupe de rock garage Mountain Bike, ainsi que «Pictures», disque phare du groupe bruxellois V.O. (depuis rebaptisé River Into Lake). «Le premier fête son dixième anniversaire, le second ses 20 ans et, celui-là n'a jamais existé en vinyle.» Pour souffler les bougies avec l’art et la manière, Humpty Dumpty Records ressort ces objets introuvables sur des vinyles colorés, pressés en éditions limitées. «Pour chaque pièce, il n'y a que 350 exemplaires disponibles pour la Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas.»
Événement à double tranchant
Dans l’offre pléthorique du Record Store Day, les figures sacrées du rock restent des valeurs sûres. «Cette année, par exemple, il y aura des versions exclusives d'albums des Rolling Stones ou de George Harrison», souligne le patron du Caroline Music. Mais l'objet le plus couru est assurément le vinyle du concert enregistré par David Bowie en 2003.
«Là, ça fait trois mois que des gens me demandent si ce vinyle sera dans les bacs ce samedi 12 avril. Nous l'avons commandé. Mais il n'y a que 6.400 exemplaires pour le monde entier… Au mieux, nous en aurons une dizaine. Quelques minutes après l'ouverture du magasin, nous passerons la journée à frustrer les gens qui cherchent ce disque de Bowie. C'est paradoxal. D'un côté, le Record Store Day nous met à l'honneur. D'un autre côté, il nous met en porte-à-faux à l'égard d'une partie de la clientèle. L’événement crée de la rareté et, par extension, des biens précieux…»
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