Robbing Millions, chanteur: "J'étais heureux d'être confiné"
"Rêve Party" (Capitane Records) est le troisième album de Robbing Millions, faux groupe bruxellois qui cache un vrai talent... Lucien Fraipont!
Guitariste de jazz, qui évolue par ailleurs avec les légendaires Aksak Maboul, Lucien Fraipont sort un troisième album avec Robbing Millions, derrière lequel se cache son versant art-pop mâtiné de psychédélisme puisque le Bruxellois compose, enregistre absolument tout seul.
Plus intime et modeste que le double précédent voici deux ans, «Rêve Party» est un mélange luxuriant de rock psychédélique américain à la Love, de folk planant rappelant Robert Wyatt, de french pop façon Air ou de jazz style Frank Zappa. Tout ça dans une approche méandreuse, serpentine qui évoque, et pour cause, l'approche musicale des rockeurs indie de MGMT...
L'album rappelle le son MGMT, logique puisque le producteur est le même....
En fait, c'est le fils de Dave Fridmann, le producteur attitré de MGMT et de Tame Impala, des artistes que j'écoutais plus jeune, comme d'ailleurs des groupes plus anciens comme Mercury Rev ou les Flaming Lips. J'étais déjà en contact avec le chanteur de MGMT, car mon double album précédent est sorti sur leur label. Dave Fridmann étant pris par le temps, il m'a conseillé son fils Mike, son assistant depuis une quinzaine d'années. Je ne l'ai pas rencontré physiquement parce qu'il habite à Buffalo, mais nous avons très bien collaboré à distance.
Votre musique a un aspect très sinueux...
On me demande souvent si ce côté complexe est volontaire. En fait, tout dépend du background de l'auditeur. Pour les amateurs de jazz, cela paraît super pop. Pour les fans de pop, cela semble complexe et sinueux. En fait, j'essaie juste de produire les sons que j'aime, de me surprendre moi-même quand je réécoute un morceau, du fait d'un twist musical ou via des aspects plus évidents, un côté émotionnel par exemple. En tout cas, le but n'est pas de faire du sinueux pour faire sinueux: plutôt de s'amuser pour ne pas se lasser.
"Pour les amateurs de jazz, cela paraît super pop. Pour les fans de pop, cela semble complexe et sinueux."
"Rêve Party"… Pourquoi ce titre?
C’est le nom de l’un des 12 morceaux de l'album qui a été conçu pendant le confinement. Cette chanson «Rêve party» résulte du fait que j'étais heureux quelque part d'être... confiné, ce qui me permettait de me plonger plus encore dans ma musique, d'autant que j'enregistre beaucoup chez moi. Le confinement fut la bonne excuse pour ne plus faire que cela.
Un matin, durant l'un des confinements, j'ai croisé un ami portant des valises pleines de vinyles, un pote suivant derrière lui avec des platines: ils partaient faire… une «rave party» dans les bois. Je n'y ni suis pas allé, trop heureux de jouer l'ermite, à enregistrer de la musique. Avec «Rêve Party», j'ai imaginé et fantasmé la leur, tout en restant chez moi. (Il sourit)
Vous faites souvent référence à des groupes des années soixante-septante comme Love et Weather Report...
J'écoute Love depuis que je suis adolescent et d'autres groupes un peu sixties psychédéliques, du genre des Beach Boys ou The Left Banke qui faisait du psychédélique sans clichés. D'autres influences s'y ajoutent, et je me retrouve dans leur mélange respectif, parfois iconoclaste, difficiles à ranger dans une case. Par exemple, Love est un groupe multiracial, ce qui est rare à l'époque, incluant deux musiciens noirs dont le leader Arthur Lee. Pour Weather Report, c'est plus récent, et leur influence se retrouve dans les sons de clavier de l'album.
"C'est l'avantage d'un pays patchwork, sans véritable identité, vu que l'on nous est passé dessus à de nombreuses reprises."
Un groupe très jazz celui-là...
J'ai étudié la guitare au conservatoire de jazz. Je me suis impliqué dans différentes formations jazzy que j'ai un peu mises de côté depuis que j'ai créé Robbing Millions. Mais l'influence reste prégnante, d'autant que j'écoute régulièrement du jazz.
En quoi Saint-Gilles où vous habitez influence-t-il votre musique?
En fait, je suis néo-Saint-Gillois, ayant déménagé seulement en décembre: j'ai grandi tout près du Palais de Justice et habité dans les Marolles pendant huit ans. Cet album est donc plus associé aux Marolles, bien que je pense qu'on ne décèle rien de marollien en l'écoutant, plutôt un côté bruxellois et peut-être belge. Le côté patchwork d'influences, de mélanges culturels assez improbables est dû au fait qu'en Belgique, il n'y a pas de tradition musicale nationale. C'est l'avantage d'un pays patchwork, sans véritable identité, vu que l'on nous est passé dessus à de nombreuses reprises.
Lorsque j'étudiais le jazz à La Haye, j'allais écouter la musique dans les cafés qui avaient chacun un style musical propre, auquel il ne dérogeait pas. Tout était très carré. Quand je revenais à Bruxelles, c'était le bordel: une jam pouvait commencer jazz, virer latino pour terminer dans l'africain. Ici, les piétons traversent au rouge: la ville a un côté napolitain…
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