Pierre Thys (Théâtre National): "Avec le corps, c’est immédiat!"
Placée sous le signe de la symbiose et d'une programmation collégiale, la deuxième saison de Pierre Thys continue de bouleverser les codes au Théâtre National.
Comme l’an passé, la saison du Théâtre National s’ouvre à la fois en Wallonie et à Bruxelles. Ce n’est pas la seule innovation de Pierre Thys, son directeur, qui entend briser l’entre-soi du secteur et s’ouvrir à d’autres cultures, d’autres genres, d’autres générations. "Il y a aussi une nouvelle porosité avec l'espace urbain", nous dit-il à quelques jours du coup d’envoi.
Quel premier bilan tirer de votre première saison?
Nous avons établi une espèce de panorama de la fréquentation, surtout à partir de janvier, période lors de laquelle les activités ont réellement repris après le Covid. Et on note, jusqu'à mai-juin, une quasi-totalité de salles pleines. Alors, toujours très tard en réservation, mais finalement sold-out en fréquentation.
C'est propre au Théâtre National ou est-ce une situation qu’on a constatée partout dans le secteur?
C’est multifactoriel. Je pense que la fin du Covid a fait en sorte que les gens ont eu d'un coup envie de "bouffer" du théâtre et de la danse. Et puis, sans prétention aucune, c'est aussi dû à un changement de direction et tout d'un coup à de nouveaux axes de programmation qui ont amené un public différent.
"Ce que j'apporte à cette maison, c'est davantage d'hybridation dans les formes, une nouvelle porosité avec l'espace urbain."
Cela fait-il évoluer l’identité du théâtre, traditionnellement ancrée dans un certain engagement, au risque parfois de lasser le public…
Les axes de programmation que je défends s'inscrivent clairement dans une certaine continuité. On continue à défendre un théâtre politique, un théâtre social, qui questionne la société. Ensuite, ce que moi j'apporte à cette maison, c'est davantage d'hybridation dans les formes. Le meilleur exemple reste l'introduction de la danse et surtout des grands ballets contemporains – formes multiples qui attirent un public très large et de différentes générations. Il y a aussi une nouvelle porosité avec l'espace urbain. Ainsi, notre fête d’ouverture, à Bruxelles, se fait-elle en étroite collaboration avec le festival de danses urbaines Détours. On débute sur le piétonnier pour terminer par une battle sur le grand plateau du National.
C’est un juxtaposition d'offres ou bien cette porosité modifie-t-elle la nature même du théâtre?
Les artistes qui gravitent aujourd'hui autour du Théâtre National impriment une identité qui est claire et différente. Pour ne pas les citer, Joëlle Sambi, slameuse et poétesse bruxelloise, ou Hendrickx Ntela, krumpeuse de la province de Liège… Pour rappel, Caroline Lamarche, grand autrice belge francophone, et Joëlle Sambi, ont coprogrammé le festival Dès Mots à Défendre avec notre programmatrice et directrice de production Valérie Martineau et moi-même. Ce qui signifie que l'on quitte aussi le regard univoque du programmateur-directeur. Travailler avec un comité de programmation, en saison comme en festival, convoque d'autres imaginaires, d'autres apparences qui font qu'évidemment, on touche un public encore plus large.
En un mot, votre ligne directrice?
L'hybridation des formes…
"Travailler avec un comité de programmation, en saison comme en festival, convoque d'autres imaginaires."
Des exemples dans la nouvelle saison du Théâtre National?
«One Song» de la créatrice flamande Miet Warlop, qui a triomphé au Festival d'Avignon, en 2022, et qui devient aujourd'hui un blockbuster international. Ce n'est ni du théâtre ni de la danse. Cela pourrait s'apparenter à de la musique, sans en être. On est franchement dans la catharsis de tout ce que la performance d’aujourd'hui peut apporter d'intéressant: six jeunes performeurs et un métronome qui vont répéter inlassablement un tube rock à chaque fois sur un tempo différent. C’est prodigieux!
Aujourd’hui, c’est d’abord par le corps que passe l’émotion?
Avec le corps, il y a une forme d'expression instinctive. Quand elle est juste et clairement posée sur un plateau, c'est immédiat!
Les deux week-ends d'ouverture:
08 > 10.09.23 Jours de fête, à Bertrix (Province du Luxembourg).
20 > 23.09.23 Week-end ouvert, à Bruxelles, avec Détrours, le festival des cultures urbaines.
20 > 23.09.2023 «En une nuit», création collective liégeoise autour de l'œuvre toujours plus actuelle de Pier Paolo Pasolini.
21 > 22.09.23 «Via Injabulo», de la compagnie Via Katlehong, qui porte haut la «pantsula», danse populaire virtuose des ghettos noirs d’Afrique du Sud.
05 > 09.12.23 «One Song» de Miet Warlop, grand succès du Festival d’Avignon en 2022, coréalisé avec le Kaaitheater.
10 > 14.01.2024 «Le Péplum médiéval» d'Olivier Martin-Salvan. Un regard fécond sur le Moyen Âge, porté en partie par des acteurs et actrices professionnels porteurs de handicap.
30.01 > 02.02.24 «Sans tambour», fascinant théâtre musical de Samuel Achache.
07 > 10.02.24 «Daddy» de Marion Siéfert, créé à L'Odéon, et qui a bouleversé les codes théâtraux.
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