"Skatepark", la jeunesse urbaine sur scène

Retour au bercail pour le spectacle "Skatepark". Après avoir été joué à Paris et Angers, il se produira au Théâtre National de Bruxelles. Le projet est né dans la tête de Mette Ingvartsen lorsqu’elle se promenait avec ses enfants au skatepark de Bruxelles, où elle vit. La chorégraphe danoise a rassemblé deux patineuses ainsi que des danseurs et skateurs locaux. La plupart expérimentent leur première scène.

Rampes en bois, grilles, néons fluo, tôle ondulée, tags, pneus, panier de basket… Vingt performeurs s’élancent dans cette scénographie immersive et réaliste, signée Pierre Jambé.

Âgés entre 11 et 36 ans, ils semblent unis par un lien invisible. Ils cohabitent l’espace avec fluidité, s’envolent dans les airs, enchaînent les figures et les prouesses physiques. Certains se lancent des défis et se filment avec leur smartphone. La compétition reste bienveillante puisque tomber est nécessaire pour apprendre et progresser. Des lignes et des cercles se font et se défont, l’ensemble paraît dépourvu d’une direction stricte, laissant place à la spontanéité.

La souplesse de l’écriture chorégraphique permet aux performeurs de se fondre dans le mouvement. La musique oscille entre techno et punk. Une guitare électrique accompagne le spectacle, et certains s’emparent parfois du micro. Le rap et la danse hip-hop sont de mise.

"Chorégraphie perméable"

"Skatepark" s’inscrit dans la lignée du travail de Mette Ingvartsen, reconnue pour sa provocation et sa capacité à repousser les limites de la danse contemporaine. Elle explorait le lien entre sexualité et capitalisme dans "7 pleasures" en 2015, la pornographie dans "To come (extended)" en 2017 ou encore la rave techno avec "The Dancing Public" en 2021. À 40 ans et des poussières, la Danoise accumule une vingtaine de performances au compteur, et aucune ne laisse indifférent.

Avec "Skatepark", elle étend les pratiques artistiques au-delà du studio de danse, créant ce qu’elle nomme une "chorégraphie perméable". Elle souhaite "comprendre la danse comme un phénomène social, où le mouvement ne peut être déconnecté du monde dans lequel nous vivons", ce qui rend la scène "perméable à des mouvements de la vraie vie".

Le skatepark apparaît comme un bouillonnement en constante évolution. La chorégraphe le qualifie d’"un espace d’expérimentation physique virtuose", mais aussi de "lieu de rencontres interculturelles entre des communautés qui partagent un espace public commun". La mixité est totale, les individus se rassemblent autour d’une passion commune et forment une famille alternative.

Libre et subversif

Pendant un instant, la scène se vide, la musique se déstructure et l’angoisse nous emplit. Celle d’une jeunesse révoltée? "Enough" répète le groupe, en polyphonie. Nous baignons dans une intimité profonde, pudique, l’espace n’est illuminé que par la lueur de guirlandes et lampes de poche. L’énergie brute du groupe vacille du chaos à l’harmonie. Les limites entre le théâtre et la rue s’effacent, nous plongeant dans un spectacle envoûtant. "Skatepark" dévoile alors une allure plus subversive. Les patineurs et skateurs revêtent des masques inquiétants, livrant leur côté le plus débridé. Les jeunes artistes semblent s’exprimer avec le cœur, sans être réduits à leur virtuosité sur roulettes. Le résultat est un ballet en mouvement constant, un spectacle énergique, incarnant l’esprit rebelle et la cohésion de la jeunesse.