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Vous prendrez bien un peu d'iode?

©Aude Vanlathem

On est entré dans une pharmacie, et on est ressorti avec ces petites pastilles d'iode, que nous sommes invités à prendre en cas d'accident nucléaire.

Ce n’était pas planifié du tout. Ca ne nous trottait même pas spécialement en tête – disons plutôt que c’était remisé quelque part, sous une fine couche de poussière. Et puis, on est passé devant une pharmacie. Alors on est entré. Et on est ressorti avec ces petites pastilles d’iode, vous savez, celles que les Belges seront invités à croquer après un accident nucléaire.

Sur la boîte aux couleurs nationales, ils ont été généreux en dessins. De quoi nous apprendre qu’on n’était, à peu de choses près cela dit, pas encore tout à fait périmé. Une fois passées les 40 piges, ce n’est plus la peine d’enfourner de pilule, il faut croire que votre thyroïde ne vaut plus vraiment la peine que l’on s’excite.

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Rentré à la maison, tout iodé, on a été accueilli par un "Mais c’est quoi ce pays?" Frais, mais très judicieux. Parce que quel est donc ce pays?

Deux choses, à notre humble avis.

Il y a l’aspect nucléaire. Fondamentalement, une technologie qui nous échappe, parce que nous ne la maîtrisons pas de bout en bout. On l’entend déjà: allons, allons, voilà des décennies que l’on a dompté l’atome. Rien du tout. Dangereuse illusion. Déjà, dès qu’il y a un pépin, on est débordés. Souvent de façon magistrale.

Et surtout, en fin de chaîne, on ne sait pas vraiment que faire de ces satanés déchets, qui semblent avoir l’éternité devant eux. Pour l’heure, la meilleure solution que l’on ait trouvée, c’est de les cacher sous nos pieds – et encore, il semble que l’on en revienne, de cette solution miracle.

Parfaitement, les enterrer, et puis les oublier. Comme un chien le fait d’un os. Il n’y aurait rien à craindre. On a même déjà entendu, ne sortant pas de la bouche du premier venu, l’argument – démoniaque – suivant. Si l’enfouissement fait peur à certains, c’est parce qu’il leur rappelle la mort et l’enterrement. Voilà tout.

Cynique et habile. Parce que cela dit, en gros, que celui qui questionne l’enfouissement n’a, au fond, pas digéré sa propre finitude. Ce faisant, on disqualifie le contempteur, que l’on accuse d’avoir quitté le champ rationnel pour patauger dans l’affect. Et cela même sans en avancer un, d’argument charpenté.

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Alors qu’au final, tout ce que l’on fait, c’est enterrer le pot aux roses. Avec une question de portée presque philosophique. L’entreposage doit-il être irréversible ou non? Surtout, les sites doivent-ils être identifiés en tant que tel, ou pas? Autrement dit, l’humanité sera-t-elle armée, dans quelques siècles, pour gérer le tout ou, au contraire, vaudrait-il mieux qu’elle ne sache pas ce que l’on a planqué et où, afin d’éviter qu’elle n’en fasse n’importe quoi?

Tchu, il n’y a pas à dire. Un tel niveau de maîtrise technologique, ça en impose.

Et puis, il y a l’aspect belge. Parce qu’en Belgique, on n’a toujours pas décidé ce qu’on allait en faire, de ces jolis déchets – qui, en attendant, barbotent en piscines ou moussent en fûts. Cela ne fait jamais que depuis les années 70 qu’on est occupés.

Tant qu’à faire, on aurait pu profiter de la prolongation de centrales ultra-amorties afin de financer une transition énergétique ambitieuse. Du tout. On est toujours en train de se demander quand et comment on va remiser à la casse nos vieilles pétaudières nucléaires. Et plus le temps passe, plus il y a de chances que l’on reparte pour un tour.

Et on distribue des pilules à la population. Le petit côté bricolage et amateurisme de la Belgique, dans certains dossiers, cela peut encore être considéré comme mignon. Dans d’autres, par contre, cela confine à l’imbécillité.

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