Les objectifs climatiques de 2030? Très difficiles à atteindre, selon Philippe Defeyt
Les objectifs de l'UE en matière de baisse des émissions de CO2 seront difficiles à rencontrer dans le résidentiel et le trafic routier, estime Philippe Defeyt.
Le constat de Philippe Defeyt, économiste à la tête de l'IDD (Institut pour un développement durable), est tranchant: "sans coup de barre et sans coup d'accélérateur forts, il sera (très) difficile d'atteindre", en 2030, l'objectif européen de diminution de 55% des émissions de CO2 (par rapport à 1990) dans deux secteurs précis: la circulation routière et le résidentiel.
Il faudrait, selon lui, davantage de changements de comportements et technologiques, d'investissements privés et publics ainsi que la mise en œuvre concertée d'instruments économiques et réglementaires.
"Les mesures incitatives et les programmes de rénovations prévus dans le logement social par les trois Régions ne suffiront pas à atteindre le taux de rénovation nécessaire."
Résidentiel et trafic routier représentent quasiment la moitié des émissions de CO2 liées à l'énergie, selon les chiffres de 2019. Donc, "une insuffisante réduction des émissions de CO2 dans ces deux secteurs ferait peser un poids plus grand encore sur les autres émetteurs de CO2". Et notamment sur la production d'électricité, alors que ce segment sera sous tension suite à la sortie du nucléaire. "Et l'on sait", ajoute Philippe Defeyt, "les difficultés de réduire de beaucoup les émissions, d'ici à 2030 en tout cas, dans d'autres secteurs, notamment dans l'agriculture."
Davantage de kilomètres...
Concrètement, l'analyse des données des véhicules-kilomètres parcourus (par les voitures, les véhicules lourds et les camionnettes) indique que le nombre total de véhicules-kilomètres continue à croître. Et même en envisageant un scénario d'évolution optimiste, on resterait loin de l'objectif de -55% adopté par l'Union en décembre 2020 du côté de la circulation routière.
Pour Philippe Defeyt, il faudra un changement plus radical encore, plus intense et rapide, des habitudes, tant dans la composition du parc automobile que des modes de transports.
Intensifier les rénovations
Pour le secteur résidentiel, l'étude a calculé l'ampleur de la diminution nécessaire de quantité d'énergie par ménage pour rencontrer l'objectif de -55%. Résultat? Il apparaît qu'il faudrait booster fortement la tendance à la baisse de la quantité d'énergie consommée par ménage, de 50% environ.
"Il faudra bien un jour évoquer la mise en place d'obligations légales de rénovation, en particulier dans le cas d'un changement de propriétaire."
Cela impliquerait de multiplier par environ 2,5 le nombre annuel de rénovations lourdes, sachant que la baisse des émissions du résidentiel emprunte de nombreux chemins (réduction de la taille moyenne des logements, rénovations énergétiques, performances de chaudières, nouvelles technologies, construction de logements plus performants).
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Obligations légales de rénovation?
"Les mesures incitatives et les programmes de rénovations prévus dans le logement social par les trois Régions ne suffiront pas à atteindre le taux de rénovation nécessaire", constate l'étude.
Et donc, que faire? L'objectif de réduction d'émissions nocives "sera de toute manière difficile à rencontrer tant que l'on n'aura pas augmenté les capacités de production du secteur de la construction." Pour Philippe Defeyt, "il faudra bien un jour évoquer la mise en place d'obligations légales de rénovation, en particulier dans le cas d'un changement de propriétaire."
Un ralentissement de la croissance pourrait certes contribuer à se rapprocher des objectifs climatiques, mais il y aurait alors un coût social...
De manière globale, constate le responsable de l'IDD, il faudrait "des politiques ou évolutions socio-économiques d'une tout autre ampleur, voire d'une autre nature", pour arriver à l'objectif européen en 2030. Quant à espérer que des changements de comportements initiés lors de la crise sanitaire puissent aider, cela ne paraît pas très réaliste.
Une étude du Bureau du plan sur le télétravail a montré que ce mode de fonctionnement n'entraînerait pas une réelle baisse du trafic. Un ralentissement de la croissance pourrait certes contribuer à se rapprocher des objectifs climatiques, mais il y aurait alors un coût social...
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