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analyse

Ce qui sépare les programmes de Trump et Biden

Plus que jamais dans l'histoire récente, deux Amériques se font face lors de ce scrutin.

Les programmes de Joe Biden et Donald Trump proposent deux visions diamétralement opposées de l'Amérique, même s'ils ne sont pas opposés sur tout, ni toujours très détaillés.

Sur le papier aussi, Biden et Trump sont souvent comme l’eau et l’huile, avec quelques exceptions notables. Mais à l'heure de se pencher sur leurs programmes, un double avertissement est de rigueur. Un, "l'agenda" du président sortant est très lacunaire, ce qui rend la comparaison point par point difficile. "Donald Trump cultive l’ambiguïté, c’est une stratégie pour allier des communautés ou sous-groupes entre lesquels il y a parfois un grand écart (ultra-religieux, libertaires, suprémacistes blancs…)", explique Emilie Van Haute, politologue à l’Université libre de Bruxelles. Deux, la comparaison des programmes ne dit pas grand-chose des dispositions des candidats à l’égard de la démocratie libérale. En 2016, les électeurs de Donald Trump ignoraient qu'il serait le premier président en exercice à laisser planer le doute sur son intention d'accepter le résultat des urnes. "Donald Trump a une manière inquiétante d'avaliser le recours à la violence, d'entretenir la polarisation, de dénigrer le fonctionnement de la démocratie représentative. On n'est pas sur une question de programme politique, mais de rapport au pouvoir autoritaire, voire fascisant", souligne la politologue.

"Donald Trump a une manière inquiétante d'avaliser le recours à la violence, d'entretenir la polarisation, de dénigrer le fonctionnement de la démocratie représentative."

Emilie Van Haute
politologue à l’Université libre de Bruxelles
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ÉCONOMIE, EMPLOI

TRUMP. L’économie est, devant la santé, le sujet de préoccupation première des Américains. Le président sortant a jusqu’ici misé sur des réductions d’impôts pour stimuler l’économie, avec un résultat qui était déjà mitigé avant l'éclatement de la crise du coronavirus. Il mise sur la même formule pour la suite. Réélu, Donald Trump poursuivrait sur sa lancée d’allègement de la fiscalité – dans la tradition républicaine.

Selon l'analyse qu'en fait Moody's Analytics, le programme de Trump entraînerait 1.900 milliards de réductions d'impôts sur la décennie. Les nouvelles réductions d'impôts bénéficieraient principalement aux ménages les plus aisés. Il octroierait des incitants fiscaux "Made in America" pour pousser à la création d'emplois aux États-Unis, et des abattements pour les entreprises qui ramènent des postes depuis la Chine. Ces nouvelles réductions d’impôts se traduiraient par une limitation des dépenses publiques: même s’il prévoit d'investir dans les infrastructures de transport, d'eau et de haut débit, Donald Trump placerait les dépenses sur la trajectoire d'une réduction de plus de 700 milliards sur la décennie.

BIDEN. En cas de "vague bleue", les États-Unis peuvent s'attendre à un nouveau stimulus de quelque 2.000 milliards de dollars rapidement après l'inauguration du 20 janvier. Avec Biden, les dépenses augmenteraient de 7.300 milliards au cours de la décennie, selon Moody's Analytics, creusant le déficit public. De toutes les dépenses, les plus importantes seraient celles d'infrastructures – transports, énergies vertes, logements sociaux… Un programme qui créerait 7,4 millions d'emplois de plus que celui de Donald Trump, estime l'analyste financier, sur base d'un programme économique républicain qui manque de détails. S'il est élu, Joe Biden promet d’augmenter les impôts des entreprises et des plus riches: sa réforme amènerait 4.100 milliards de dollars dans les caisses au cours de la prochaine décennie. Il entend revenir en partie sur les réductions accordées par l'administration Trump mais, comme lui, il prévoit des déductions "Made in America" pour encourager les entreprises qui relocalisent. Il prévoit aussi de porter le salaire minimum de 7,25 à 15 dollars de l'heure – Donald Trump a laissé entendre qu’il pourrait lui aussi l’envisager.

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SANTÉ, SOCIAL

TRUMP. Moins d’un quart des soutiens de Donald Trump considèrent la pandémie de Covid-19 comme un sujet "très important" pour leur vote, et cela se reflète dans la légèreté du programme du président en la matière. Après avoir vidé d'une partie de sa substance la loi sur les soins de santé abordables ("Obamacare"), Donald Trump entend poursuivre le détricotage des aides publiques aux soins. Les filets de sécurité sociale supporteraient également des coupes significatives – avec notamment des réductions de dépenses dans les programmes d'assistance temporaire pour les familles dans le besoin et d'assistance nutritionnelle. Sous une présidence Trump, les montants accordés pour les congés parentaux seraient réduits et les programmes de prêts étudiants moins généreux.

BIDEN. Par contraste avec la situation côté républicain, 82% des électeurs démocrates considèrent la pandémie de Covid-19 et la santé en général comme déterminante dans leur vote. Et le candidat Biden en fait un cheval de bataille. Il entend réformer l'Obamacare pour assurer que la couverture touche 97% des Américains. Le filet de sécurité sociale serait consolidé, avec 1.500 milliards de dollars de plus sur la décennie dans des programmes sociaux. Biden entend par exemple octroyer aux travailleurs des congés maladie ou familial payés pour douze semaines, et augmenter les allocations de sécurité sociale pour les veufs et veuves ainsi que les anciens. Il prévoit aussi des aides pour les prêts étudiants et pour augmenter l'épargne retraite.

SOCIÉTÉ

TRUMP. Au sortir d’un mandat marqué par un large mouvement de protestation contre les violences policières qui frappent la communauté noire, Donald Trump rejette le constat d’un racisme systémique et qualifie Black Lives Matter de "symbole de la haine". Il a lui-même contribué à alimenter la spirale de la violence, en relayant par exemple la vidéo d'un suprémaciste blanc ou engageant à faire feu lors des débordements qui ont suivi le meurtre de George Floyd. Trump promet d’engager davantage de policiers et d’augmenter les peines pour voies de fait à leur encontre. Il entend aussi "amener les groupes extrémistes violents comme ANTIFA en justice" – citant le nom d'un collectif informel d'action directe contre l'extrême-droite.

BIDEN. Le démocrate se pose en rassembleur qui entend apaiser une société américaine marquée par la division et une violence endémique. Il a choisi comme candidate vice-présidente une femme qui incarne la diversité de la société américaine, Kamala Harris. Le duo avance plusieurs mesures pour réduire des inégalités raciales structurelles, comme la mobilisation de 50 milliards de dollars de capital-risque public-privé à destination des "entrepreneurs noirs et bruns". Le démocrate entend aussi s’attaquer à la violence par balles, qui tue 40.000 personnes par an sur le territoire national, notamment en supprimant une législation qui empêche de tenir les fabricants d'armes civilement responsables pour leurs produits, et en interdisant la vente de fusils d'assaut.

ENVIRONNEMENT

TRUMP. L’environnement n’est pas un thème important de la campagne de Donald Trump, qui a qualifié le réchauffement climatique de "canular" et a sorti les États-Unis de l'accord de Paris: il n’a pas de plan pour lutter contre le réchauffement climatique. Sa décision d’ouvrir le sanctuaire d'ours polaires Arctic National Wildife Refuge (ANWR) à l'exploration pétrolière est un argument de campagne, à côté de l’ordre exécutif qu’il a signé mi-octobre pour participer à l'initiative du Forum économique mondial qui vise à planter "1.000 milliards d’arbres" dans le monde d'ici 2030.

BIDEN. Joe Biden avance le plan climatique le plus ambitieux qu’ait jamais proposé un candidat à la présidentielle, visant une production d’électricité "100% propre" pour 2035 et ambitionnant d’atteindre pour 2050 zéro émissions nettes de gaz à effet de serre – donc de s’aligner sur l’Union européenne. Biden entend pousser 1.700 milliards de dollars sur la décennie vers les énergies renouvelables et les véhicules électriques notamment. Il mettrait en place des régulations qui forceraient les producteurs automobiles à suivre la voie prise en Europe. À cet effet, Biden allouerait une série de réductions fiscales pour inciter de meilleures pratiques environnementales.

IMMIGRATION

TRUMP. La fermeture des États-Unis à la migration aura été un axe majeur de la politique du président américain, qui a poussé sa logique jusqu'à séparer des centaines de mineurs de leurs parents. Le président sortant entend poursuivre la construction du mur à la frontière sud du pays, et durcir encore sa politique migratoire. Selon son conseiller Stephen Miller, qui a esquissé une semaine avant le scrutin le programme en la matière pour un second mandat, Trump entend punir les "villes sanctuaires", qui accueillent des migrants sans papiers, ou encore finaliser un système d'immigration exclusivement sélectif, triant les candidats suivant leurs qualifications mais aussi leurs "sympathies idéologiques".

BIDEN. À des "politiques xénophobes qui déshonorent nos valeurs américaines", Biden oppose une politique respectueuse des doits humains. Il entend supprimer dans les 100 jours de son élection les politiques qui séparent les parents de leurs enfants à la frontière et de restaurer les lois migratoires d'avant-Trump pour restaurer le droit d'asile. Il entend aussi créer "une voie d'accès à la citoyenneté" pour quelque 11 millions de sans-papiers, et augmenter les ressources aux frontières pour soutenir les migrants en attente d'une décision administrative.

COMMERCE

TRUMP. En rupture avec la politique commerciale traditionnelle des États-Unis, sur laquelle Démocrates et Républicains se retrouvaient, Donald Trump a foulé au pied les cadres multilatéraux pour privilégier la politique du bras de fer. La guerre commerciale lancée contre la Chine a donné quelques résultats – un accord pour que la Chine augmente ses importations américaines –, "l’administration Trump vise à présent un deuxième accord", indique Christian Deblock, spécialiste de la politique commerciale américaine à l'Université de Québec à Montréal. "Si Trump est réélu, son administration passera à la 'phase 2' avec la Chine et adoptera une approche frontale avec l’Europe."

BIDEN. Joe Biden ne mènera pas une politique commerciale radicalement différente de celle du Républicain, estime Christian Deblock: "Avec Biden, il y aura une politique d’ouverture, mais deux choses vont rester durablement: le fait que la politique commerciale de Trump a donné des résultats, et le sentiment qu’on ne peut pas se fier à un pays comme la Chine. On peut douter que cela favorise beaucoup les rapprochements." Une élection du Démocrate devrait favoriser un fonctionnement normal de l'Organisation mondiale du commerce, dont l’instance de règlement des différends a été bloquée par Trump.

POLITIQUE ÉTRANGÈRE

TRUMP. Avec Donald Trump, l’isolationnisme américain va se poursuivre, sans ligne très claire. "S’il est réélu, on doit s’attendre aux mêmes politiques mais de manière plus grave: de nouvelles guerres économiques, la poursuite du retrait des États-Unis des institutions internationales... Pour la stabilité internationale, ça ne serait pas une bonne nouvelle", estime Tanguy Struye de Swielande, professeur à l’Université catholique de Louvain.  Le Républicain n'a pas de programme de promotion de la stabilité hors des États-Unis, et hors États-Unis sa campagne se concentre sur son opposition à la Chine. "Le grand problème, c’est surtout son caractère: en un tweet il peut créer une nouvelle politique, sans que ses services soient au courant. Il est plutôt un facteur d’instabilité."

BIDEN. L’arrivée de Joe Biden au pouvoir ne devrait pas provoquer l’avènement d’une politique étrangère américaine radicalement nouvelle, souligne Tanguy Struye. "On va retourner sur une politique proche de celle d’Obama", qui avait déclassé l’Europe dans la liste de ses priorités à l’international, et mis un terme à l’interventionnisme au nom de la promotion de la démocratie. "La seule chose qui va vraiment changer par rapport à Trump, c’est le retour dans les organisations internationales." Biden entend en effet clairement reprendre les financements à Organisation mondiale de la Santé, réintroduire l’Accord de Paris sur le Climat, et si possible réintégrer l’accord sur le nucléaire iranien.

Trois moments forts
  • Sphères croisées – Standards de jazz revisités par l'Ensemble Musiques Nouvelles (12/11)
  • Marathon sonore - Quatre concerts célébrant la diversité de la création actuelle, avec l'excellent jeune Trio O3 (20-21/11)
  • Iva Bittová et Musiques Nouvelles – Rencontre inédite avec la grande compositrice tchèque (25/11)
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Jusqu'au 27/11 - www.arsmusica.be

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