Présidentielle 2024 aux États-Unis: Joe Biden, une nouvelle candidature pour "finir le travail"
Joe Biden a annoncé qu’il briguait un second mandat à la Maison-Blanche. Il rejoint, sur le banc des candidats, le républicain Donald Trump, qui aimerait bien prendre sa revanche.
C’est fait. Joe Biden est officiellement candidat à sa réélection. Le président américain l’a annoncé dans une vidéo. Sans rival majeur côté démocrate, l’octogénaire est assuré de remporter la nomination de son parti. Sa campagne pourra mettre en avant ses réussites législatives, mais devra composer avec une inflation persistante et convaincre les Américains que malgré son âge avancé, Joe Biden peut tenir quatre années supplémentaires.
Pourquoi Joe Biden annonce-t-il sa candidature aujourd’hui?
Pour remporter une élection, il faut faire campagne. Et pour faire campagne, il faut de l’argent. Plus la candidature est précoce, plus les dons s’accumulent. Certains au sein du camp Biden lui conseillaient d’attendre le mois de juin pour faire son annonce. Après tout, rien ne pressait politiquement et l’exposition médiatique d’un président en exercice aurait pu être suffisante, tout en se plaçant au-dessus de la mêlée.
Mais d’autres conseillers craignaient de ne pas pouvoir rattraper l’avance financière de Donald Trump en démarrant la campagne trop tard. La décision a donc été prise de se lancer ce mardi 25 avril, quatre ans jour pour jour après l’annonce de la candidature à la présidentielle 2020.
Joe Biden a-t-il des rivaux côté démocrate ?
Non, en tout cas pas de taille à le battre aux primaires. Le Parti démocrate a d’ores et déjà annoncé qu’il soutiendrait la candidature de Joe Biden et n’a pas l’intention de soutenir d’éventuel débats. Pour l’instant, seuls deux prétendants font face au président: Marianne Williamson et Robert F. Kennedy Jr.
Marianne Williamson, qui était déjà candidate aux primaires en 2020, est une autrice de livres sur la spiritualité et le développement personnel.
Robert F. Kennedy Jr, - le fils de l’ancien sénateur de New York Robert F. Kennedy - est un avocat spécialiste du droit environnemental qui s’est illustré pendant la crise du Covid-19 par ses positions anti-vaccin et conspirationnistes. Au point d’être vu par les républicains comme un agent du chaos au sein du Parti démocrate. Ni l’un ni l’autre n’ont jamais été élus.
Que signifie cette absence d’autres poids lourds au sein du Parti démocrate?
Il est plutôt logique qu’un président candidat à sa réélection ne rencontre pas d’obstacle sérieux au sein de son propre parti. Barack Obama a bénéficié du même avantage en 2012, tout comme Donald Trump en 2020. Pour rester au pouvoir, le parti met ses dissensions au second plan afin de se concentrer sur la victoire. Dans le cas présent, l’aile gauche du parti, qui reste sur sa faim, par exemple, en matière de politique climatique, fait bloc bon gré mal gré.
Afin de prévenir toute contestation, Joe Biden a d’ailleurs recruté certains de ses potentiels rivaux démocrates - gouverneurs, sénateurs et autres stars du parti - au sein d’un "conseil national" dont les membres feront campagne pour lui le moment venu. Gretchen Whitmer, gouverneure du Michigan, Gavin Newsom, gouverneur de Californie, ou encore Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts, en font partie.
Comment cette candidature est-elle perçue dans l’opinion publique américaine?
Les électeurs démocrates sont résignés: faute d’alternative prête à dégainer, Joe Biden est vu comme le seul candidat pouvant empêcher Donald Trump de revenir au pouvoir et combattre l’extrême droite. Mais l'actuel locataire de la Maison-Blanche est loin d’être adulé.
En ce mois d’avril, son taux de popularité est tombé à 39%, selon un sondage Reuters/Ipsos. Le chiffre est proche de son score le plus faible, qui était de 36% en milieu d’année 2022. À part Donald Trump, dont la popularité est tombée à 33% en décembre 2017, peu de présidents américains ont été si mal aimés.
Le grand projet de Joe Biden en arrivant au pouvoir en 2021 était de "guérir" un pays rongé par les divisions partisanes. Mais sa faible popularité montre qu’il a échoué à enrayer cette polarisation croissante. En coulisses, ses équipes expliquent que sa nouvelle candidature a pour objectif de "finir le travail".
Comment va s’organiser sa campagne?
Les détails ne sont pas encore connus, mais tout indique que la campagne va démarrer en douceur. Joe Biden doit se rendre au Japon et en Australie au mois de mai. Puis le bras de fer qui l’oppose au Parti républicain au sujet du relèvement du plafond de la dette nationale devrait occuper une bonne partie du début de l’été.
Pour l’instant, le camp Biden doit motiver ses troupes et trouver de l’argent. Le président doit rencontrer, en fin de semaine, quelques dizaines de personnes parmi ses plus gros collecteurs de fonds. Ce sont eux qui organiseront ensuite des événements pour attirer les chèques de donateurs.
Depuis l’année dernière, Anita Dunn et Jen O’Malley Dillon, deux des plus proches conseillères de Joe Biden, sont chargées de préparer la campagne pour la réélection du président et d’embaucher le personnel nécessaire. Julie Chávez Rodriguez, conseillère à la Maison-Blanche, dirigera la campagne.
Afin de s’adapter aux nouveaux usages des Américains, le camp Biden mise sur une stratégie digitale plus agressive qu’en 2020, avec un groupe de volontaires dédié au partage de contenus sur les réseaux sociaux populaires chez les jeunes, comme TikTok, et sur les messageries de type WhatsApp où les publicités politiques sont interdites. Pas question pour autant d’oublier le traditionnel porte-à-porte, qui reviendra en force après une campagne 2020 "à distance" en raison de la pandémie.
Certains groupes indépendants, comme American Bridge, ont déjà lancé des publicités télévisées dans certains États-clés, dont la Caroline du Nord, le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Les spots saluent les succès de Joe Biden, comme la baisse du prix de l’insuline, les créations d’emplois et le soutien aux industriels sur le sol américain, avant de conclure: "Nous devons nous tenir derrière lui pour terminer le travail".
L’inflation persiste et reste l’un des problèmes majeurs du gouvernement Biden.
Quels sont ses atouts et ses faiblesses pour sa réélection?
La Maison-Blanche met en avant ses efforts pour sortir les États-Unis de la crise du coronavirus et son gigantesque plan de relance économique. L’administration Biden est aussi très fière de sa loi sur les infrastructures - 1.200 milliards de dollars d’investissements dans les ponts, les routes, les bornes pour voitures électriques et les canalisations d'eau - un texte adopté grâce au vote de sénateurs républicains. Une autre loi, l’Inflation Reduction Act, s’attaque au changement climatique et au prix trop élevé des médicaments.
Sur le plan économique comme sur le plan international, le bilan est mitigé. Malgré des créations d’emploi indéniables, l’inflation persiste et reste l’un des problèmes majeurs du gouvernement Biden. Le retrait américain d’Afghanistan après 20 ans de guerre a bien eu lieu, mais dans le chaos le plus total.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, Joe Biden se pose en leader de l’alliance transatlantique face à la Russie, mais le camp républicain s’impatiente et ne veut plus faire de "chèque en blanc" à Kiev. Les tensions avec la Chine, elles, vont crescendo, et le président américain est accusé par l’opposition de manquer de fermeté.
Joe Biden est aussi menacé par l’affaire des documents confidentiels retrouvés dans sa maison du Delaware et dans un ancien bureau. Un procureur spécial est chargé de l’enquête. Mais les critiques les plus fréquentes concernent son âge avancé - à 80 ans, il est déjà le président le plus âgé de l’histoire américaine - et ses gaffes répétées lors de ses discours qui font dire à certains qu’il n’a plus toute sa tête.
Reste que la meilleure performance que prévu du Parti démocrate aux élections de mi-mandat de 2022 donne confiance au camp Biden pour la présidentielle 2024. Les candidats extrémistes du Parti républicain et soutenus par Donald Trump avaient été vaincus, et la bataille autour du droit à l’avortement avait mobilisé l’électorat féminin en faveur des démocrates.
Qui sera en face de lui côté républicain?
Pour le moment, Donald Trump, 76 ans, fait la course en tête dans les sondages pour les primaires républicaines. Son plus gros rival potentiel, Ron DeSantis, ne s’est pas encore déclaré candidat. Mais le milliardaire semble bien installé dans la course.
Son inculpation dans l’affaire Stormy Daniels a forcé les ténors du parti à le soutenir, épousant sa théorie du candidat-martyr victime d’une "chasse aux sorcières". Le camp Biden, confiant dans sa capacité à battre Donald Trump une seconde fois, a tout intérêt à ce que ce dernier remporte la nomination républicaine.