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analyse

L'Europe ne pourrait se défendre seule en cas de retrait américain de l'Otan

Donald Trump en visite à l'Otan, lors de son mandat de président des États-Unis, à Bruxelles, le 12 juillet 2018. ©BELGAIMAGE

Les provocations de Trump ont ravivé la crainte d'un désinvestissement des États-Unis de l'Otan. Mais en l'état, l'Europe n'a pas les moyens de se défendre seule.

Les menaces de Donald Trump contre les "mauvais payeurs" au sein de l'Otan ont pesé, cette semaine, sur les réunions internationales de sécurité et de défense. Une forte inquiétude, attestée par plusieurs diplomates, a été ressentie lors du Conseil des ministres de la Défense de l'Otan et la Conférence de Munich sur la sécurité. Quelles seraient les conséquences d'un retrait des États-Unis de l'Alliance atlantique ? À moins d'un an de la présidentielle américaine, et d'un retour possible de Trump à la Maison-Blanche, la question doit être posée.

Trump a, non seulement, laissé entendre que les États-Unis ne protègeraient plus un pays allié qui n'investit pas suffisamment dans les dépenses militaires, mais, en plus, il a menacé d'inviter la Russie à attaquer ce pays, ce qui va à contre-sens des fondements de l'Alliance et ravive le spectre d'un désinvestissement américain.

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"Les Européens ne sont pas en mesure de mener des opérations militaires de grande envergure tout en gérant le risque d'escalade nucléaire."

Alexander Mattelaer
Chercheur à l'Insititut royal Egmont, professeur à la VUB

Les analystes sont unanimes, l'Europe n'a pas les moyens, à ce jour, d'assurer seule sa propre défense, tant sur le plan humain que matériel et logistique.

"La sécurité européenne reste très dépendante des forces américaines conventionnelles et nucléaires, et il y a très peu de marge pour changer cette réalité à court terme", résume Alexander Mattelaer, chercheur à l'Institut royal Egmont et professeur à la VUB.

Déséquilibre des forces

En cas d'attaque sur le sol européen, les États-Unis sont les seuls, au sein de l'Otan, à être capables de projeter des centaines de milliers d'hommes. Ils possèdent les services de renseignements et le réseau satellitaire les plus puissants de la planète. Une flotte de bombardiers stratégiques, comme le B2 furtif ou le B52 supersonique, qu'aucun allié ne peut aligner. Une force navale dotée de 11 porte-avions, contre un seul grand porte-avion en Europe, le Charles de Gaulle, détenu par la France.

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Sur le plan de la dissuasion nucléaire, les États-Unis sont les seuls à pouvoir rivaliser avec la Russie, chacun alignant près de 6.000 ogives. La France et le Royaume-Uni en possèdent chacun environ 250.

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Capacité de commandement

Le problème le plus grave posé par un retrait américain se jouerait au niveau du système de commandement. Les armées européennes, imbriquées dans l'Otan depuis 75 ans, sont incapables de déployer, en urgence et sans les États-Unis, une chaine de commandement.

"Trump instrumentalise la menace. C'est un businessman qui intimide ses partenaires pour arracher le meilleur accord."

Alexander Mattelaer
Chercheur à l'Institut royal Egmont, professeur à la VUB

"Les États-Unis sont les seuls à disposer d'une capacité de commandement additionnelle qui pourrait appuyer celle de l'Otan lors d'une guerre, par exemple en cas de blocage politique", explique Alexander Mattelaer. "Les Européens ne sont pas en mesure de mener des opérations militaires de grande envergure tout en gérant le risque d'escalade nucléaire."

Un retrait hypothétique

Donald Trump a provoqué un micro-séisme. Mais ses propos doivent être replacés dans leur contexte : celui d'une négociation portant sur le partage du fardeau des dépenses militaires au sein de l'Otan, où les États-Unis assument 70% de la charge.

"Trump instrumentalise la menace. C'est un businessman qui intimide ses partenaires pour arracher le meilleur accord", dit Alexander Mattelaer.

Les critiques acerbes de Trump masquent un fond de vérité : les Européens se sont désinvestis des dépenses militaires durant des décennies, et aux États-Unis il y a un consensus entre républicains et démocrates sur le fait qu'ils doivent faire plus.

Mais cela ne va pas jusqu'au retrait de l'Otan. "Il faut se garder de tout catastrophisme", insiste l'expert. Pour l'instant, le retrait américain est hypothétique. Donald Trump tient des discours de campagne, tandis que Joe Biden est toujours aux commandes.

Les États-Unis pourraient réduire leur investissement dans l'Otan, mais cela n'entraînera pas son effondrement, car l'Alliance est ancienne et construite par des armées habituées à travailler ensemble.

La Russie se réarme

Après son échec en Ukraine, la Russie a relancé son industrie pour reconstituer sa puissance militaire, ce qui pourrait inverser le cours de la guerre. "La mobilisation industrielle est beaucoup plus avancée du côté russe que du côté occidental, où il y a une concurrence entre se réarmer et armer l'Ukraine", dit l'expert.

Le scénario d'une victoire russe en Ukraine et de l'extension du conflit vers les pays baltes ou la Pologne inquiète Européens, ce qui provoque un réinvestissement dans la défense. L'Allemagne prévoit un budget militaire de 72 milliards d'euros pour 2024. Un record. Au total, les alliés européens au sein de l'Otan devraient investir, cette année, 380 milliards de dollars en dépenses militaires.

72
milliards d'euros
L'Allemagne prévoit un budget militaire de 72 milliards d'euros pour 2024. Un record.

Mais l'Europe est loin d'avoir atteint son autonomie stratégique. Ces chiffres ne rivalisent pas avec l'ambitieux budget de défense américain, qui atteindrait 842 milliards de dollars en 2024. "Même si l'Europe réinvestit dans la défense, cela prendra du temps avant que ses capacités opérationnelles ne soient réellement mises à niveau", avertit Alexander Mattelaer.

Le résumé
  • Les menaces de Donald Trump envers les pays alliés dont les dépenses militaires sont insuffisantes ont ravivé les craintes d'un retrait américain de l'Otan.
  • Les inquiétudes sont réelles, car les Européens n'ont pas les capacités militaires suffisantes pour se défendre, en dépit des fortes augmentations des dépenses militaires depuis l'invasion russe en Ukraine.
  • Un retrait américain reste, à l'heure actuelle, purement hypothétique. Trump n'est pas encore à la Maison-Blanche, et il est coutumier de ces provocations.
Dossier | Guerre en Ukraine

Dossier spécial sur la guerre en Ukraine, lancée le 24 février 2022 par Vladimir Poutine: toute l'actu et les dernières infos sur le conflit armé entre l'Ukraine et la Russie.

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Au bout d'une réunion de plus de deux heures portant sur la possibilité de démarrer des négociations à Bruxelles sans la N-VA, il n'y a toujours pas de consensus, ont conclu Christophe De Beukelaer (Engagés) et Elke Van den Brandt (Groen).