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Attentat de Moscou: "Poutine cherche à détourner l'attention"

Le président russe Vladimir Poutine allume une bougie lors de sa visite dans une église de la résidence d'État de Novo-Ogaryovo, à l'extérieur de Moscou, le 24 mars 2024. ©AFP

Dans le déni sur les auteurs de l'attentat de Moscou, le président Vladimir Poutine désigne l'Ukraine comme responsable, pour mobiliser les Russes et attirer la sympathie de l'Occident.

Le président russe Vladimir Poutine s'enfonçait dans le déni, lundi, en continuant à lier l'attentat de Moscou au régime ukrainien. Le massacre, commis vendredi dans une salle de concert et ayant entraîné la mort de 137 personnes, a pourtant été revendiqué par l'État islamique au Khorassan (EI-K), une branche afghane du groupe terroriste. Mais pour le dirigeant russe, obsédé par la guerre en Ukraine, les auteurs de l'attentat seraient des "islamistes radicaux" liés à Kiev.

"Cette atrocité pourrait n'être qu'un maillon d'une série de tentatives de ceux qui sont en guerre contre notre pays depuis 2014", a-t-il déclaré lundi, en citant "le régime néo-nazi de Kiev".

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Cette affirmation rappelle les accusations que le maître du Kremlin avait lancées contre la Tchétchénie en septembre 1999, après une série de cinq attentats meurtriers, ce qui lui avait permis de lancer une opération punitive contre les Tchétchènes aboutissant à la destruction de leur capitale, Grozny.

Une revendication claire

"Poutine veut détourner l'attention des crimes commis par la Russie en Ukraine."

Sergueï Kuzan
Président du Centre ukrainien de Sécurité et de Coopération

L'EI-K a revendiqué clairement l'attentat, vidéo à l'appui sur son compte Telegram. En outre, Washington a rejeté la version du Kremlin, et révélé que les services de renseignement américains avaient averti la Russie de l'imminence d'attaques terroristes islamistes.

Cela fait plusieurs mois que des voix s'élèvent pour dénoncer le regain d'activités des groupes terroristes en Afghanistan depuis le retour au pouvoir des Talibans. "Le terrorisme islamiste s’exporte à nouveau d'Afghanistan", nous avait confié en septembre Ahmad Massoud, le fils du commandant Massoud, lors d'une interview. "Tôt ou tard cela touchera aussi l'Europe, parce que l'Afghanistan est redevenu un refuge et un terrain de recrutement pour le terrorisme islamiste".

Instrumentalisation

Pour les experts, en accusant Kiev, le président russe cherche à instrumentaliser l'attentat. "Poutine veut détourner l'attention des crimes commis par la Russie en Ukraine", dit Sergueï Kuzan, président du Centre ukrainien de Sécurité et de Coopération, un "think thank" basé à Kiev. "C'est la même écriture que lors des attentats de 1999", poursuit-il.

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En focalisant l'attention sur l'Ukraine, le président russe prépare l'opinion publique russe à une intensification de la guerre. "La Russie poursuit un double objectif à travers cette désinformation: amener les Occidentaux à réduire l'aide militaire à l'Ukraine et mobiliser à nouveau la population russe, car on ressent chez elle une fatigue de la guerre", dit-il.

Impact limité sur l'Ukraine

"L'impact de l'attentat de Moscou sur la guerre en Ukraine sera limité."

Sven Biscop
Directeur à l'Institut royal Egmont, professeur à l'Université de Gand

Pour Sergueï Kuzan, la Russie n'a pas les ressources pour monter en puissance contre l'Ukraine. "Nous constatons une intensification des attaques ces derniers jours, mais ce n'est pas au même niveau que l'an dernier", estime-t-il. "Ce qui est important pour nous, c'est que l'Occident ne détourne pas son attention des actes de terrorisme commis par la Russie en Ukraine".

L'armée russe, retranchée derrière une ligne de front de 1.200 km, tente de reprendre l'avantage depuis quelques semaines. Mais il y a peu de chance qu'elle y parvienne à court terme, du moins avant la prochaine mobilisation.

La propagande du Kremlin va-t-elle fonctionner ? "Poutine essaye d'instrumentaliser la situation, mais pour l'instant, ça ne marche pas. C'est évident que l'attaque vient d'ailleurs que d'Ukraine", dit Sven Biscop, directeur à l'Institut royal Egmont et professeur à l'Université de Gand.

"L'impact de l'attentat de Moscou sur la guerre en Ukraine sera limité", estime-t-il. "La Russie pourrait utiliser l'aviation qui lui reste pour intensifier ses bombardements sur l'Ukraine, mais cela touchera la population civile sans réaliser d'avancée sur le plan militaire".

L'attentat de Moscou "ne surprend pas" la résistance afghane

L'attaque terroriste, revendiquée par le groupe État islamique au Khorassan (EI-K), n'est pas une surprise pour le Front national de Résistance d'Afghanistan, le mouvement dirigé par Ahmad Massoud, le fils du célèbre commandant Massoud, le "Lion du Panchir" qui fut assassiné en 2001 à la veille des attentats du 11 Septembre.

"Notre mouvement avertit depuis 2021 que l'Afghanistan est devenu une base pour le terrorisme international", explique Ali Maisam Nazary, le directeur des Affaires étrangères du Front national de Résistance, "ils s'entraînent et se préparent pour cela. L'attentat de Moscou est le dernier exemple en date de ce qu'ils peuvent faire. Ils ont aussi tenté, il y a quelque temps, une attaque en Allemagne, heureusement déjouée".

Les résistants afghans prédisent de nouvelles attaques terroristes. "Il existe une vingtaine de groupes terroristes en Afghanistan utilisant les infrastructures locales pour préparer des attentats en Russie, en Europe, aux États-Unis. Ils ont une liste d'ennemis, et leur idéologie est d'attaquer n'importe lequel, n'importe quand", ajoute Ali Maisan Nazary.

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Selon lui, les talibans autorisent la présence des groupes terroristes, car ils y voient un instrument pour déstabiliser les États ennemis. "Les talibans leur donnent les terrains, les armes et la protection nécessaires", poursuit-il, "le Front national de Résistance est la seule force qui puisse s'opposer à eux. C'est notre combat quotidien", conclut-il.

Dossier | Guerre en Ukraine

Dossier spécial sur la guerre en Ukraine, lancée le 24 février 2022 par Vladimir Poutine: toute l'actu et les dernières infos sur le conflit armé entre l'Ukraine et la Russie.

Le résumé
  • Le président russe Vladimir Poutine cherche à "détourner l'attention" en désignant l'Ukraine comme responsable de l'attentat de Moscou. Les revendications de l'EI-K, la branche afghane de l'État islamique, sont pourtant claires.
  • L'objectif est de mobiliser les Russes, fatigués de cette guerre, et réduire l'aide occidentale à l'Ukraine, affirme l'analyste Sergueï Kuzan.
  • Pour l'instant, le Kremlin n'a pas réussi à convaincre. En outre, ses moyens d'actions en Ukraine sont limités.
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